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Full text of "Mémoires de la Société d'émulation du Jura"

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MÉMOIRES 
de la 
Société d'Émulation 


DU JURA. 


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MEMOIRES 


SOCIÈTÉ D'ÉMULATION 


DU JURA 


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ONZIÈME SÉRIE 


QUATRIÈME VOLUME 


1926 


LONS-LE-SAUNIER 


IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE LUCIEN LECLUME 


1926 


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SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU JURA 


Procès-Verbaux des Séances. 
Séance du 30 avril 19925. 


Présent : MM. Monor, Président, Colonel BaiLzë. 
de CHaALAIN, Davizré, DecLume, Fumey, KR. GEnoun, 


_ GEYER, JousseranporT, LacnicHe, Lamy, LEpeuiz, de 
. Lescaaux, Moreau, ParRÉ, Mme TROUILLOT etH. CaRREz, 
_ Secrétaire. 


 Absent eXCUSÉ : M. l’abbé Perron. 


MM. Monor et CaRRez présentent M. Louis Jacquer, 


Commandant d'artillerie en retraite au titre de membre 


résident. M. Davizré donne un compte-rendu du récent 


Dictionnaire topographique de là Côte d'Or et fait 


ensuite une communication sur l’hiver de 1709 à Lons- 
le-Saunier, Conliège, St-Maur, d’après des documents 


contemporains des évènements. M. le Président analyse 
Tœuvre posthume d’Aur-Roë (pseudonyme littéraire du 


Colonel Patrice Manon) : Berthe Vauclin. Ce roman, 


au même titre que le roman Monsieur Pierre, mérite-de 


recevoir l'estime de ce que l’on appelait autrefois les 


“honnêtes gens. Cependant on pourraît faire quelques 
réserves sur le caractère d’Aristide Flambart, “un des 


princi} paux personnages. 


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— ]I — 


Séance du 28 mai 1925. 


RE 


Présents : MM. Monor, Président, Guicnarp, Vice- 
Président, le Colonel Barzze, de CHALAIN, DAviLLé, 
Deczue, Fumey, GENEvAUx, R. GENOUD, GEYER, JACQUET, 
JOUSSERANDOT, LomBarD, Moreau, PATHÉ, Abbé Perron, 
Maurice Prosr, Mme TrouiLror et CARREz, Secrétaire. 


Absents excusés : MM. de Lescaaux et Lepeuir. 


M. Louis Jacquer est admis à l’unanimité. La société 
archéologique de Sens sera désormais placée à nouveau 
au nombre des Sociétés correspondantes de la Société 
d’Emulation, tout comme la. Société d'Agriculture et 
Arts de Lille et la Société Archéologique de l’Orléanais. 

Sur la proposition de M. Mowor, Président, une sub- 

vention de 20 francs est accordée par la Société d’Emu- 
lation au Comité de Bourg qui doit ériger une plaque 
commémorative à la mémoire de Thomas Risoup. Ce 
représentant du peuple sauva par deux fois, en 1790 et 
en 1793, l’église de Brou de la destruction. 

M. Fumey donne ensuite une communication sur le 
registre terrier de Montmorot de 1456 dont il possède 
une copie du xvin° siècle. Il se trouve dans cet intéres- 
sant document une description du château, quelques 
détails sur la saline et surtout des précisions sur la con- 
dition des terres et des personnes. | 

M. l'Abbé Perron parle d’un ouvrage de Lemonrey, 
ouvrage qui a pour titre : {rons-nous à Paris ou La 


famille du Jura, paru en 1804. L'auteur, un lyonnais, a . 


laissé une peinture assez mordante d’une famille du Jura 
en route pour Paris où elle veut assister au sacre de 
Napoléon 1° ; puis M. Monor donne un compte-rendu 
sur : Jean de Wattevile, de MM. Pierre et Paul Dupin, 


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| tir 
Mme Trovizror et M. Monor présente ensuite M. 


CHABAL, ancien caissier de la Banque de France en 
retraite, résidant à à Lons-le-Saunier, 


Séance du 25 juin 1925. 


ere 


Présents : MM. Monor, Président, GuicHarn, Vice- 
Président, Mme Boussey, de CHazain, DecLUME, FUME Y, 
Gexevaux, R. GenouD, GEYER, GIRARDOT, JOUSSERANDOT, 
Lacnicne, Lawy, de Lescnaux, Mongau, Parmé, Abbé 
Perron. : 


 Absents excusés : MM. Daviccé, Lepeuiz et LomBarp. 


M. CaaBar est élu à l’unanimité. MM. lAbbé Perron 
et Parné présentent le Docteur THomas, de Lons:-le- 
Saunier. MM. Moxor et l’Abbé Perron présentent ensuite 
M. Jacquer, professeur honoraire de l’Université à St. 
Omer, aujourd'hui, en retraite à Salins. M. le Président 
salue le retour de M. GrRanpor qui relève de maladie. 
La date du Congrès de l'Association Franc-Comtoise se 
trouve définitivement fixée et le lieu de réunion sera 
Besançon. 

M. R. Genoup donne lecture d’une communication 
sur les origines comtoises de Lamartine. M. CarREz 
ajoute quelques remarques nouvelles sur le parler local 
du Haut-Jura. Puis M. Moxor communique un article 
du chanoine Bourgeat sur : Quelques témoins du passé 
du Jura, et fait part à la Société du décès de M. Lauren 
Viserr, jadis professeur au Lycée de Lons, auteur d’un 
artic'e sur la ferronnerie ancienne lédonienne parue 
dans le Vieux Lons. 


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Séance du 15 octobre 1925. 


ce ——— 


Présents : MM. Monor, Président, Cuasar, de Cna- 
LAIN, Davié, Dunem, R. Genoup, Girarpor, Comman- 
dant Jacquer Lepeurr, Moreau,ParHÉ, Prosr, CARREZ, 
Secrétaire. | 


Absent excusé : M. Fumer. 


L'annonce du décès du Docteur Maexnn est portée à 
. la connaissance de l’Assemblée. Sont admis à titre de : 
membre résident, à Lons : M. le Docteur Taomas ; à 
Salins, M. Jacquer. 

M. VuIcraAunE, secrétaire du Syndicat le Jura Fran- 
cais, sollicitant une subvention, la somme e 50 fr. lui 
est allouée par la Société. 

Le maire de la commune de la Chätelaine et son 
Conseil ayant consulté la Société sur l’opportunité de 
la création d’une halte à Paransot, proche de la Châte- 
laine et d'Ivory, à cause de la proximité des ruines his- 
toriques du château, M. Moreau fait remarquer que 
l'utilité de cette station n'est point très grande, en rai- 
son de l'existence toute proche des gares d’Arbois et de 
bi 


Séance du 12 novembre 19925. 


Présents MM. Moxor, Président, Abbé Amior, Mme 
Boussey, CnaBaz, de CHALAIN, Davizcé, DEcLUME, 
Dune, GENEvAÜx, R. Genoup, Girarpor, Commandant 
Jacouer,JoussERANDOT, LAGHIcHE, de LescHaux, Moreau, 
Paraé, Abbé Perron, RicouLer, Carrez, Secrétaire, 


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— V —— 


M, Xavier Brun a adressé à la Société d’Emulation 
_ une monographie sur le village de Nantey, proche de 
_St-Amour. M. Jean Cox, ancien élève de l'Ecole fran- 
çaise de Rome, devant faire une conférence sur les Villes 
d’Or du Maroc, s’était adressé à la Société d’Emulation 
pour le patronner. M. le Président étudiera plus tard 
cette question. M. Fiscxer a fait hommage à la Société 
” d’un ouvrage récent publié par lui sur les « Rosset » 
sculpteurs San-Claudiens. M. Jules LEBRUN, maire, a fait. 
don à la Société d’une collection de Mémoires provenant 
de son frère, M. Louis LeBrun. La parole est ensuite 
donnée à M. C. Davicé pour lire un travail sur deux 
artistes comiois : Claude-François CroLoT, peintre 
du xvu° siècle, originaire de Pontarlier, qui travail- 
lait en 1691 à Courbouzon, enfin Claude IT Gazzor a 
. comméncé en 1722-1723 un retable destiné à l’église de 
… PEtoile pour la confrérie du Mont-Carmel. Le modèle 
de ce retable devait avoir été sculpté au xvir° siècle et 
existe encore dans l’église de Conliège. M. Dune 
résume d'après les archives communales de Morez la 
Grande Peur dans le Haut-Jura en 1789, appuyant son 
_-article sur les études de Taine et de Sorel. M. le Prési- 
dent annonce ensuite le décès de M. Guicxan», curé de 
Dole. M. Monor donne lecture de passages de l’ouvrage 
de LAURENT ViBerT récemment décédé : Ce que j'ai vu 
en Orient. 


Séance du 10 décembre 1925. 


Présents MM. Moxnor, Président, Colonel Baie, : 
Bey, CnaBaz, de CHALAIN, Davizzé, Fume, GENEvAUx, 
R. Genoup, Grrarpot, Commandant Jacquer, V. Giro», 
JOUSSERANDOT, LACHICHE, Lepeurz, de LescHAux, A. 
Lérorey, LompBarn, Moreau, Paré, Abbé Perron, Mau- 
rice Prost. Docteur THomwas et CARREz, Secrétaire, 


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M. Léon Laoy, publiciste à Paris, demande sa radia” 
tion de la liste des sociétaires, tandis que M. Julien 
Rocue demande au contraire sa réintégration. M. E. 
Loncin a transmis à la Société une Note rectificative 
à propos de Béatrix de Cusance. M. le Capitaine Gxano 
a envoyé des récits marocains dont M. Moxor présente 
des extraits. M. l’Abbé Perron lit une biographie du 
Salinois Etienne Parouizcer qui sortit de la compagnie 
* de Jésus et fut un des Négociateurs de la Paix d’Aix-la- 
Chapelle (1660. Il prononça comme doyen de Dole 
l’oraison funèbre de Marie-Thérèse, femme de Louis 
XIV. M. Moxor s’excuse de ne pouvoir donner lecture 
d’un travail sur St-Etienne-de-Coldres et son camp 

romain d’après un manuscrit du xvin° siècle Quant à 
M. Corn, il devra faire sa conférence sur les Villes 
d’Or du Maroc, sou: le double patronage de la Société 
d’Emulation et de la Fédération Lédonienne. 

Le bureau est ensuite renouvelé, le nouveau Pré- 
sident est M. l’Abbé Perron, avec M. GuicHanp comme 
Vice-Président et M. Carrez comme Secrétaire-Trésorier. 


Séance du 21 janvier 1926. 


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Présents : MM. l’Abbé Perron, Président, CHaBa, de 
CHALAIN, Davizzé, R. GENouD, GiraArpoT, Commandant 
JAGQUET, LacHicHEe, Lamy, LEeDpEeurLz, Moreau, PATHÉ, 
M. Prost, Mme Henri Rozrer, et Carrez, Secrétaire. 


M. l’Abbé Perron remercie la Société de lui avoir à 
nouveau confié la charge de Président. Il fait part des 
vifs remerciements de M. GurcHarp. M. l’abbé BourGEAT 
_ vient de lui adresser une solide étude sur les Caprices 
du Rhône. , 


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— VII — 

Le volume de 1925 n’est pas encore paru malgré le 
dépôt des manuscrits dès le 2 août. 

. M. Davizté lit un mémoire sur les termes de géogra- 
phie jurassienne montagnarde, savoir : le mot puyd, en 
latin podium, plan, cueille, dérivé du latin colis, colline. 
Il a en outre retrouvé un fragment de recueil médical du 
xv® siècle, sur la couverture d’un manuscrit des archives 
communales de Lons-le-Saunier, en dialecte de l'Ouest. 

. M. l'Abbé PErrop parle du souhait : le Roi boit, cou- 
tume se rattachant à la fête des Rois, et d’après Buicer 
aux mystères du moyen-âge. 

M. le Trésorier donne lecture du compte de l’exercice 

1925. 


Recettes nie da cie . 7.836 10 
Dépenses........,......... -,. 3.328 05 
Excédent des recettes....,. 4.508 65 


‘Avoir en titre de la Société : 11.250 ir. Total général 
de l'avoir : 15.758 fr. 65. 


M. Monor est élu membre de la commission de lec- 
ture. Sur la présentatiou de Mme Henry Rozier et de 
M. R. Gexoun, M. Pierre Prost est soumis à l’appro- 
bation. de ses collègues. 


Séance du 25 février 1926. 


Présents : MM. Monor, Président, Mme Bousser, 
CHasar, DaviLré, Fumey, GenEvaux, R. GenouD, GrraR- 
por, LacmiCHE, Lamy, de Lescaaux, Moxor, Maurice 
Prost, Docteur Tomas, Mme TRouILLOT, CARREZz, 
Secrétaire. : | 


Absent excusé : M. le Commandant Jacquer. 


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— VIT 


Le compte financier a été approuvé par la commission 
des finances. | 
M. le Président annonce le succès de notre jeune col- 
lègue G. Duxem qui vient d'obtenir le diplôme. d’Archi- 
viste paléographe et le deuil qui a frappé M. de CHALAIN. 
M. Pierre Prosr est élu à l'unanimité, puis M. l’abhé 
Perrop et M. Carrez présentent M. Baser, instituteur 
en retraite à Asnans. Comme M. Gazier avait songé à 
créer une commission permanente de l'Association 
Franc-Comtoise, cette idée est soumise à discussion. 
M. Perron lit ensuite -une communication sur Bussy- 
Rabutin et son séjour à Cressia (Jura), tandis que M. 
Movor prend la parole pour résumer une étude archéo- 
logique de M. Duxem sur deux pierres tombales de 
l’église de Château-Chalon, dont l’une est présumée du 
xve siècle. 


Séance du 18 mars 1926. 


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Présents : M. Perrop, Président, Guicmaro, Vice- 
Président, Cnapar, de CnaLaiN, Davizzé, Decrume, R. 
GEeNouD, GIRARDOT, Mme Go, Jousseranpor, LACHICHE, 
LeoguiL, Moreau, Maurice Prosr, Pierre Prosr, TourNIER 
et Carrez, Secrétaire. 


_ Absent excusé : M. Paré. 


M. Xavier Brun accepte de verser une subvention de 

500 fr. à la Société d’'Emulation pour la publication de 
son ouvrage sur Nantey. M. Davizré lit des Notes sur 
l’église de Beaufort. Il retrace l'historique de la cons- 
truction de l'église, surtout connue depuis le xvr° siècle 
et parle des croix de carrefour. M. l'Abbé PerroD 
étudie le jurassien Cadet-Roussel qui naquit à Orgelet 


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nn X — 


le 30 avril 1743 et s'établit à Auxerre ; sa vie privée, sà 
carrière juridique le rendirent populaire. Sa chanson 
portée en France par les Volontaires de l’Yonne devint vite 
célèbre et détrona Jean de Nivelle, chantée par l’Ancien 
Régime. M. Moxor parle d’un ouvrage publié à la mé- 
moire de LAURENT-VIB8ERT, professeur à Lons-le-Saunier, 
puis fait une communication sur Auguste VALETTE, né à 
Salins en 1805, qui enseigna le droit civil à Paris et 
dont M. Maurice Prosr évoque le souvenir à Salins. Est 
admis ensuite M. BaBeTt, instituteur en retraite à 
Asnans. Sont présentés : M. Léon GRÉvY par Mme H. 
Rozier et M. Perron, ct M.le Commandant Rousseau, 
sous le patronage de MM. Monor et PErRoD. M. CARREz, 
qui a exércé la charge de secrétaire-trésorier depuis le 
2 mai 1905, ayant manifesté le désir de démissionner, 
expose les raisons de sa détermination. M. l’Abbé 
Perron le remercie de son activité et des services qu’il 
a rendus depuis plus de 20 ans à la Société. Puis le 
nouveau secrétaire, M. DAviLié, archiviste du Jura, est 
élu à l’unanimité par ses collègues. 


Pour copie conforme : 
Le Secrétaire, - Les Présidents, 
H. CARREZ. E. Moxor. 
M. Perron. : 


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XAVIE R BRU N 
DOCTEUR ÉS=LETTRES 
PROFESSEUR AU LYCÉE DE LYON. 


HISTOIRE. 


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É près de Saint-Amour en Franche-Comté 


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HISTOIRE 


de. Nantey, de Vessia et d’Écuiria 


Près de SAINT-AMOUR en FRANCHE-COMTÉ 


. BIBLIOGRAPHIE 


‘ Archives de la commune de Nantey et des départements du 
Jura et du Doubs. — Papiers de la famille Guyénard d’An- 
delot. — Preuves de l’histoire de la maison de Coligny, par 
. J. du Bouchet (Paris, 4662). — Ilistoire de l'abbaye de Gigny, 
par B. Gaspard (1843). — Guichenon, histoire de la Bresse 
(1650). — Maurice Perrod : opuscules sur Saint-Amour (1895), 
sur le couvent des Augustins (1897) et sur le monastère de 
la Visitation de cette ville (1899). | 


CHAPITRE PREMIER. 


pme mpeg 


Notions de géographie et d’histoire. 


PA 


Nous nous proposons d'exposer ici ce que nous 
savons sur la commune actuelle de Nantey qui com- 
prend le village de ce nom et les hameaux d'Ecuiria et 
de Vessia. 

Faisons d’abord remarquer que, ones 1790, 
EÉcuiria forma une communauté d'habitants (nous 
disons maintenant une commune) distincte de celle de 


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__— 


Nantey, excepté que les bois et Fe communaux 
étaient indivis. | 

Nantey, Ecuiria et Vessia sont situés entre Saint- 
Amour et Saint-Julien, à plus de 400 mètres au dessus 
du niveau de la mer, dans la région appelée Rever- 
mont. Présentement, on entend par Revermont le pays 
‘compris entre la rivière d’Ain et la plaine de Bresse, 
depuis Coligny au nord jusqu'à Pont-d’Ain au sud, 
mails jadis le nom de Revermont, qui apparaît. pour la 
première fois en 1226, s’appliquait à toute la côte domi- 
nant la Bresse depuis Pont-d'Ain jusqu’au delà de 
Sellières. Le terrier de Sellières, fait en 41548, dit 
expressément que ce lieu.est assis en Revermont. 

Jusqu'à la Révolution, Nantey, Ecuiria et Vessia 
firent partie de la seigneurie d’Andelot, laquelle com- 
prenait en outre Epy, Tarcia, Lanéria, Senaud, la 
Balme et Florentia (paroisse d’Epy}, Andelot et Ave- 
nans (paroisse d'Andelot), les Granges de Non (paroisse 
de Véria), enfin la moitié de Civria(1) située au nord 
du grand chemin qui traverse ce lieu (paroisse de 
Civria). | | 

On entendait par Val d'Epy le territoire des villages 
d'Epy, de Tarcia, de Lanéria, de Senaud cet de la 
Baline. | 

Avant la division de la France en départements 
(1790), Nantey, Ecuiria et Vessia firent partie du grand 
bailliage d’Aval et du ressort d’Orgelet dans la Franchée- 
Comté de Bourgogne, mais les limites du département 

(1) En réalité, Civria-Nord était une seigneurie particulière 
possédée par le seisneur d’Andelot qui y avait haute justice. 
Avant l'annexion dela Franche-Comté à la France(1678),1l existait 
à Civria deux communautés d'habitants que séparait la route de 
Montfleur à Dingier. La communauté septentrionale faisait 
partie de la Bresse, tandis que la méridionale appartenait à la 
Franche-Comté. Après l'annexion, ces deux communautés 
. furent unies et Civria fut déclaré entièrement comtois, | 


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ets 


du Jura ne correspondent pas partout à celles de l’an- 
clenne province, puisque Chazelles, Ville-sous-Char- 
moux, Romanèche, Orgent, Coligny-le-Vieil, Champel, 
la Tour, Valresson,- Cléria, Dingier et Salavre étaient 
comtois, tandis que Cessia, Saint-Jean-d’Etreux, Char- 
moux, Coligny-le-Neuf, le Châtaignat, Vergongeat, 
Saint-Rémy-du-Mont et Poisoux étaient bressans. Ainsi, 
la seigneurie d’Andelot touchait à la province savoyarde 
de Bresse (qui devint française en 1601) par le terri- 
toire d’Ecuiria, de Senaud, d’Epy, de Lanéria et de 
Civria. Un canton d’Ecuiria, limitrophe de Saint-Jean- 
d'Etreux, porte encore le nom de « champ de Ia 
France ». 

Jusqu'en 1803, la paroisse de Nantey ne se composa 
que de ce village, d'Ecuiria et de Vessia. En cette 
année-là, Florentia fut détaché de la paroisse d'Epy 
pour être uni à celle de Nantey. Jusqu'en 1742, les 
paroisses de la seigneurie d’Andelot dépendirent de 
l’archiprêtré de Coligny et du diocèse de Lyon. A dater 
de 1742, elles appartinrent au diocèse de Saint-Claude, 
lequel succéda à l’abbaye de ce nom, après sa séculari- 
sation. Cet évêché fut supprimé en 1802, puis rétabli 
en 1822, mais avec d’autres limites. Si les dites 
paroisses firent partie du diocèse de Lyon, c'est que 
celui-ci avait eu, dans l’origine, la même étendue que 
le grand Pagus Lugdunensis {pays lyonnais), lequel 
comprenait dans ses limites septentrionales Bruailles, 
Cuisiat, Rosay, Gigny, Louvenne, Lains, Dessià, 
Valfin, etc. | 

Le sol de la commune actuelle de Nantey fut 
parcouru et peut être habité par des hommes dès une 
très haute antiquité, ainsi que le prouvent une 
hache de jade, pierre verdâätre fort dure) décou- 
verte à Ecuiria et la dénomination de Pierre-Fiche 
portée jusque vers la Révolution par les lieux dits au- 


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pe 


- jourd'’hui Buisson-Clairet et Fin-Maigre, lesquels se 
trouvent à l’est de la route de Nantey à Senaud et 
sont contigus au territoire de ce dernier village. La 
lave, érigée dans ce canton, vraisemblablement sur 
la tombe d'un chef de tribu, servit, au Moyen- 
Age, de limite aux paysans de Nantey et de Senaud, 
Les (Champs-qui-Montent et le Creux-des-Routes 
s'appelaient encore au xvin" siècle Contours de 
Pierre-Fiche. Plus anciennement, on avait désigné 
sous le nom de Pierre Fiche tout l’espace compris 
entre le territoire de Senaud, les prés de Darou, la 
Caronnière, les Verpillères et les Routes. 

Nantey (on écrivit Nantel jusqu’après 1789) signifie 
petit nant, petit cours d'eau (nantellum). Il est probable 
qu'on a dit primitivement « les Nantels », puisque la 
partie basse du village, qui est la plus ancienne, se 
trouve près de deux ruisseaux dont le principal, appelé 
aujourd’hui improprement la Creuse (1), portait jadis le 
nom de doye, synonyme de nant. Ecuiria (anciennes 
formes : Escuyria, Curia) est situé au pied du mont du 
Gouilla, c'est-à-dire de la mare (623 m.), et Vessia 
s’élève sur la pente méridionale de la côte de Dorey. 

Vessia, Ecuiria, Lanéria, Tarcia, Senaud (prononeia- 
tion rustique de Sena), Fiorentia et Civria (Vettiacum, 
Curiacum, Neriacum, Tederciacum, Senacum, Floren- 
tiacum, Severiacum) sont nommés ainsi parce que leur 
territoire fut possédé à l’époque romaine (qui finit en 
476) par Vettius, Curius, Nerius, Tedercus, Sena, Flo- 
rentius et Severus. On devrait donc dire et écrire : 


(1) Jusque vers la Révolution on donna le nom de Creuse (vie 
creuse) au chemin de Nantey à Florentia, parce que les eaux 
de pluie en cavent fortement la pente occidentale, au pied de la 
. Rochette. Peu à peu, les paysans se servirent du qualificatif de 
ce chemin pour désigner la source voisine et l'ancien nom de 
Doye finit par disparaitre. 


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me 


Vettia, Curia, Néria, Tercia, Sena, Florentia et Sevria. 
Chacur de ces propriétaires fit cultiver son domaine 
(villa) par un certain nombre d'esclaves et d'animaux 
domestiques. Quelques chaumières, étables et granges 
y furent construites pour abriter les uns et les autres, 
ainsi que les produits du sol. Un affranchi régissait 
le domaine : il veillait à ce que les esclaves travail- 
lassent et vécussent dans un bon'accord. Il leur laissait 
pour leur subsistance une partie des récoltes et vendait 
le surplus dont il envoyait le prix au maître qui habi- 
tait la ville. Telle fut l’origine des villages mentionnés 
ci-dessus. Non loin de la fontaine de Vessia a été 
trouvée, vers 1810, une de ces bulles d’or destinées à 
recevoir une amulette et que les fils de patriciens por- 
taient suspendues au cou par un cordon jusqu'à l’âge 
où ils quittaient la toge prétexte. — Le village d'Epy 
(Spicum) date, lui aussi, de l’époque romaine. S'il ne 
porte pas le nom de son propriétaire, cela provient sans 
doute de ce qu’il ne fut d’abord qu’une grange dépen- 
dant äe Tarcia. Les monnaies trouvées sur le territoire 
de ces deux localités prouvent qu’elles existaient avant 
l'an 250. — Le mot Andelot (Andaloscum) signifie le 
domaine de Vandalus, c’est-à-dire d’un propriétaire 
appelé le Vandale. On sait que les Vandales quittèrent 
les bords de la Vistule, franchirent le Rhin en 406 et 
ravagèrent la Gaule avant de passer en Espagne. — Il 
est probable qu’Avenans (forme populaire de Habenin- 
gen) ctles Granges-de-Non (Naonna en 1021, Naün en 
1151, granges de Nons en 1270) doivent leur nom à des 
chefs burgondes, Haben et Nado. Les historiens rap- 
portent que, vers l’an 470, les empereurs romains 
établirent des troupes de Burgondes dans la Séquanie, 
afin qu'ils Ja défendissent contre les Alamans, et accor- 
dèrent à ces alliés, en guise de solde, une partie des 
terres et des esclaves des propriétaires gallo-romains. 


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——. 8 — 


Les Burgondes bâtirent çà et là des villages dont les 
noms sont d'ordinaire terminés en « ans » ou «ange », 

mais ces barbares se fondirent rapidement dans la 
population gallo-romaine. — La Balme d'Epy (balme 
signifie grotte) n'existait pas à l'époque romaine; mais, 
à cette époque, et encore en 946, il y avait entre Flo- 
rentia et ladite balme une villa appelée Sagariniacum 
(domaine de Sagarinus). La majeure partie des champs 
qu'elle comprenait est à présent unie aux communes 
de Florentia et de la Balme (lieux dits en Chagrigna, 
en Sagregna), — Nantey n'existait pas non plus à 
l’époque romaine, mais deux villae se trouvaient sur son 
territoire actuel : lune au nordest, l’autre au sud- 
ouest. La première portait le nom de Turriacum 
(domaine de Turrius) et ses fonds s’étendaient aussi 
sur le territoire actuel de Thoissia (lieux dits en Turi a). 
Les bâtiments de Turriacum s’élevaient apparemment 
non loin de la petite source qu’on rencontre au pied du 
mont de la Boissière et au bord de la grande route de 
Saint-Julien. L'autre villa, située à droite du chemin 
actuel de Nantey à Epy, s'appelait Longa Vallis (Lon- 
geval ou Longval). Là, on remarque entre quatre gros 
murgers un emplacement d’environ un hectare dont la 
terre est mêlée avec de nombreux fragments de tuiles 
plates à rebords. Cette particularité a valu à l’endroit 
le nom de Caronnière, mot dérivé de carreau et syno- 
nyme de tuilerie. On y a rencontré de longs clous de 
fer, une petite clef à l’anreau cordiforme et au panneton 
denté, une médaille consulaire portant sur le revers la 
figure de la Jeunesse, et diverses monnaies impériales, 
notamment une pièce de Nerva (96 à 98 de J.-Ch.). Au 
levant et à peu près en face de la Caronnière, qu’on 
appelle aussi les Courbes de Darou ou la Courbe sur 
Darou, se trouvent les lieux dits aux Fosses et au 
Pérou. Ils tirent leur nom, l’un de l'existence de tom- 


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no 

beaux en pierres sèches renfermant, sous des laves 
brutes, des squelettes de grande taille; l’autre d’ün 
Chemin dallé (petrosum) visible encore ça et là. Cette 
voie était défendue par un fortin construit sur la rochè 
de l’Aigle en un endroit qu'on appelle Château-Pillou, 
Pillot ou Pilleux, synonyme de château ruiné. Le village 
de Longeval, qui existait encore en 946, fut sans doute 
détruit vers 955 par quelque bande d’envahisseurs hon- 
grois ou sarrasins, car on raconte qu'une cloche est 
cachée dans un des murgers de la Caronnière, qu'un 
trésor est-enfoui quelque part dans le vallon et que si, 
la nuit venue, on passe devant la Fontaine Noire en 
Darou, l'on en voit sortir un bouc criant affreusement 
et lançant des flammes par la bouche et les yeux. Quoi 
qu'il en soit, Longeval disparut, soit que tous ses habi- 
tants éussent péri, soit que les survivants eussent pré- 
féré reconstruire leurs chaumières dans un lieu moins 
‘bas et à proximité de bonnes sources (nantels). 

Vessia, Senaud, Epy et Tarcia sont cités pour la pre- 
mière fois (avec Longeval et Sagarinia) dans une 
chartre de l’abbaye de Cluny en date de 946. Au mois 
de mars de cette année-là, les frères Erluin et Gontran, 
hommes libres possédant pleinement des biens allo- 
diaux dans la région dont nous parlons, en donnèrent 
une partie à ladite abbaye. « Nous donnons, disent-ils, 
1° à Sena, une maison avec courtil, une terre (c’est-à- 
dire des terres) cultivée et inculte, tout ce que nous y 
avons ; un serf du nom de Rotbzert avec sa femme et 
deux de ses enfants, Duran et Nadalilde ; quant aux 
autres enfants, nous les réservons à notre frère Gon- 


tran. — 2° dans la ville (village) d’Epy, un pré et tout 
ce que nous y avons. — 3° à Tercia et à Vessia, de 
même. — 4° dans la ville de Sagrinia, un serf du nom 


de Domnevert avec sa femme, son pécule et deux 
enfants, Nitard et Ingelberge. — 5° à Longeval, un 


Go gle 


_— 10 — 


serf du nom d'Arembert avec les deux filles qu’il a eues 
d’une autre épouse, car celle qu'il a présentement ne 
nous appartient pas ; quant au fils unique qu'il a, 
lequel s'appelle Rotbert, nous l'avons affranchi (proba- 
blement pour qu’il pût entrer dans le clergé! et nous 
lui avons accordé le droit d'hériter le pécule de son 
père après le décès de celui-ci. » A la vérité, cette 
donation ne nous permet pas d'affirmer que les villages 
de Sena, d’Epy, de Tercia, de Vessia, de Sagrinia et 
de Longeval appartenaient tout entiers aux frères Erluin 
et Gontran, mais il est vraisemblable qu’ils-en possé- 
daient une grande partie. D'ailleurs, chacun de ces 
villages ne se composait que de quelques familles de 
serfs, de deux ou trois maisons et d’une faible étendue 
de terres cultivées, puisque la charte les qualifie de 
petits villages (villulæ). 

Vers 893, Berno, grand Tr décoré du titre 
de comte, avait fondé l’abbaye bénédictine de Gigny et 
lui avait donné tous ses domaines allodiaux qui, des 
environs de la source du Suran, se prolongeaient jus- 
qu'au mont Nivigne. Devenu abbé de Gigny, il avait 
créé en 910 l’abbaye de Cluny. 

Vers 950, nous voyons un autre grand propriétaire 
d’alleux, nommé Manasser, également décoré du titre 
héréditaire de comte, résider à Coligny (Coloniacum). 
Ce Manasser fut l’auteur de la célèbre maison de ce 
nom. Son fils habitait en 974 le château de Coligny 
situé sur la roche dite aujourd’hui du Marquisat, et 
possédait en outre Treffort, Marboz et Chevreaux. 

Dès le commencement du x" siècle, l'autorité du 
comte-gouverneur mis par le faible roi de Bourgogne à 
la tête ‘du Pagus Lugdunensis s'était perdue au milieu 
de la Dombe, et il arriva bientôt que le comte de Bour- 
gogne se fit reconnaître pour suzerain dans certaines 
parties du territoire que le comte de Lyon avait pour 
ainsi dire abandonnées. 


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— 11 — 


Mal gouvernée et mal administrée, l’abbaye de Gignyÿ 
était tombée en décadence. De mère et de supérieure 
de Cluny, elle devint, en 1076, sa succursale subor- 
donnée et ne fut plus qualifiée que de prieuré. 

En 1158, on voit Guéric de Coligny posséder les 
châteaux de Coligny, de Chevreaux et d’Andelot, Avec 
lui apparaissent les armes des Coligny: de gueules à 
l’aigle d'argent membrée, becquée et couronnée d'azur, 
armée et nine d’or. 

En 1185, l'aflo de Coligny fut divisé entre cohé 
ritiers. Un des deux lots se composa de Coligny-le- 
Vieil (château et partie du village s'étendant du côté 
de la montagne), ainsi que de Chevreaux, d’Andelot, 
ete. L’autre lot comprit Coligny-le-Neuf (partie du vil- 
lage s'étendant du côté de la plaine) ainsi que Treffort, 
Marboz etc. Le premier lot appartint indivisément à 
Amédée I et à Humbert III qui résidèrent, l’un an châ- 
teau de Coligny, l’autre au château d’Andelot. Humbert 
se qualifia dès lors de seigneur d’Andelot (Acte de 
1206). 

En 1191, Aymon, prieur de Gigny, redoutant ou 
subissant les violences de quelques seigneurs voisins, 
se détermina à mettre son monastère sous la protection 
d'Etienne II, comte d'Auxonne et de Chalon, et pré- 
tendant au titre de comte de Bourgogne. Antérieure- 
ment, les moines lui avaient peut-être déjà cédé le 
territoire où il avait bâti le château de Saint-Julien. 
Voici les principales clauses du traité d'association qui 
fut conclu : 1° tous les biens et droits du prieuré à 
_ Nantey, Florentia, Avenans et dans vingt et un autres 
villages énumérés appartiendront au comte Etienne et 
à ses successeurs, mais ni lui n1 eux ne pourroni 
aliéner lesdits biens et droits concédés, — 2° Ils lais- 
seront au prieuré la totalité des dîimes, oblations, 
sépultures et autres droits ou redevances ecclésias- 


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tiques. — 3° Ils partageront avec le prieuré les cens, 
les amendes et les-autres revenus. La connaissance des 
causes appartiendra en commun au prévôt du prieur et 
à celui du comte. — 4° Ils ne pourront, sans le consen- 


tement du prieur, percevoir le droit de’ gite(1). — 


5° Certain territoire sera donné au comte Etienne pour 
y fonder une ville franche (Montfleur) et y bâtir un 
château fort, mais la moitié des profits qui résulteront 


de ce nouvel établissement appartiendra au prieuré. — 


6° Moyennant les susdits avantages, le comte Etienne 
et ses successeurs s’obligent à protéger et à défendre 
tous les biens et dépendances du pHIURS: ainsi que les 
foires de Gigny. 

Cet acte de 1191 est très important pour nous, car 
c’est le premier qui fasse inention de Nantey et, d’autre 
part, il nous montre que le prieuré y possédait des 
droits seigneuriaux. Qui les lui avait dénnés, et était- 
il seul seigneur à Nantey ? Nous l’ignorons tout à fait. 


La coscigneurie stipulée par cet acte s’évanouit quel- 


ques années après, soit que les moines eussent dispensé 

Etienne II et son fils Jean de Chalon d'observer Île 
traité, soit que tes personnages l’eussent violé de leur 
propre chef. Quoi qu’il en soit, le prieuré ne conserva à 
_Nantey, à. Florentia, à Avenans etc. que les dîmes, 
: oblations, Sébuliurés et autres redevances ecclésias- 
tiques. 


En 1206, le seigneur de Coligny-le-Neuf mit son 


alleu dans la mouvance du comte de Savoie. Cet hom- 
mage eut pour conséquence de séparer pour toujours du 


Comté de Bourgogne cette partie de Coligny. Vers la: 


même année, Amédée I mit Coligny-le-Vieil, avec 


(1) Droit qu'avait le seigneur en chasse de recevoir des habi- 
tants, une fois par an, le diner et le souper pour lui, ses gens, 
. ses Chevaux et ses chiens, maïs qui souvent était converti en 
une prestation annuelle fixe. 


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_— 13 — 


Andelot et ses autres dépendances, dans la mouvancé 
du comte Etienne Il. Il se peut que, pour déterminer 
Amédée I et Humbert III à transformer leur alleu en 
fief, ledit comte leur céda, avec ou sans la permission 
du prieuré de Gigny, les villages de Nantey, de Flo- 
rentia et d’Avenans. Cette transformation une fois 
opérée, un partage se fit et 1l fut convenu que Hum- 
bert III tiendrait Andelot en arrière-fief de son frère 
ainé Amédée I. Aïnsi naquirent, vers 1206, le fief de 
Coligny-le-Vieil et l’arrière-fief d'Andelot. Jusqu’en 
1342 le seigneur d’Andelot fit hommage au seigneur de 
Coligny-le-Vieil, lequel faisait nommage au comte de 
Bourgogne. 

Peu d'années après 1206, les domaines allodiaux 
situés dans le Val d’Epy arrivèrent, nous ne savons 
comment, entre les mains du seigneur de Coligny-le- 
Vieil. Il est probable qu'ils avaient été transmis au 
prieuré de Gigny et que celui-ci les lui céda. Quoi qu’il 
en soit, pendant trois quarts de siècle, ledit seigneur ne 
1it, à cause de ces domaines, la foi et hommage à per- 
sonne. Il en inféoda plusieurs, notamment au seigneur 
d’Andelot ; les autres conservèrent leur qualité d’alleux 
et furent peu à peu vendus. Même au xvir”® siècle, il 
existait encore au Val d’Epy des terres allodiales pos- 
sédées par des nobles ou des roturiers. En tant 
qu'allodiales, ces terres étaient exemptes de tous 
devoirs et droits seigneuriaux. 

En 1274, la seigneurie d’Andelot comprenait, outre . 
Andelot, les villages de Nantey, d’Avenans et de Flo- 
rentia. Comme nous l’avons dit plus haut, il est très 
probable que le comte Etienne accrut de ces trois der= 
niers lieux, vers l’an 1206, la seigneurie d'Andelot qui, 
jusque là, ne s'était composée que du château et du 
village de ce nom. | 

En 1289, Coligny fut affranchi de la mainmorte. Il 


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A — 


forma dès lors un bourg clos de murs dont une partie 
existait encore en 1584, Tout le reste des seigneuries 
.de Coligny-le-Vieil et d'Andelot demeura maïnmortahle 
jusque vers la fin du xivme siècle. | 

Vers 1290, le seigneur de Coligny-le-Vicil fit hom- 
mage à Jean-de-Chalon, comte d'Auxerre, pour plu- 
sieurs des fiefs du Val d’'Epy. Eu 1300, ledit seigneur 
céda à celui d’Andelot la mouvance d’un fief situé à 
Civria, et en 1304 il lui céda aussi la mouvance d’une 
grande partie dudit Val. A dater de cette année-là, le 
seigneur d’Andelot dut au comte de Chalon-Auxer re 
l hommage pour tous les fiefs du Val d'Epy qu'il tenait 
du seigneur de Goligny- -le-Vieil. 

En 1345, la seigneurie d’Andelot devint un fief mou- 
vant immédiatement, comme Coligny-le-Vieil, dudit 
comte d'Auxerre. 

._ De 1342 à 1665, les seigneuries d’Andelot et’ "e 
Coligny-le-Vieil furent possédées par un seul et même 
_ seigneur de la maison de Coligny. Dès 1342, la sei- 
gneurie d'Andeïot comprit les villages d'Andelot, 
d’Avenans, de Nantey, de Vessia, d'Ecuiria, de Flo- 
rentia, une partie de Civria et tout le Val d’Epy, à la 
réserve d’un fief qui continua à relever de Coligny-le- 
Vieil. Quant aux Granges de Non, nous ignorons en 
quelle année du x1v”° siècle le seigneur de ‘Chevrèaux 
en céda la mouvance à celui d’ Andelot, 

Qu'il nous soit permis de rappeler, en passant, le 
. souvenir des vaillants ducs de Bourgogne Philippe-le- 
Hardi, Jean sans-Peur, Philippe-le- Bon et Charles-le 
Téméraire qui, de 1384 à 1477, furent aussi les souve- 
rains aimés du Comté de Bourgogne. 

En 1437, Guillaume 11, seigneur de Coligny-le-Vieil 
et d’Andelot, épousa une française qui lui apporta en 
dot les magnifiques seigneuries de Châtitlon-sur-Loing, 
de Saligny, etc.; mais en somme il resta franc-comtois. 


Go gle 


— 45 — 

Ïl eüt trois fils : Jean III, souche des Coligny-Andelot: 
Châtillon ; Jacques, souche des Coligny-Saligny, et 
Antoine, souche des Coligny-Cressia. Les deux pre- 
mières de ces branches devinrent françaises; seule, 
celle de Cressia demeura comtoise. 

Jean IIT, seigneur de Coligny-le-Vieil et d'Andelot, 
épousa lui aussi une française et servit dans les armées 
de Louis XI. Néanmoins, en 1479, un des généraux de 
celui-ci, le cruel Charles d'Amboise, ruina complète- 
ment le château de Coligny-le-Vieil et réduisit celui 
 d’Andelot aux quatre murs du donjon et aux deux tours 
du portail. Les châteaux de Montfleur, de Saint-Julien, 
etc. eurent le même sort. Louis XT, qui avait revêtu 
Jean de Coligny de la charge de grand écuyer de 
France, l’indemnisa des dégâts commis dans ses terres 
en le nommant grand-bailli d'Amont en Franche- 
Comté, mais il ne le tut pas longtemps puisqu'il mourut 
en 1481. D'ailleurs, par le traité de Senlis (1493), 
Charles VIII, roi de France, dut restituer à Maximilien 


d'Autriche {époux de Marie, fille de Charles le Témé- 


raire) la Franche Comté que son père, le fourbe et 
haineux Louis XI, avait occupée, puis perdue en 1477, 
atrocement ravagée et asservie en 1479-80, enfin 
annexée à son royaume en vertu du traité d'Arras (1482). 

De 1493 à 1678, la Franche-Comté eut pour souve- 
rains ces princes de la maison d'Autriche : Marguerite, 
Charles-Quint, Philippe II, Albert et Isabelle, Phi- 
lippe IV et Charles II, que la nation franc-comtoise 
chérit au point de périr presque tout entière, les armes 
à la main, plutôt que d’accepter une autre domination 
que la leur. 

A partir de 1480, le château d’Andelot ne fat plus 
qu'une sorte de grenier où les paysans de la seigneurie 
portaient leurs ‘redevances à quelques agents du sei- 
gneur. Les descendants de Jean de Coligny Hgnetren 


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— 16 — 
dé le faire réparer : ils possédaient de superbes 
domaines en France et la Franche-Comté, leur patrie, 
était devenue pour eux un pays étranger. 

En l’an 1500, le seigneur d’Andelot fit renouveler son 
terrier et, à partir de: 1548, il fit directement hommage 
au comte de Bourgogne. 

La maison de Coligny est connue dans l' Histoire de 
France principalement par les trois frères Odet, Gas- 
pard II et François. Le cadet, François (1521-1569), 
appelé ordinairement Dandelot, colonel général de l’in- 
fanterie, homme hardi, violent et haineux, se fit calvi- 
niste, entraîna ses deux frères dans l’hérésie et contribua 
plus que tout autre personnage de son parti à allumer 
et à entretenir la guerre civile. — L’aîné, Odet (1517- 
1571), dit le cardinal de Châtillon, n’était entré dans 
l'Eglise que pour jouir d'honneurs et de riches béné- 
 fices. Bien qu’il n'eût que seize ans et ne fût pas même 
diacre, il reçut le chapeau de cardinal ; à dix-sept ans, 
il fut fait archevêque de Toulouse et promu au dia- 
conat ; à dix-huit ans, il fut nommé, en outre, évêque 
de Beauvais, pair de France, etc. Loin de songer à se - 
faire ordonner prêtre, il vécut publiquement avec une 
demoiselle, puis abjura solennellement le catholicisme, 
tout en prétendant conserver ses dignités et bénéfices 
ecclésiastiques. Il dut pourtant y renoncer. Excommunié 
par le pape en 1563, déclaré en 1569 rebelle et criminel 
de lèse-majesté par le Parlement de Paris, il termina 
sa vie en négociant en Angleterre pour son parti et 
contre son roi. — Quant à Gaspard (1519-1572), l'ami. 
ral de Coligny, l'exemple de son frère François et 
surtout sa jalousie contre la maison de Guise le pous- 
sèrent au calvinisme, et 1l devint bientôt le principal 
chef de la faction huguenote, faction plus politique que 
religieuse D de Gaspard fut telle que, non 
content de ruiner l’autorité de son roi et de déchaîner la 


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> 


guerre civile, il fit alliance avec des princes étrangers 
et promit à la reine d'Angleterre de lui livrer les ports 
de la Manche en échange de son aide. Finalement, 
Catherine de Médicis, lasse des exigences et des inso- 
lences des huguenots, lasse notamment de voir Gaspard 
de Coligny adresser toutes sortes de menaces au roi . 
Charles IX pour obtenir de lui qu'il soutint les rebelles 
des Pays-Bas, par conséquent qu’il déclarât la guerre 
à l'Espagne, — finalement, disons-nous, Catherine de 
Médicis, s'appuyant sur la Cour et sur le peuple de 
Paris, détermina son fils à ordonnèr le massacre qui 
eut lieu dans la nuit de la Saint-Barthéiemy 1572. Le 
Parlement: de Paris déclara l’amiral criminel de lèse- 
majesté et confisqua ses biens; de son côté, Philippe IT, 
roi d'Espagne, fit saisir Coligny-le-Vieil, Andelot et les 
autres domaines de l’Amiral situés en Franche-Comté. 
Ces seigneuries restèrent sous la main du comte de 
Bourgogne, roi d'Espagne, jusqu’en août 1617, c'est- 
à-dire pendant 45 ans. 

En 1584, les fiefs mouvant du château d Andelot 
étaient au nombre de douze, non compris les dimes 
‘ inféodées. Chacun d’eux ne consistait qu’en cens et 
autres droits düs par les tenanciers de parcelles de 
divers aneiens meix dans un ou plusieurs villages. 
Ainsi, ces fiefs n'avaient ni corps principal ni justice ; 
_ce n'étaient que des rentes nobles, et tous, excepté 
deux, étaient situés au Val d’'Epy. De ces dix rentes 
nobles du Val d'Epy, deux seulement avaient quelque 
importance, à savoir celle de Beyne (dont nous parle- 
rons plus loin) et celle que tenait François de Morel, 
laquelle porta dans la suite le nom de Virechâtel. Cha- 
cune de ces deux rentes était, au xvin"® siècle, de 400 
à 500 livres; les autres, d'un ou de deux louis, et 
même de moins. Quant aux deux fiefs situés hors du 
Val d'Epy, l'un se trouvait principalement sur Vessia 

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et appartenait au seigneur de Saint-Julien ; l’autre, très 
petit, était situé sur Ecuiria et Nantey. Nous les exa- 
minerons ci-après. ke 
En 1595, Henry IV, roi de France, envahit la 
Franche-Comté pour la piller et la rançonner. {1 est 
probable que les villages de la seigneurie d’'Andelot 
souffrirent de cette invasion, car le maréchal de Biron 
s’'empara de Saint-Amour et lui imposa une contribu- 
tion de 10.000 écus, fit composer le prieuré de Gigny, | 
occupa Montfleur, démantela Saint-Julien, etc. 

En 1613, ME de Marquemont, archevêque de Lyon, 
visita l’église de Nantey. 

En 1614, on comptait 21 feux à Nantey, Vessia et 
Ecuiria ; 47 à Andelot, 16 à Florentia et à la Balme, 
15 à Epy et à Lanéria, 24 à Senaud, 11 à Tarcia, 
11 aux Granges-de-Non, ete. En somme, la seigneurie 
d’Andelot comprenait alors de 120 à 125 feux, environ 
500 habitants. | | 

En 1617, les archiducs Albert et Isabelle, souverains 
des Pays-Bas et du Comté de Bourgogne, accordèrent 
la mainlevée à Charles de Coligny (fils puiné de l’Ami- 
ral) qui s'était fait catholique depuis une vingtaine 
d’annécs. Entre 1617 et 1621, il obtint des Archiducs 
l'érection de Coligny-le-Vieil et d’Andelot en marquisat. 
En 1629, il vendit ces seigneuries à son cousin Clé- 
riadus de Coligny, Nr de Cressis, qui, fils bien 
indigne de son père Philibert, vaillant général de la: 
| ee légère aux Pays-Bas, fut un mauvais Comtois 
et un mauvais vassal de son prince. En outre, la vie 
privée de Clériadus, réglée par la seule ambition, fut 
non moins vilaine que sa vie publique. 

On sait quelle guerre atroce l'insatiable ambition du 
oil de Richelieu déchaîna contre la Franche- 
Comté de l’an 1636 à l'an 1644. La peste et la famine 
se joignirent aux Français et à leurs alliés pour trans- 


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— 19 —- 
former, à “ia grande satisfaction de l’impitoyable car 
dina], cette innocente province en une solitude hérissée 
de ruines et de broussailles où pullulaient les bêtes 
sauvages. Le duc de Longueville assiégea Saint-Amour 
le 28 mars 1637 et l’emporta d'assaut le 4° avril. La 
plupart des h«bitants furent massacrés et leurs maisons 
saccagées et brülées. Cette ville resta déscrte pendant 
sept ans. Le château de Laubespin fut pris et incendié 
le 2 avril. Puis, les soldats français pillèrent et em- 
brasèrent Nantey et d’autres villages de la seigneurie 
d'Andelot. Ceux de leurs habitants qui ne succom- 
bèrent pas se réfugièrent dans les bois ou dans la 
haute montagne. Ces villages ne renaquirent que len- 
tement de leurs cendres. Les registres paroissiaux de 
Nantey s'arrêtent en décembre 1636 pour ne reprendre 
qu'en 1651 ; et, en 1657, la population de ce lieu ne 
se composait encore que de Benoît, Gabriel et Phi- 
libert. Janin, de Benoît Suchet, de Claude Vieux et de 
Victor Morel, avec leur femme et leurs enfants, et 
des veuves Gurset et Morel avec leurs enfants : celle 
d'Ecuiria, de François Morel; de Benoît Gadiolet 
(granger) et de Pierre Gadiolet, avec leur femme et 
Jeurs enfants. À la même date, il n’y avait que 11 feux 
à Senaud, 9 à la Balme, 4 à taress 7 à Epy, 6 aux 
Granges-de-Non. | 
En 4644, un traité particulier avait mis fin aux hos- 
tilités en Franche-Comté, mais les Français conti- 
nuèrent à occuper de Ils y restèrent même 
cinq mois après que la paix des Pyrénées (7 novembre 
4659) eût rendu toute la Franche-Comté à l'Espagne, 
car ils n’évacuèrent cette place que le 6 avril 1660, 
Vers 1645, Joachim de Coligny avait succédé à son 
père Clériadus comme seigneur et marquis de Coligny- 
le- Vieil et d'Andelot. Eineri couvert de l'E Espagne, il 
résidait habituellement au château de Verjon en Br esse, 


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00 — 


c’est-à-dire en France. En 1665, il décéda sans posté- 
rité et, avec lui, s’éteignit le branche de Coligny- 
Cressia. La branche de Coligny-Châtillon avait fini en 
1657 ; celle de Coligny-Saligny dura jusqu’en 1694. 
Les hiens-de Joachim arrivèrent à son neveu Gilbert- 
Alire de Langeac, d’une illustre famille d'Auvergne. 

En 1655, Ms Camille de Neuville, archevêque de 
Lyon, visita l’église de Nantey. 

Vers 1665, les habitants de Nantey et d'Ecuiria 
résolurent de faire restaurer leur église. Ils convinrent 
du prix de 79 francs avec un maître maçon et de 
140 francs pour charpenterie et matériaux, mais ne pou- 
vant, à cause de leur petit nombre et de leur pauvreté, 
répartir entre eux toute la dépense, ils vendirent en 
1666 à Marc Perrodin, de Tarcia, moyennant 144 francs 
en monnaie de Comté(1), une Darite du bois du Ban, 
appelée aussi la Petite et la Grande Combe, laquelle 
contenait environ 6 quartaux (48 mesures)(2), tant en 
teppes qu'en bois. Cette aliénation fut faite à Nantey 
sous le bon vouloir ct plaisir de Gilbert de Langeac, 
_ marquis de Coligny et d’Andelot, par devant les notaire 

et scribe des justices de ces seigneuries. Etaient pré- 
sents : les échevins et principaux habitants des com- 
munautés de Nantey et d’Ecuiria, au nombre de onze, 
_et deux témoins requis, savoir maître Renaud Guyé- 
nard, docteur ès droits, baïlli des justices desdits mar- 
quisats, et le seigneur de Montfleur et Chavannes pour 
son Altesse le prince d'Orange. Il fut spécifié dans le 
contrat que les habitants et communautés de Nantey 
et d'Ecuiria continueraient à jouir du droit de faire 


(1) Le franc de Franche-Comté valait 13 sols 4 deniers de 
France, c’est-à-dire 1/3 de moins que la livre tournois, Il se 


divisait en 12 gros. 
(2) Le journal, qui équivaut à 35 ares 6%, se° divisait en qua- : 
tre mesures ou quartes. 


Go gle 


— 21 — 


paitre leur bétail dans les bois en question, mais qu'ils 
permettraient à l’acheteur d’en clore et barrer une partie 
pour y faire une feuillée (défrichement). Marc Perrodin 
paya comptant en écus ladite somme de 144 francs; 
il s’engagea à donner au seigneur pour les lods et 
ventes deux louis d’or valant 33 francs en monnaie du 
pays ; enfin, il promit de s'acquitter, à chaque Saint- 
Martin d'hiver, dü cens annuel de 2 gros dont l’im- 
meuble vendu demeurait chargé à perpétuité envers le 
seigneur d’Andelot, cens portant lods, ventes et droit de 
retenue. D'après le registre d'arpentage de 1779, la pie 
Perrodin contenait 13 journaux !/,. 

En 1668, profitant de ce que son neveu ché IT, roi 
d’Espagne, n'avait que sept ans, de ce que la monarchie 
espagnole était épuisée et de ce que la reine régente 
Marie-Anne se trouvait dans de cruels embarras, l’am- 
bitieux Louis XIV, roi de France, envahit sous de 
mauvais prétextes la Franche-Comté et s’en empara en 
quinze jours, plutôt par surprise, astuce et intimidatron 
que par les armes. Saint-Amour dut ouvrir ses portes 
aux Français le 14 février, mais ils n’y restèrent pas 
longtemps, car le 2 mai de la même année le traité 
d’Aix-la- -Chapelle rendit la Franche-Comté à l'Espagne, 
à la grande joie des habitants. 

En 1673, Louis XIV attaqua de nouveau la ne 
Comté. Cette fois-là, 11 lui fallut six mois pour conquérir 
ce petit pays pourtant dépeuplé et appauvri depuis plus 
d’un siècle par les guerres, les pestes et les famines. 
Le 28 novembre, son lieutenant le vicomte d’Apremont 
se rendit maître de Saint-Amour après une résistance 
qui ne pouvait pas être longue. Vers le 20 février 1674, 
une troupe de 1500 Français traversa Andelot et Nantey 
‘pour assaillir la terre de Saint-Claude. Quatre ans plus 
tard, le*traité de Nimègue (17 septembre 1678) assura 
définitivement la possession de la Franche-Comté à la 


/ 


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— 9 — 


France, d'autant plus définitivement que la maison de 
Habsbourg, à laquelle les Comtois étaient fermement 
attachés, s’éteignit en Espagne en 1700 et quarante ans 
plus tard en Autriche. Effacée de la carte d'Europe par 
une injuste violence, veuve de la moitié de son peuple, 
trahie par une grande partie de sa noblesse et de sa 
bourgeoisie, subissant tout ensemble l'immigration et la 
tyrannic de ses vainqueurs, la Franche-Comté de Bour- 
gogne, qui existait depuis huit siècles, perdit conscience 
_ d'elle-même le jour où s’éteignit la famille de ses sou- 
verains légitimes. La nationalité franc comtoise disparut 
entre 1700 et 1740. 

En 1700, Me Claude de Saint-Georges, archevêque 
de Lyon, visita l’église de Nantey. 

En 1702, Marie-Roger de Langeac (fils de Gilbert- 
Alire, décédé en 1676) et sa mère Louise Françoise de 
Bussy-Rabutin vendirent, moyennant 18.500 livres, la 
terre et seigneurie d'Andelot à Joachim Guyénard, 
lieutenant général de la Table de Marbre au Parlement 
de Besançon Ce Joachim était fils du bailli Renaud 
Guyénaid mentionné ci-dessus et appartenait à une 
famille bourgeoise de Coligny dont les armes étaient : 
de gueules à un chevron d’argent accompagné en pointe 
d’une croix fleuronnée de même. En passant des mains 


(1) En 1673-74, le seigneur de Coligny et d'Andelot (Gilbert- 
Alire de Langeac) et celui de Saint-Julien, Véria, Liconna, etc. 
(Ferdinand de la Baume-Montrevel) étaient françals. Le seigneur 
de Saint-Amour (Charles-François de la Baume-Saint-Amour) 
et le seigneur de Laubespin, Thoissia, Arinthod, etc. (Charles- 
Achille Mouchet de Baitefort) étaient partisans de la France et 
vivaient dans ce pays, ainsi que le sieur Livet, seigneur de 
Bourcia et Civria. Le seigneur de Chambéria et du Val d’Epy 
(Gabriel-Philibert de Grammont, baron de Châtillon-Guyotte) 
s'était enfui à Rome pour ne pas combattre les Français. À 
Saint-Amour, d'assez nombreux bourgeois penéhaient pour la 
France, même le baïlli François de Brange, lieutenant général 
au Li d'Orgelet, 


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_ 93 — 


de Marie Roger de Langeac qui descendait des Coligny 
dans celles de din Guyénard qui était étranger à 
cette maison, le fief d’Andelot perdit aussitôt. son titre 
de marquisat pour redevenir simple châtellenie. En 
1704, le même Joachim fut nommé président en la 
Chambre souveraine des Eaux ét Forêts et des Requêtes 
du Palais au Parlement de Besançon. Cette charge 
l’anoblit ainsi que ses descendants et, pour faire sa 
cour au roi, il remplaça dans son écu le gueules de 
. Bourgogne par l'azur de France. En 1713, le président 

Guyénard mourut et la seigneurie d’Andelot passa à son 
fils Gaspard, licencié ès lois et avocat à Besançon. 
Tant que son père avait vécu, il s'était appelé Gaspard 
Guyénard de Nantel. Voulant résider au château d'An- 
delot, il le fit réparer. 

En 1715, Gaspard Guyénard acensa à perpétuité à 
un habitant de Nantey et à ses hoirs «le cours et 
décours de l'eau qui descend depuis les champs de CGuvy 
en passant par les chemins dudit Nantel, l’un tirant à la 
Groix-Bailly et l’autre chez les frères Gurset et autres 
endroits circonvoisins, pour mettre icelle eau dans ses 
fonds, à charge de la laisser ressortir ; et [a terre que 
ladite eau ramassera dans les dits chemins et autres 
endroits circonvoisins appartiendra à l'acheteur, et même 
celle qui s'arrête vers la Croix-Bailly, et il aura aussi le 
curage de la serve. » Cet abergement fut fait sous 
l’entrage de 14 livres et sous le cens perpétuel de 7 sols 
tournois par an. 

- En 1719, Gaspard Guyénard fit, par devant Claude- 
Antoine Dubois, notaire à Coligny, un aveu et dénom- 
brement de sa seigneurie d’Andelot destiné à être 
présenté àu Roi en sa Chambre des Comptes de Dole. 
Ce dénombrement fut publié selon l'usage, mais l’éche- 
vin et plusieurs habitants d’Andelot, de Nantey et 
d’autres lieux s'opposèrent à certains droits seigneu- 


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— V4 


riaux portés dans l’acte en question, de sorte qu'il ne 
put être enregistré. 

Le dernier terrier d’Andelot avait été confectionné en 
l'an 1500 et diverses circonstances avaient contribué à 
rendre la seigneurie d’un faible rappor@ {environ 3000 
livres par an). On se rappelle que le roi d'Espagne 
l'avait confisquée en 1572 sur l’Amiral et qu'elle n'avait 
été restituée qu’en 1617 à son fils Charles, lequel s’en 
était dessaisi douze ans plus tard en faveur de son cou- 
sin de Cressia. Puis, elle avait été ruinée et dépeuplée 
par les Français de 1637 à 1644 et Joachim de Coligny, 
étant le dernier de sa branche, n’avait tenu que médio- 
crement à ses droits. Enfin, elle avait passé en 1665 à 
la famille de Langeac qui, n’y résidant pas et songeant 
à la vendre, s’en était fort peu occupée. D’une part, les 
sujets avaient perdu l'habitude de s'acquitter régulière- 
ment et complètement de leurs redevances ; d’autre 
part, plusieurs communautés d’habitants s'étaient em- 
parées de bois appartenant au seigneur. En 1719, 
Gaspard Guyénard demanda au roi l’autorisation de 
renouveler son terrier, « car, écrivait-il, avec le terrier 
de 1500 je ne jouis que de la moitié de mes droits. » 
Cette autorisation lui fut accordée en 1720. Les recon- 
naissances des censitaires de la seigneurie d’Andelot 
furent passées à partir de 1723 par devant Benoît 
Martel, de Marigna, et Claude-Antoine Dubois, de 
Coligny, notaires et commissaires à terrier. Il n’y avait 
alors qu’une trentaine de feux à Nantey. Environ 
25 chefs de famille et le curé passèrent reconnaissance 
au seigneur en 1723 et le reste de la seigneurie fit de 
. même les années suivantes. Le nouveau terrier d’An- 
delot qui contenait 546 feuillets fut terminé en 1726. 

En somme, depuis l'année 1650 où Nantey avait 
commencé à se repeupler, les habitants de ce village 
n'avaient payé au seigneur ni le cens ni les autres 


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— 95 — 


redevances, À peine la partie du terrier relative à Nan- 
tey était-elle achevée que Gaspard Guyénard résolut 
de recouvrer les arrérages. Il était en droit de réclamer 
29 années de cens et 5 années de blairie, prothie- 
avénerie, gelinage et corvées. Il le fit, mais les habi- 
tants ne se résignèrent à payer qu'après y avoir été 
condamnés, en 1724, par une sentence du bailliage 
d'Orgelet. | | 
La même année 1723, Gaspard Guyénard voulut 
profiter .des avantages que l’'Ordonnance royale des 
Forêts de 1669, publiée en Franche-Comté en 1694, 
accordait aux seigneurs haut-justiciers. On y lisait : 
« Les bois et pâturages communaux ont appartenu pri- 
mitivement au seigneur qui en a concédé la jouissance 
aux habitants soit gratuitement, soit moyennant une 
redevance, tout en restant co-usuüfruitier desdits biens. 
Si ces bois et pâturages sont de la concession gratuite 
des seigneurs, le tiers en pourra être distrait à leur 
profit, en cas que les deux autres tiers suffisent pour 
l'usage de la communauté d'habitants. Sinon, le partage 
n'aura pas lieu. Il n'aura pas lieu non plus, si la con- 
cession a été onéreuse. Les seigneurs qui auront leur 
triage ne pourront plus rien prétendre sur la part des 
habitants et n'y auront plus aucun droit d'usage, 
de chauffage ni de pâturage ; elle demeurera donc à la 
communauté franche et déchargée de tout usage et de 
toute servitude. Toutefois, le seigneur y conservera les 
droits de justice et de chasse. » Les habitants et com- 
munautés de Nantey et d'Ecuiria s’opposèrent au triage 
et Gaspard Guyénard les fit assigner à comparaître par 
devant le grand maître des Forêts à Besançon, mais 
ils se ravisèrent en 1724. Cette année-là, Gaspard 
Guyénard les quitta du droit de pain aux chiens moyen- 
nant la prestation annuelle d'une mesure d'orge par feu. 
De leur côté, ils reconnurent devoir au seigneur tous 


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=16.— 


les droits spécifiés dans le dénombrement de 1719, et, 
consentant au triage, ils relâchèrent au seigneur deux 
cantons de bois, l’un en Dorey, l’autre sur Montmain, 
avec les parcelles de communes cultivées situées dans 
ces cantons et aussi avec la carrière dudit Montmain 
où, cependant, ils pourraient continuer à prendre des 
pierres, mais seulement pour leur usage. Et, en consi- 
dération de ce que le- seigneur voulait bien se contenter 
de cette part pour son tiers et se désister de tous droits 
d'usage, parcours et triage dans le surplus des bois et 
pâtis communs, ils s'engagèrent à lui payer la tâche de 
toutes les communes alors en culture et à solliciter son 
autorisation quand ils voudraient faire de nouveaux 
défrichements, exploiter leurs bois ou en vendre le 
produit à des étrangers. Toute infraction à ces sou- 
missions devait être punie d’une amende de 10 livres 
au profit du seigneur. Le canton de Dorey, cédé par 
Nantey ct Ecuiria au seigneur exerçant son droit de 
triage avait une étendue d’environ 55 arpents(1), 28 hec-. 
tares). Il touchait au nord et au sud le canton du même 
nom relâché par Andelot, à l’est la Combe aux Roux, 
à l’ouest le chemin d’Andelot à Nantey et les communes 
de ce dernier village. Quelques mois après avoir passé 
l’accord dont nous venons de parler, les habitants de 
Nantey offrirent à Gaspard Guyénard de lui céder à la 
place du canton de Montmain celui de « vers Charnay 
ou des Embouchoirs » qui avait environ 2 arpents et 
était contigu à sa forêt banale dite en Charnay. Gas- 
pard Guyénard accepta, mais en exigeant que la 
carrière de Montmain lui restät aux conditions ci- 
dessus. | 

En 1732, les habitants et communauté de Nantey 
demandèrent à être relevés des reconnaissances de 


" (1) L'arpent de France équivaut à 51 ares, tandis que celui 
de Franche-Comté équivaut à 43 ares, 


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— 927 — 


1723, alléguant que s'ils avaient reconnu devoir au sel- 
gneur la quotité de cens qu'il leur réclamait, ainsi que 
les droïts de blairie, prothie-avénerie, etc., ç'avait été 
par erreur ou par surprise. Bref, ils demandèrent à être 
remis dans l’état où ils se trouvaient avant lesdites 
reconnaissances. Ce procès dura jusqu'à la fin de 1735 
où, prévoyant qu'ils le perdraient, ils se soumirent aux 
conclusions prises par le seigneu. 

En 1734, les habitants et communautés de Nantey et 
d’Ecuiria refusèrent de payer la tâche, à moins que le 
seigneur ne renonçât à son triage, et alors commença 
un nouveau procès qui aboutit à une sentence les con- 
damnant à exécuter la transaction de 1724. 

En 1733, la route de Bourg-en-Bresse à Lons-le- 
Saunier fut autorisée par le Conseil du Roï et on l'ouvrit 
l’année suivante au moyen de corvées imposées aux 
cultivateurs de la région. 

En 1734, les habitants de Nantey et d’Ecuiria s'avi- 
sèrent de faire une coupe de deux arpents dans le bois 
que le seigneur possédait à la Grande Combe aux Roux 
près de Vessia et, en outre, de n’y laisser pour baliveaux 
que des trembles, des charmes et quelques mauvais 
chênes. Le délit était double et huit des coupables, que 
les gardes avaient pris sur le fait, reçurent assignation 
à comparaître par devant le juge d’Andelot. Ils furent 
aussitôt soutenus par les communautés de Nantey et 
d'Ecuiria qui prétendirent que le bois en question était 
leur propriété, que l’exploitation avait eu lieu confor- 
mément à l’'Ordonnance et que, si des dégâts avaient | 
été commis, ils étaient imputables aux graungers de 
Gaspard Guyénard à Vessia. Nous ignorons quelle fut 
l'issue de ce procès. 

En.1736, la communauté de Nantey en un bois 
et pâtis de 3 hectares !/, situé au lieu dit « vers Char- 
nay » contre une terre et hermiture de même contenance 


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= 10 — 


appelée la Grande Combe ou les Aveiniers, laquelle 
dépendait de la grange du seigneur à Vessia. 

En 1744, la seigneurie d’Andelot, qui alors rappor- 
tait près de 7.000 livres par an. fut érigée en marquisat 
en faveur de Gaspard Guyénard et de ses descendants. 
La même année, il obtint du roi l'établissement de trois 
foires par an à Andelot : elles se tinrent dans un pâtu- 
rage communal au sud du château. 

En 1747, on ouvrit la route d'Orgelet à Saint-Amour 
qui fut construite au moyen de corvées imposées par le 
roi äux cultivateurs demeurant dans un rayon de 4 lieues 
des travaux à entreprendre. 

En 1756, Gaspard Guyénard sollicita auprès de l’in- 
tendant de Franche-Comté l'autorisation de percevoir 
dans sa seigneurie d’Andelot le droit d’aide à l’occasion 
du mariage de sa fille Marie Amédée avec Alexandre- 
César de Seyturier. L’intendant condamna les habitants 
à payer au seigneur d’Andelot 3 livres par feu. De plus, 
chaque communauté fut tenue de payer 3 livres 15 sols 
pour sa part des frais d'assignation, de copie, de 
contrôle, etc. A cette date, on comptait 45 feux à Nantey, 
8 à Ecuiria, 42 à Andelot, 21 aux Granges de Nom, 
13 à Florentia, 13 à Epy, 10 à Tarcia, 16 à Lanéria, 
25 à la Balme, 30 à Senaud et 12 à Civria. Ainsi, les 
noces de Mademoiselle Guyénard coûtèrent 138 livres 
15 sols à Nantey, 27 livres 15 sols à Ecuiria, et 746 
livres à toute la seigneurie. 

En 1759, la seigneurie d’Andelot n'avait plus que 
six arrière-fiefs, hormis les dimes inféodées, car Gas- 
pard Guyénard avait acquis en 1713 l’ancienne rente de 
Morel possédée par Joseph du Saix, baron de Vire- 
châtel ; en 1757, l'ancienne rente de Beyne ou de 
Chambéria appartenant à Claude-Louis-Maximilien, 
baron d'Iselin de Lanans, et, à des dates que nous 
BHOTOnE, les rentes dites de la Bévière, de la Tour, de 


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_ 99 — 


Malaval, de Vellières et de Montrichard. Des six petites 
rentes nobles en question, trois se trouvaient à Senaud, 
deux à Civria et une à la Balme. 

En 1760, Me Méallet de Fargues, évêque de Saint- 
Claude, visita l'église de Nantey. 

En 1770, Thoissia fit mesurer son territoire et les 
communautés de Nantey et d’'Ecuiria lui intentèrent un 
procès au sujet des bornes de celui-ci. Les experts 
conclurent en faveur de Thoissia et les frais de ce 
procès qui dura quatre ans s’élevèrent à 389 livres dont 
Ecuiria paya le quart et Nantey les trois autres quarts. 

En 1776, Gaspard Guyénard mourut dans son hôtel 
à Coligny et fut enterré dans la chapelle Sainte-Marie- 
Madeleine de l'église d’Andelot. Les curés d’Andelot, 
de Nantey, d'Epy, de Civria et de Gigny-Véria assis- 
tèrent à son convoi. Son fils Joachim, ancien prévôt de 
la maréchaussée de Bresse, fut après lui seigneur et 
marquis d’'Andelot, mais 1l le fut peu de temps puisqu'il 
décéda à Andelot en 1780, laissant trois enfants : 
Jeanne-Antoinette, Gaspard-Amédée et Henry-Victor 
âgés respectivement de 14, 13 et 11 ans. Quelques mois 
après la mort de Joachim CU sa femme perdit la 
raison. ‘ 

En 1778-79, le territoire de la communauté de Nantey 
fut mesuré. Cette opération fut faite à la demande des | 
habitants par l’arpenteur de la Maitrise des Forêts de 
Poligny, principalement pour que les commis pussent 
répartir les impôts avec équité. Le sol fut mesuré à la 
perche de 9 pieds !/ (3 mètres 146), pied ancien de 
Comté (0 m. So le journal contenant 360 perches 
carrées. 

En 1780, la coupe du bois de réserve de Nantey d’en- 
viron 55 arpents (28 hectares) fut vendue aux enchères 
moyennant 6765 livres. Une grande partie de cette somme 
servit à réparer l’église, le presbytère et le clocher, 


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250 
Du 25 mai au 17 juillet 1783, la variole enleva neuf | 
jeunes enfants de Nantey et, le 6 juillet de la même 
année, on ressentit dans ce ee un léger tremble- 
ment de terre vers 10 h 1/, du matin. 

En 1789, la communauté de Nantey sollicita auprès 
de l’intendant de Franche-Comté l'autorisation de faire - 
mesurer de nouveau son territoire, pour la raison que 
le registre d’arpentage de 1779 contenait de nombreuses 
erreurs. | | 

En 1790, Ecuiria s’unit à Nantey pour constituer une 
municipalité. En 1791, le domaine de la cure de Nantey 
fut vendu au profit de la Nation, ainsi que les fermes 
possédées dans ce village par les Visitandines et les 
Augustins de Saint-Amour. Dans l'été de la même 
année, douze jeunes enfants de Nantey moururent de la 
le 

En 1792, Gaspard-Amédée Guyénard, marquis d’An- 
delot, capitaine d’artillerie, partit pour l'Allemagne 
afin de servir dans l'armée de Monsieur et du comte 
d'Artois. L'année précédente, son frère Henry-Victor 
s'était embarqué en qualité d’enseigne sur un vaisseau 
marchand se rendant en Chine, mais ce vaisseau avait 
dû se réfugier aux Etats-Unis et Henry-Victor était 
_ resté dans ce pays où il s’adonna d'abord à l’agricul- 
ture. Ils furent tous les deux inculpés d’ émigration et, 
par suite, leurs biens furent confisqués. 

En cette année 1792, la municipalité de Ne 
négligea de solliciter auprès des administrateurs du : 
département du Jura la restitution des bois que la 
communauté avait relâchés à Gaspard Guyénard lors 
du triage et les habitants de ce lieu se hâtèrent d’ex- 
ploiter ou plutôt de ravager les bois en question. Ils 
_coupèrent en 1792 plus de 21 hectares en Dorey. 

: En 1793, madame Guyénard d'Andelot et sa fille 
furent enfermées quelque temps, comme suspectes, 


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nn 


dans l’ancien monastère des Visitandines de Saint: 
Amour. Au mois de novembre, pendant leur détention, 
- les habitants d'Andelot, de Nantey et d’autres villages 
de la seigneurie s’emparèrent des archives du château 
et, les ayant portées dans un champ d’Andelot appelé 
« aux Croix », ils les jetèrent dans un grand feu autour 
duquel ils dansèrent en chantant la carmagnole. 

En 1794, la grange de Vessia appartenant au marquis 
d'Andelot fut vendue au profit de la Nation. 

En octobre 1795, comme les habitants de Nantey 
avaient besoin de fagots pour sécher leur blé de 
Turquie, la municipalité les autorisa indûment à couper 
le bois seigneurial situé derrière la Caronnière (ou sur 
la Combe aux Roux). 

En 1797-98, ils coupèrent trois hectares du canton de 
Dorey qu’ils avaient jadis relâché au seigneur lors du 
triage. L’Administration des Forêts s’émut -de cette 
nouvelle entreprise et le garde-général d'Orgelet fut 
envoyé pour constater le dégât. « Ce bois, lisons-nous 
dans son procès-verbal, appartient à la Nation aux 
droits de l'émigré Guyénard. Avant que les habitants 
s’en emparassent, il se composait des plus belles 
essences et était du meilleur rapport. Ils l’ont exploité 
en 1792, sans y réserver aucun baliveau. Depuis, ils y 
ont mené paître journellement le bétail. Hs arrachent 
aujourd’hui les souches sur une grande étendue du côté 
du nord. Bref, la majeure partie de ce bois ne présente 
plus maintenant que la surface la plus aride par suite 
de l’extirpation et du pâturage. » 

En 1800, les limites de Nantey du côté d’Andelot 
n'étaient pas encore fixées. | 

Vers 1800, Henry-Victor Guyénard était devenu capi- 
taine dans la marine marchande des Etats-Unis. En 
1802, son frère Gaspard-Amédée quitta l’Allemagne 
pour aller le rejoindre et il l’accompagna en 1804 


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à Bordeaux où il mourut sans alliance. Henry-Victor, 
qui s'était marié aux Etats-Unis, décéda pendant une 
de ses traversées, en 1813, laissant deux filles en bas 
âge. | 

En 1803-1804, les habitants de Nantey voulurent 
faire une nouvelle coupe dans le canton de Dorey relâché 
jadis au seigneur lors du triage, mais le Conseil de 
Préfecture, considérant que ce boïs et celui des Embou- 
choirs appartenaient à l'Etat, interdit la coupe projetée. 

En 1809, le tribunal de Lons-le-Saunier décida que, 
puisque la commune de Nantey avait négligé de faire 
les démarches nécessaires dans le délai prescrit, elle 
avait perdu tous ses droits aux forêts relâchées lors du 
triage, et il la condamna non seulement aux dépens de 
l'instance, mais encore à une amende de 880 francs 
‘envers l'Administration des Domaines pour les coupes 
faites induement, le tout montant à environ 1200 francs, 
_ somme que le roi voulut bien réduire au tiers en 1823. 

En 1810, l'Etat vendit à deux particuliers au prix de 
9980 francs les 28 hectares 63 ares de bois situés en 
Dorey et vers Charnay qui provenaient du triage 
de 1724. | 

En 1826, Mlle Guyénard d’Andelot, qui jusque-là 
avait vécu au château d’Andelot avec sa mère, le vendit 
à M. Viot, directeur des Contributions Directes de l’Ain, 
et toutes les deux allèrent habiter Bourg, où elles mou- 
rurent dans la pauvreté, la fille en 1831, la mère 
en 1832. 

On se souvient que, en 1666, Nantey et Ecuiria 
avaient cédé à Marc Perrodin une partie du bois du 
Ban en lui imposant certaines servitudes. Pendant 
longtemps lui et ses descendants laissèrent ledit bois 
monter en futaie pour que les habitants de ces deux 
villages pussent y faire paitre leur bétail, mais vers 
1813 ils transformèrent la futaie en taillis, et dès lors le 


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| — 33 | 

pâturage y devint impossible. Le conseil municipal de 
Nantey délibéra souvent sur cette affaire qu'il exposa 
plusieurs fois au préfet du Jura, notamment en 1822 et 
en 1832, en demandant que les Perrodin fussent obligés 
soit à rétablir la futaie, soit à payer une indemnité à la 
_ commune dans le cas où ils voudraient maintenir le 
taillis, soit enfin à rétrocéder ledit bois au prix d'achat. 
Le conseil municipal avouait ingénument que cette 
dernière solution lui paraissait la meilleure, mais sa 
demande fut rejetée définitivement en 1836. 


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. CHAPITRE Il. 


Territoire et Population. 


Nous allons étudier le territoire de Nantey-Vessia et 
d’'Ecuiria, mais pour la commodité du lecteur, nous 
compterons par hectares bien qu'avant la Révolution 
on comptât par journaux pour les champs, par soitures 
ou fauchées pour les prés, par ouvrées pour les vignes 
et par arpents pour les bois. La soiture équivaut, 
comme le journal, à 35 ares 64 ; celui-ci se divisait en 
4 mesures ou en 8 ouvrées. 

Il est à peu près certain que, jusque vers le xvir1”° 
siècle, la population de Nantey-Vessia et d'Ecuiria fut 
d’ordinaire inférieure à cent habitants. Le territoire est 
de 640 hectares ; à peine le sixième du sol est de bonne 
qualité; un autre sixième est de qualité médiocre. Etant 
peu nombreux, les habitants de Nantey- Vessia et 
d'Ecuiria ne cultivèrent jusqu'au xvi11”* siècle que la 
meilleure partie du territoire, c'est-à-dire environ 
200 hectares auxquels il faut ajouter une centaine 
d'hectares de mauvais champs et prés entremêlés parmi 
les autres. C'étaient là les fonds anciens, appelés cen- 
sables et décimables parce que leurs tenanciers de- 
valent, à cause d’eux, le cens au seigneur, et la dîime 
au curé. Tout le reste du territoire, c'est-à-dire 340 
hectares, n’était que bois, broussailles et pâtis. De ces 
340 hectares une vingtaine seulement appartenaient à 


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des particuliers. Quant aux 320 autres, les habitants en 
jouissaient pour le chauffage de leurs maisons et le 
pâturage de leur bétail conjointement avec le seigneur 
qui en était le véritable propriétaire (bois communs, 
landes communes;. Par suite de la mauvaise exploita- 
tion, des larcins des hommes et des ravages du bétail, 
l'étendue des bois communs diminua constamment jus- 
qu'au xix”° siècle. | 

Dès la fin du xvne, la population de Nantey-Vessia 

et d'Ecuiria s’accrut année en année et, vers 1750, 
_elle était presque trois fois plus nombreuse qu’en 1614. 
Aussi, les habitants pauvres, et la plupart d’entre eux 
l’étaient, se procurèrent ils des champs en défrichant, 
avec la permission du seigneur qui l’accordait moyen- 
nant un droit d'entrage de deux poules, des parcelles 
de landes communes. Ces nouveaux champs qui por- 
taient le nom de novales, feuillées ou fouillées, essarts, 
communes, etc. devaient chaque année au seigneur une 
prestation appelée tâchè et la dime novale au curé. 
Plus de cent hectares de landes communes furent défri- 
chés de 1700 à 1724, de sorte que, à cette dernière 
date, 1l n’y avait plus qu'environ 210 hectares de bois 
et de pâtis communs. Ils furent réduits à 180 par le 
triage de 1724. Notez que beaucoup de gens faisaient 
« feuillée » sans permission, s’exposant ainsi à l'amende 
de 60 sols, et que souvent ils ne cultivaient leurs 
« communes » que deux ou trois ans, les abandonnant 
pour faire feuillée ailleurs, quand le sol était épuisé. 
Remarquez en outre que, avant le triage de 1724, les 
possesseurs de parcelles de communes défrichées obte- 
naient assez fréquemment du seigneur que la tâche fût 
convertie en cens, par conséquent que l'essart devint 
fonds ancien. Ainsi, en 1715, le seigneur abergea à 
perpétuité à un habitant de Nantéy un canton de com- 
munes de près d’un hectare situé sur la Rochette, près 


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de Vessia, sous le cens annuel de 10 mesures(1) de 
froment, 3 rez d'avoine et une poule. Une fois le triage 
effectué, il fut interdit d'amoindrir les communaux par 
de nouveaux défrichements, mais la communauté d’habi- 
tants eut le droit d'en amodier des parcelles à son 
profit pour une durée n’excédant pas trois ans. Malgré 
cette interdiction, lés habitants continuèrent à faire 
feuillée de leur propre chef. En 1771, deux laboureurs 
de Nantey se plaignirent à l’intendant de Franche- 
Comté de ce que nombre d'habitants de ce village et 
d’Ecuiria avaient anticipé sur les communaux. L'année 
suivante, l’intendant fit mesurer ceux-ci et ordonna à 
34 inculpés de produire leurs contrats de louage. Seuls 
trois d’entre eux purent prouver que les communes 
qu’ils cultivaient avaient été louées de la communauté 
par devant notaire. Aussi les 31 autres furent ils con- 
damnés d’abord à déguerpir des terrains usurpés, 
ensuite à restituer à la communauté la valeur de ce 
qu'ils y avaient récolté depuis leur usurpation, enfin à 
payer les frais de l'instance. Les fonds en question for- 
maient une étendue d'environ 8 hectares. La commu- 
nauté les laissa retourner à l’état de pâturages, excepté 
un hectare et demi ou deux qu’elle amodia à son profit 
par adjudication des officiers de la justice d’Andelot. 
On a vu plus haut que, en 1789, il ne restait plus 
aux communautés de Nantey-Vessia et d’Ecuiria que 
180 hectares de-boïis et pâtis communs, c’est-à-dire 
environ la moîtié de ce qu'elles avaient eu ancienne- 
ment. Mais, dans ces 180 hectares, quelle était l’étendue 
des bois et celle des pâtis? Jusqu'à la Révolution et 


(1) La mesure de froment du bailliage d'Orgelet pesait 
30 livres et équivalait à notre double décalitre, mais la mesur, 
d'Andelot qui servait dans la seigneurie de ce nom pour la 
recette des cens n’en pesait que 24. Le rez d’ avoine ou boisseau 
ras pesait à Dre! de 16 à 17 Hvres, | 


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pendant celle-ci, les habitants conservèrent la pérni- 
cieuse habitude non seulement de ne pas soigner, mais 
encore de ravager leurs bois et pâtis communaux. Ils 
enlevaient la terre des pâtis pour la porter dans leurs 
champs, ils y creusuient ça et là des carrières, ils 
exploitaient mal les bois, ils y menaient leur bétail et 
ils les pillaient journellement. En 1724, une moitié du 
bois de Montmain était encore en bon état; vingt ans 
plus tard, on n’y voyait qu’une lande Roieie d’ arbre 
seaux. En 1748, l'Administration Forestière estimait 
que les bois communs avaient une étendue de 138 hec- 
tares, mais elle avait compté comme tels plus de 
50 hectares de broussailles, ct les ravages continuèrent 
si bien que, de l’aveu même des habitants, ils étaient en 
1790 tout rabougris et abroutis en tous endroits. En 
1830, on jugeait qu’il y avait 67 hectares !/, de bois et 
119 hectares de pâtis communs. ‘Présentement, on 
compte 65 hectares de bois et 114 hectares de pâtis. Ces 
bois sont dits: des Cheneviers (19 hect.), du Ban 
(15 hect.), de la Rippe (13 hect.), sur les Monts (13 hect.), 
de la Combe Broumau (3 hect.), sur Turia (1 hect. 75) 
et sur le Molard (20 ares). | 

D’après le livre d’arpentage de 1779 et les rensei- 
gnements que nous venons de fournir, le territoire de 
Nantey-Vessia et d’'Ecuiria (640 hectares) se décompo- 
sait, en cette année-là, de la manière suivante: 1° terres 
labourables de Nantey-Vessia, 277 hectares ; d'Ecuiria, 
environ 16 hectares ; — 2° parcelles de communes 
défrichées, environ 100 hectares ; — 3° prés de Nantey- 
Vessia, 15 hectares ; d'Ecuiria, 1 hectare ; — 4° bois 
particuliers de Nantey-Vessia, 18 hectares ; d'Ecuirià, 
1 hectare ; — 5° bois cédés au seigneur lors du triage, 
environ 30 hectares ; — 6v bois et pâturages communs, 
180 hectares. 

En 1779, le nombre des al pièces de terre était 


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— 38 — 


encore assez considérable. La grange du marquis 
d’Andelot à Vessia comprenait notamment un champ de 
11 hectares ‘/,, un de 10, deux de 3, un de 2 !/, et un 
_ de 2 qui étaient aux deux tiers de bonne qualité. À 
Nantey, les grands champs étaient mauvais ou mé- 
diocres : le plus étendu, situé aux Routes, avait près de 
6 hectares. Venaient ensuite trois champs de 2 hectares 
(aux Pies, en Charnay et en Darbon) et 34 d’un hectare. 
Au contraire, en l'an 1500, il y avait encore à Nantey 
‘de grandes pièces de terre de bonne qualité : une de 
2 hectares aux Courambles, une autre aux Voirat, etc. 
En 1779, on ne rencontrait à Nantey que quatre par- 
celles de pré un peu étendues. La plus vaste, qui avait 
70 ares, se trouvait « au Grand Pré » (1) et appartenait 
au marquis d’Andelot. 

En 1779, les bois particuliers étaient : celui du 
marquis à Vessia (11 hectares), celui des Perrodin 
appelé aussi la Petite et la Grande Combe (près de 5 
hectares), celui de derrière la maison de François Janin 
(70 ares), enfin de très petits taillis situés en Tarantin, 
sous Tarantin, à Montrochat et derrière ia Creuse. 

Le marquis, le curé, les Visitandines, les Augustins, 
les Chartreux, le notaire Cochet et le sieur Bouquerod 
possédaient les ?/, des prés et presque tous ceux qui 
étaient bons. Ils possédaient, d'autre part, le tiers des 
bons champs et des champs médiocres et seulement le 
neuvième des mauvais. Ainsi, la population n’avait que 
fort peu de prés, presque tous médiocres ou mauvais ; 
elle avait seulement les ?/, des champs bons ou 
médiocres ct la plupart des champs de mauvaise qualité. 


(1) On dit aujourd'hui En Haut de la Rivière. Le canton du 
Grand-Pré s’étendait entre le cours de la Doye, le chemin de 
Florentia et celui d'Epy. Il avait été dénommé ainsi à cause de 
la grande parcelle du marquis, mais sa partie orientale était 
souvent appelée « vers le vieux moulin, » | 


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—— 39 — 


En 1779, on ne trouvait à Nantey que ciiq cultivateurs 
qui fussent aisés. Ces cinq prepriétaires (tous des Janin) 


avaient chacun de 3 à 4 hectares de bonnes terres et de . 


1 hectare !/, à 2 h. !/, de terres médiocres, avec quel- 
ques petits prés. Tous les autres cultivateurs, au 


nombre d’une cinquantaine, étaient fort pauvres ; plus 


de 30 d’entre eux n’avaient aucune parcelle de pré. Mais 
qu'était le domaine de chacun de ces cinq cultiva- 


teurs aisés en comparaison de celui du marquis à 


_ Vessia avec ses 13 hectares de bons champs et ses 


20 héctares de champs médiocres : de celui des Visi- 


tandines qui comprenait 7 hectares de bons champs et 
3 hectares de médiocres ; de celui des Augustins où 


l'on comptait 5 hectares ?/, de bons champs et 2 hec- 


tares de médiocres. Celui de ces cinq cultivateurs aisés 
qui possédait le plus de prés en avait 27 ares de bons 
et 12 de médiocres, tandis que le marquis en possédait 


89 de bons et plus de 100 de médiocres ; la Visitation, 
80 de bons et 150 de médiocres ; le notaire Cochet, 


80 de boris et plus de 100 de médiocres ; les Augustins, 
53 de bons et 47 de médiocres. 


En 1791 et en 1794, la République vendit jee biens 


du curé, des Augustins, des Visitandines et du marquis 
d’ Andelot, lesquels étaient devenus biens nationaux, et 
ils furent achetés moyennant quelques poignées d’assi- 
gnats par les paysans de Nantey. Une soixantaine 


d'hectares de terres labourables, dont la plupart étaient 


bonnes, s’ajoutèrent ainsi à leurs champs, maïs comme 
la population n'était pas alors beaucoup plus nombreuse 


qu’en 1779, elle .abandonna la culture d’autant d’hec- - 
tares de « communes » mauvaises ou très médiocres. 


Aussi voit-on que, en 1830, le territoire de Nantey- 
Vessia-Ecuiria se décompose à peu près de la même 
façon qu’en 1779, excepté que, en 1779, il y avait 
environ 400 hectares de terres labourables (communes 


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— 40 — 


comprises) sans aucunes landes particulières, tandis 
e, ‘en 1830, on trouve 330 hectares de champs 

t environ 60 hectares de landes particulières. 

Présentement, ledit territoire se décompose ainsi: 
1° Terres labourables, 156 hectares ; — 2° prés, 
54 h. 40 ; — 30 vignes, 54 ares ; — 4° jardins, 1 h. 61; 
— 5° landes particulières, 201 hectares ; — 6° bois par- 
ticuliers, 45 hectares; — 7° jandes communales, 114h.; 
8& bois communaux, 65 hectares. 

On remarque que, de 1830 à 1924, la surface labourée 
a passé de 330 hectares à 156. Cette diminution de plus 
de moitié résulte de ce. que la population diminua, elle 
aussi, de plus de moitié. Des 174 hectares soustraits à 
la charrue, 38 furent transformés en prés lorsque l’éle- 
_vage du bétail rapporta plus que la culture du blé; un 
demi hectare fut mis en vignes, et le reste (136 béctares) 
devint friche particulière. An il ya présentement à 
Nantey- -Vessia-Ecuiria 200 hectares de terres incultes 
qui jadis étaient cultivées. 


Lieux dits. — La désignation des divers cantons du 
territoire de Nantey-Vessia-Ecuiria offre les mots sui- 
vants dont nous indiquons le sens: Aiïlle ou Haye, syno: 
nyme de haie, de hallier : longeaille signifie longue 


haie, long hallier. — Ar giln, terre argileuse. — Avei- 


nier, champ d’ avoine, — Ban, proclamation pour 
ordonner ou pour défendre; le bois du Ban est donc 
celui dont l'usage est interdit aux hommes et au bétail. 
— Bourbouillon, source qui ne jaillit qu'après de fortes 
pluies. Ce mot provient, comme Bourbince, Bourboule, 


Bourbon et Bourbonne, d'une racine gauloise qui 


exprime l'idée de se gonfler, de bouillir, de: bouillonner. 
_— Caronnière, lieu “dont le sol contient des fragments 
de tuiles et de carreaux. — Carouge, synonyme de car- 
refour. — Chanelet, dérivé de Chêne. — Charnay, nes 


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— hi — 


nyme de charmoie. — Charpine, synonyme de charme. 
— Chenevier, chenevy, synonyme de chenevière, de 
petit champ très fertile. — Combe, combey, combette, 
synonyme dé petit vallon, — Contour, champ sur le- 
quel aboutissent perpendiculairement d’autres champs ; 
lorsqu'on laboure ceux-ci, c’est sur celui-là qu’on tourne 
la charrue. — Creuse, abréviation de vie creuse, che- 
min encaissé et raviné. — Culée, endroit qui n'a pas 
d’issue ou-semble n'en pas avoir. — Essart, parcelle de 
bois ou de pâtis défrichée. — Embouchoir, synonyme 
d'entonnoir ; c’est l’orifice circulaire d’un profond et 
étroit canal allant de la nappe d’eau souterraine à la 
surface du sol. — Fin, portion de territoire. — Feuillée 
ou fouillée- synonyme de défrichement. — Fourches, 
- synonyme de potence. Il est probable qu’un gibet sei- 
gneurial s’éleva jadis au lieu dit en Fourché et que les 
suppliciés étaient enterrés, non loin de là, au Martera. 
Ces deux endroits sont situés dans la direction de 
Senaud. — Gouilla, synonyme de mare. — Grange, 
synonyme de ferme, de métairie. — Groin, rocher sail- 
lant. — Lie, synonyme de laie, chemin forestier. — 
Martera ou marteray, cimetière de suppliciés. —- Mo- 
lard, synonyme de tertre. — Pérou, synonyme d’ancien 
chemin. — Pie, synonyme de parcelle de bois. — Peil- 
leux, ancicn mot signifiant déguenillé (peille était le 
synonyme de guenille), Un château peilleux, pillou ou 
pillot est donc un château en lambeaux, en ruine. — 
Rafour, synonyme de four à chaux; aux quatrôfous se 
traduit en français par : aux quatre rafours. — Rippe, 
‘synonyme de taillis, de broussailles. — Rousses signifie 
roseaux, prairie marécageuse. — Teppe, synonyme de 
pâtis. — Vie, synonyme de chemin. — Vulpillère ou 
verpillère, synonyme de renardière. 
Il semble que le mot Montrocha (Montrochay ou Mont- 
rachay, Montrochard) soit composé de mont et d'un 


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— 


dérivé de roche. Deux autres côtes portent les noms 
de Cuvy ou Cuvier et de Dorey ou Durey (Durâya, 
Douréya, crêt de Dorà, la Doraille). Nous ne savons 
pas au juste quel est le sens de ces mots. Peut-être des 
hommes nommés Cuvy et Rey ontils défriché les pre- 
miers une partie de ces côtes boisées. A l'appui de 
cette hypothèse, on pourrait invoquer qu’il existe sur la 
côte de Dorey une vaste dépression appelée aujourd’hui 
combe de Santaré, mais qu’on appela jadis Champ- 


terrey, Chantarey ou Champarey. — Il semble que 
Montmoin ou Montmain signifie mont du milieu, c’est- 
à-dire situé entre deux autres monts. — Si « Tarantin » 


n'est pas composé du mot terre et d’un nom d'homme, 
il serait possible qu’il fût le diminutif de terreau, syno: 
nyme de fossé. — Combe du Derche ou du Derse se 
dit probablement pour combe de l’Erse, mais nous 
ignorons le sens de ce dernier mot et nous ne savons 
pas non plus pour quelle raison la, prairie de Darou 
(Dareu, Daru, Darau) a été appelée ainsi. — Beaucoup 
de cantons du territoire de Nantey-Vessia- -Ecuiria sont 
désignés par les noms de leurs anciens possesseurs 
dont plusieurs (Bailly, Claret, Guynard, Poncet et 
Vuaraz) vivaient en l’an 1500: Il n’est pas besoin d’ajou- 
ter que ces noms sont souvent défigurés par le patois. 
C'est ainsi que l'on dit combe Broumau au lieu de 
combe Bramard. | | 


Population. — Parlons maintenant plus amplement 
de la population de Nantey-Vessia et d’Ecuiria à 
diverses époques. | 

En 1614, Nantey-Vessia et Ecuiria cnptenaie 
21 feux (environ 100 habitants), sans compter ” ménage 
du curé. 

En 1657, treize ans apr ès la fin de la guerre d’exter- 
mination que les Français et leurs alliés avaient faite aux 

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— 43 — 


_ Franc-Comiois, il n’y avait plus dans ces trois loca: 
lités que 11 feux, dont 8 à Nantey-Vessia et 3 à Ecuiria. 
On comptait alors à Nantey-Vessia, outre Îe curé et sa 
sœur, 6 hommes et leur femme, 2 veuves et 22 enfants, 
en tout 36 âmes ; à Ecuiria, 3 hommes, 3 femmes et 
8 enfants, en tout 14 âmes. 

En 1688, il y avait à Nantey-Vessia 16 maisons,. 16 
feux et 60 âmes, savoir 13 hommes, 17 femmes, 25 
enfants, 3 valets et 2 servantes ; et à Ecuiria, 4 mai- 
sons, 5 feux et 22 âmes, savoir ÿ hommes, 5 femmes, 
11 enfants et 1 valet. | 

La population de Nantey augmenta continuellement 
pendant le xvirie siècle. On y trouve environ 30 feux 
en 1723, environ 40 en 1/35, 45 en 1756, 50 et 231 
âmes en 1767, 58 et 263 âmes en 1789, 56 et 256 âmes 
en 1790. 

Quant à Ecuiria, cette communauté se composa, dans 
la seconde moitré du xvir1° siècle, d'abord de 6, puis de 
7 ou 8 feux (c'est-à-dire de 30 à 40 âmes), non compris 
le ménage de chacun des deux grangers de M. Desglans. 
En 1789 et 1790, il y avait 11 feux et 44 âmes à Ecuiria. 

À partir de 1790, Nantey et Ecuiria ne formèrent 
qu'une seule et même commune dont la population fut : 
en 1790 de 300 âmes, en 1794 de 310 et en 1803 de 335. 
Le chiffre de cette population diminua peu jusque vers 
1855, puisque nous trouvons 332 âmes en 1812, 325 en 
1821, 316 en 1831, 280 en 1837, 304 en 1841, 297 en 
1846, et 292 en 1851. Mais il n’y avait plus que 265 
habitants en 1856, 251 en 1861, 232 en 1866, 205 en 
1876, 203 en 1881, 212 en 1887, 206 en 1895, 191 en 
1897, 162 en 1902, 155 en 1910 et 134 en 1923. 

Ainsi, présentement, le chiffre de la population est 
inférieur de la moitié à celui de 1856 et des deux cin- 
quièmes à celui de 1803. Il n’y a plus aujourd’hui que 
2 ménages à Vessia et 4 à Ecuiria. 


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_— kh4 — 


Déjà en l’an 1500 des Payn et des Grossel (Pan et 
Gurset) vivaient à Nantey. A la même date, un Bolo- 
mier y possédait des champs, mais demeurait à Flo- 
rentia, et il existait des Vieux à Andelot. Les familles 
Bouvier, Gauthier et Janin sont établies aussi depuis 
longtemps, la première à Ecuiria et les deux autres 
à Nantey. 


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CHAPITRE III. 


Fiefs et censives. | 
Condition des habitants. — Droits féodaux. 
| La Justice d’Andelot. 


Le seigneur d’Andelot était haut, moyen et bas 
justicier dans toute l'étendue de la seigneurie de ce 
nom, c'est-à-dire à Andelot, à Nantey-Vessia, à 
Ecuiria, à Epy, à Tarcia, à la Balme, à Lanéria, à 
Senaud, à Florentia et à Civria-Nord, mais à Avenans, 
dont il était pourtant seigneur censier, la haute justice 
appartenait depuis 1670 au sieur Michaud, seigneur de 
la Tour (à Coligny}et d’Avenans, lequel l'avait acquise 
en ladite année. 

En 1719, le seigneur d’Andelot (Gaspard Guyénard) 
n'était pas seigneur censier dans toute l'étendue de sa : 
* seigneurie. Par exemple, à Nantey, Vessia et Ecuiria, 
une partie seulement des héritages lui devaient le cens; 
les autres biens-fonds le devaient soit au seigneur de 
Saint-Julien (M° de la Baume-Montrevel), soit au 
seigneur de la chevance de Beyne au Val d’Epy 
(Gabriel-Philibert de Joux de Grammont, baron de 
Châtillon-Guyotte), soit à un troisième seigneur dont 
nous ignorons le nom. 

Le fief d’Andelot, fief avec justice et corps principal, 
c’est-à-dire avec château et terre noble, avait donc trois 
arrière-fiefs situés sur Nantey, Vessia et Ecuiria, 


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Chacun de ceux-ci ne consistait qu’en une rente noble, 
c’est-à-dire en des cens dûs par les tenanciers de meix 
roturiers, cens portant d'ordinaire les droits de lods, 
ventes et retenue, Ces trois arrière-fiefs étaient celui 
des Saint-Julien à Vessia, celui de Beyne au Val d'Epy 
et celui de N... à Ecuiria et à Nantey. 


Arrière-fief dit des Saint-Julien à Vessia. — Il se 
composait des cens dûs par le tenancier de l’ancien 
meix de Vessia qui comprenait en 1689 huit corps de 
logis, un verger d’un journal, plus de 30 hectares de 
ns labourables situées non loin des bâtiments et 
4 ou 5 charrées de foin près de la doye de Nantey. 
Presque tous les champs de ce meix étaient étendus : le 
plus grand se trouvait en la Fin de la Fontaine et avait 
Q hectares ; venaient ensuite deux terres de 3 
hectares t/, assises en la Combe Barille et en la Grande 
Combe vers les Aveiniers ; trois de 2 hectares !/, 
situées Vers la Grange, en la Fin de la Fontaine et en 
la petite Combe aux Roux ; deux de 2 hectares, aux 
Teppes et au Champ du Four ; enfin,trois d’un hectare, 


‘à la Fontaine du Bois, sur la Rochette et en la Côte de 


la Combe du Derche. Le tenancier du meix de Vessia 
ne devait annuellement au seigneur de Saint-Julien 
que 12 rez d'avoine, 12 gros vieux, une geline et une 
corvée de char, car il était astreint, en outre, à une 
prestation annuelle de 33 mesures de froment et de 32 
gros vieux dont ce meix était grevé à perpétuité au 
profit du desservant de la chapelle Saint-Maurice, à 
Saint-Julien. Ladite chapelle s'élevait au lieu appelé la 
côte Saint-Maurice rière Villechantria et son desservant 
était à la nomination du seigneur de Saint-Julien. 
Comme elle se trouvait privée d’offices en 1533, Adrien 
de Vaudrey, seigneur de Saint Julien, en avait uni les 
revenus à ceux de la chapelle Saint-André sise en 
l église de ce F 0e: | 


Goc gle 


_ 17 à 

Voici les seuls renseignements que nous ayons suf 
l’arrière-fief de Vessia. Dès avant l'an 1301 il appar- 
tenait à la famille du prévôt héréditaire de. Saint- 
Julien (1), des mains de laquelle il passa, vers 1470, 
au seigneur dudit lieu. En 1716, Gaspard Guyénard, 
contesta à M' de la Baume-Montrevel, seigneur de 
Saint-Julien, les droits de lods, ventes et retenue sur 
ceux des fonds de Vessia-Nantey dont les prévôts de 
Saint-Julien avaient été jadis seigneurs directs.Celui ci 
répondit que Vessia dépendait de la seigneurie de 
Saint-Julien, qu'il en était seigneur et que, quand 
même il ne le serait pas, il y posséderait lods, ventes, 
retenue et autres droits seigneuriaux, puisqu'il avait 
directe seigneurie sur les fonds en question et que le 
terme de directe seigneurie emportait ces droits dont 
il avait, du reste, toujours joui. On voit que le seigneur 
de Saint-Julien niait que sa rente noble de Véssia fût 
de la mouvance d’Andelot. La seigneurie de St-Julien 
fut acquise en 1734 par la famille de Lezay-Marnézia. 


Arrière-fief dit de Beyne au Val d'Epy. — Cette rente 
noble fut possédée au xv° siècle par la famille de Bussy 
qui tirait son nom d'un fief situé près d’Izernore et por- 
tait : écartelé d’argent et d'azur. Gasparde de Bussy 
épousa Guy de Frangy, seigneur de Beyne près de Tre- 
nal, et dès lors la rente en question s’appela rente noble 
de Beyne au Val d'Epy. Les fils de Guy et de Gas- 
parde vendirent, au commencement du xvi° siècle, la 
rente de Beyne à Humbert de Binans, seigneur de 
Chambéria (Armes : d’azur à la bande crénelée d’or 


{1) Le membre le plus remarquable de cette famille, qui vers 
1430 devint française par un mariage, fut l'historien Pierre de 
Saint-Julien de Balleure, chanoine de Saint-Pierre de Mâcon et 
doyen de Saint-Vincent de Chalon (1520-1593). Les prévôts de 
Saint-Julien portaient, comme les Toulongeon : de gueules à 
trois jumelles d'argent. 


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= 48 — 


äccompagnée de 6 ou7 croisettes pommetées de même, 
3 ou 4en chefet 3 en pointe). Sa descendante, Adrienne- 
Thérèse, épousa en 1650 Jean-François de Joux dit de 
Grammont, baron de Châtillon-Guyotte, et lui apporta 
la rente de Beyne (Armes des Grammont : d'azur à 
3 bustes de reines vêtues d'argent, chevelées et cou- 
ronnées d’or). Elle passa à leur fils Gabriel Philibert, 
puis à la fille de celui-ci, Marie-Charlotte, qui vers 
1747 épousa Jean-Antoine du Chaylar et mournt sans 
enfant en 1750. Par suite d’un arrangement de famille 
la rente de Beyne arriva en 1752 à Claude Louis-Maxi- 
milien, baron d’Iselin de Lanans, lequel était fils de 
Péronne-Alexandrine, sœur de Gabriel-Philibert et 
épouse de Ferdinand d’Iselin. En 1757, Cl.-L.-M. 
d’Iselin vendit, moyennant 8.000 livres, ladite rente 
au seigneur d'Andelot. De la sorte, l'arrière fief de 
Beyne au Val d'Epy fut réuni au fief dominant et s’étei- 
gnit. | 
Cette rente se composait des cens et tailles dûs par 
les tenanciers de nombreux fonds épars dans toute la 
seigneurie d'Andelot. Il faut entendre ici par tailles 
l’aide féodale ès quatre cas qui, au xvi° siècle, consis- 
tait dans le doublement des deniers du cens. Observez 
que, si une partie de cette chevance, spécialement celle 
qui était située sur Nantey, Vessia, Ecuiria, Andelot et 
Avenans, relevait en fief du château d’Andelot, une 
aufre partie s'étendant ça et là sur Epy, Lanéria, Tar- 
cia, la Balme, Senaud, et Florentia était tenue en franc. 
_alleu « par acquisition faite vers l’an 1450 de Guillaume 
d'Andelot, seigneur de Coligny et d’Andelot » En 1718, 

les cens de ladite chevance furent amodiés par devant 
notaire pour cinq ans à deux laboureurs de la région 
au prix de 260 livres par an. Les lods et ventes étaient 
affermés eux aussi. Au dire du seigneur d’Andelot, la 
partie de cette rente noble qui relevait de lui pouvait 


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= D — | 

| produire par an 20 pareils (1) de blé de éens avec uñ 
peu d'argent, de vin, de cire et quelques poules. La 
chevance de Beyne s'était formée peu à peu de Ja réu- 
nion de plusieurs petites rentes nobles. Elle comprenait 
un grand nombre des héritages de Nantey-Vessia (prin- 
cipalement les anciens meix Bailly (2), Poncet, Cheva- 
lon, le Neussard) et aussi du village d'Ecuiria. 


Arrière-fief dit des Civria. — Cette petite rente noble 
se composait de 8 mesures de froment, de 12 rez 
d'avoine, de 12 gros et de 2 poules, le tout valant envi- 
ron 25 francs et dû por les tenanciers de divers héri- 
tages d’Ecuiria et de Nantey. Elle appartenait en 1584 
à Gaspard de Civria, seigneur de Civria, et en 1719 à 
un seigneur dont nous ignorons le nom. Il va sans dire 
que le possesseur d’un arrière fief aussi mince que celui- 
1à n’en affermait pas le produit ; il se le faisait envoyer 
par les censitaires qui souvent n ‘étaient pas plus soi- 
gneux de payer qu'il ne l'était de rendre la foi et hom- 
mage au seigneur dominant. 

Notez que, au xv° siècle, il y'avait à Nantey une rente 
noble qu’un ou plusieurs meix devaient au sieur d’Es: 
peisse dont la famille tirait son nom d’un fief assis près 


de Bâgé-la- Ville. 


{1) Le pareilse composait d'un quartal de froment. (8 mesures 
et d'un quartal d'avoine (12 mesures ou rez). 

(2) En 1522, année où fut confectionné le terrier de la rente 
de Beyne qui fut brulé à la Révolution, le meix Bailly était tenu 
par une nombreuse famille portant ce nom. Il devait : 28 gros, 3 
blancs, 24 mesures !/4 de froment, 36 rez 1/, d'avoine, 2 corvées 
de bras et 2 gelines.— Le meix Poncet était divisé en 6 parties. 
Quatre laboureurs de ce nom tenaient encore la moitié dudit 
meix qui devait environ 29 gros, 16 mesures de froment, 24 rez 
d'avoine, ? gelines, 2 corvées de bras et 2 livres de cire.— Quant 
au meix Chevalon, il $'était morcelé au point que tous les habi- 
tants de Nantey en tenaient une au plusieurs parcelles. Dans ce 
village, il n'y avait plus aucun Chevalon en 1522. 

| : 


| Go gle 


= 50 
Dans le même siècle, il y avait aussi à Nantey uné 
rente noble consistant en des cens dûs par plusieurs 
meix à demoiselle Jeanne de Dananche (meix de feu 
Perrenet Borron, de feu Borron de la Bigotte (1), de 
feu Perrenet Corbet, etc.). Elle était la dernière des- 
cendante d’une famille qui portait le nom d’un fief situé 
près de Bény. Märiée à Thibaut, seigneur d’Avanchy 
en Savoie, puis au seigneur d'Oyonnax, elle vendit le 
fief de Dananche en 1472. Les deux rentes nobles 
d'Espeisse et de Dananche furent acquises, peu avant 
l'an 1500, par le seigneur d’Andelot,. 


Condition des Habitants. — Jusque vers la fin du 
xiv° siècle les habitants de Nantey, de Vessia, d'Ecui- 
ria, d'Andelot, d'Avenans et de Florentia furent serfs, 
c'est-à-dire qu’ils étaient assujettis à la mainmorte 
complète et à la taille serve. La personne sujette à la 
moinmorte complète avait le seigneur pour héritier de 
tous ses biens, lorsqu'elle décédait sans enfants com- 
muniers, sans parents communiers. Elle était appelée 
mainmortable ou lige. Quant à la taille serve, elle con- 
sistait dans le droit qu'avait le seigneur de frapper tous 
les ans d'un impôt arbitraire chaque faisant-feu. La 
personne sujette à la taille serve était appelée taillable. 
. Les serfs étaient, en outre, assujettis à faire autant de 
corvées que le seigneur leur en demandait, à ne pas se 
marier hors de la seigneurie et à résider constamment 
dans leur meix. En Franche-Comté, le serf qui voulait 
s affranchir, soi et sa postérité, devait délaisser au 
seigneur tous ses fonds de mainmorte et les deux tiers 


(1) Un des chemins de Nantey s'appelle encore «de la Bigotte». 
11 commence à celui des Essarts et aboutit aux champs dits 
< sur les Voirat ». — Le meix Perrenet Borron devait : 15 sols 
bons viennois, 4 mesures de froment, 6 mesures d'avoine, 1 
geline, 1 corvée de bras et une avénerie de 3 rez. 


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de ses meubles. Dans les dernières années, probable- 
ment dans les vingt dernières années du xiv° siècle, 
les habitants desdits villages furent peu à peu affranchis 
par le seigneur. Ils devinrent liges-quittes ou liges- 
franés, c’est-à-dire que lorsque l'un d'eux décédait sans 
enfants communiers, sans parents communiers, le sei- 
gneur héritait de ses meubles, mais non de ses 
immeubles. En même temps, la taille serve et l'inter- 
diction du formariage furent. abolies et le nombre des 
corvées annuelles fut déterminé. Notez que ces avan- 
tages furent accordés par les seigneurs pour attirer des 
colons dans leurs terres dépeuplées par la peste noire 
de 1349 et ruinées par les courses des Routiers. Mais 
en affranchissant les habitants desdits villages de la 
taille serve et de la mainmorte des immeubles, le sei- 
gneur d’Andelot chargea chaque meix d'une prestation 
appelée prothie-avénerie et qui, à Nantey, à Vessia et 
à Ecuiria consistait en 3 rez d'avoine, une poule et une. 
corvée de bras pour faire les foins. L’habitant de 
Nantey, de Vessia ou d’Ecuiria qui tenait deux meix 
devait deux prothies-avéneries ; celui. qui ne tenait 
qu’une partie d'un meix ne devait qu'une partie d’une 
prothie-avénerie. Il en était encore ainsi en l’an 1500 
dans ces trois villages, La mainmorte des meubles dis- 
parut après cette date, par rachat ou autrement. Au 
xvini° siècle, la prothie-avénerie avait cessé d’être un 
droit réel et était devenue un droit personnel dû par 
chaque faisant-feu. A Senaud, à Epy, à Tarcia, à 
Lanéria, à la Balme, à Civria et aux Granges de Non 
les censitaires du seigneur d’Andelot ne lui devaient 
pas de prothie-avénerie. Ils avaient sans doute obtenu, 
à une époque ancienne, d’être libérés de la mainmorte. 
et de la taille serve moyennant une augmentation du 
cens. Toutefois, une partie des habitants et des 
immeubles de la Balme étaient encore mainmortables 


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en 1719. D'un autre côté, l’on se souvient que, même at 
xvine siècle, il existait encore quelques alleux roturiers 
dans le Val d'Epy. 

D'après ce que nous venons d'exposer, la population 
serve de la-seigneurie d’Andelot fut affranchie non‘pas 
en une seule fois de toutes ses obligations, maïs peu à 
peu d’une pa:tie de chacune de celles-ci. Elle arriva 
donc à la liberté par une série d’affranchissements géné- 
raux imparfaits ou plutôt au moyen du remplacement 
réitéré de charges anciennes plus lourdes par des char- 
ges nouvelles plus légères. 


Droits féodaux. — Au xvnie siècle et au xvirre, les 
habitants et censitaires de Nantey, de Vessia et d'Ecui- 
ria n'étaient plus sujets qu’à la justice et à la police du 
seigneur d’Andelot, ainsi qu'aux charges suivantes : 

ri Cens et servis ou redevances re en argent et en 
blé dues chaque année par les possesseurs des fonds 
tenus à cens. 

_ II° Lods et ventes ou droit fixe dù au seigneur par 
l'acquéreur d'un fonds censuel pour la permission de le 
vendre (ventes) et pour l'approbation de l’achat (lods). 
Les lods et ventes se payaient à raison du sixième du 
prix porté dans le contrat. 

I11° Retenue censuelle ou faculté que le seigneur avait 
pendant 40 jours, de se substituer à l’acquéreur toutes 
les fois qu'un fonds de sa censive était aliéné par vente 
ou par contrat équivalent à vente. 

IV° Blairie et prothie-avénerie, redevances fixes 
dues annuellement au seigneur par chaque faisant-feu ; 
la blairie, à cause du blayer, espèce de garde champêtre 
établi et salarié par le seigneur ; la prothie-avénerie, 
probabiement en remplacement confus de la taille serve 
et de la mainmorte des immeubles. Pour la blairie, 
chaque ménage de Nantey, Vessia et Ecuiria devait 1/3 


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de mesure de froment ; pour la prothie-avénerie, 3 rez 
d'avoine, une poule et une corvée de bras. 

V° Corvées personnelles dues annuellement au sei- 
gneur par chaque faisant-feu à Nantey, Vessia et 
Ecuiria. L’habitant ayant un attelage devait 4 corvées 
de char ou de charrue '; celui qui n’en avait pas devait 
° corvées de bras. 

VI° Droit de cabri à Pâques, espèce de dime due 
annuellement au seigneur par quiconque tenait 
chèvres. | 

VIE Pain aux chiens du seigneur en chasse;ancienne 
obligation commuée en 1724 en une mesure d'orge due 
tous les ans par chaque feu de Nantey, de Vessia et 
d'Ecuiria. 

VIII° Aide ou taille féodale ès quatre cas, ou droit 
fixe (3 livres au xviri° siècle) dû au seigneur par tout 
justiciable faisant feu et ménage, lorsque celui-là allait 
en Terre Sainte, devait payer rançon pour sortir de la 
captivité où il était tombé en combattant pour le roi, 
était reçu dans le premier ordre de chevalerie du 
souverain ou mariait sa fille. Le seigneur nc pouvait 
lever qu’une fois dans sa vie chacune de ces quatre 
sortes d’aides. 

IX° Droit d’entrage de deux poules dû au seigneur 
par toute personne recevant de lui la permission de 
défricher et cultiver une parcelle de communes. 

X° Tâche ou redevance fixe en blé due chaque année, 
en guise de cens, par les parcelles de communes mises 
en culture par les habitants, Elle se levait après la 
dime ecclésiastique et sur le pied de celle-ci, c'est-à- 
dire à la 12° gerbe des blés qui se lient et à la 14° 
mesure de ceux qui ne se lient pas. 

XI° Prestation d'une botte de chaux due au seigneur 
par quiconque obtenait de lui l’autorisation de faire un 
rafour (four à chaux) dans les communes. 


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— 54 — 


XIIe Droit de tavernage dû au seigneur pour la 
permission de tenir cabaret. 

Le seigneur d’Andelot avait, en outre, les droits de 

péage, de pressoir banal, de langues de grosses bêtes 
de boucherie, de guet et garde et de contribution aux 
remparts du château, mais il ne les exerçait plus au 
xviri® siècle. 
_ En somme,chaque chef de famille devait au seigneur» 
outre le cens pour les fonds anciens et la tâche pour 
les communes, !/, de mesure de froment, 3 mesures 
d'avoine, une mesure d'orge, une poule, une corvée de 
bras et 4 corvées de char ou de charrue. D’ordinaire, 
on pouvait se libérer de la corvée de bras moyennant 
6 sols, et de chaque corvée de char ou de charrue 
moyennant 20 sols. On voit que ces redevances étaient 
‘légères. La tâche et le cens n'étaient pas non plus bien 
lourds. Celle-là consistait dans le douzième ou le 
quatorzième de la récolte. Quant au cens, il était resté 
au xvini* siècle tel qu’il était au xvi‘. Par exemple, 
un domaine composé d’une maison, de 10 hectares de 
terres, de 6 petits prés et de 2 petits bois devait 
payer 32 sols 9 deniers et 12 mesures d'avoine ; un 
autre domaine, comprenant une maison, 17 hectares de 
champs et 10 parcelles de prés, obligeait à donner 14 
sols, 8 mesures de froment et 12 mesures d'avoine. 

Il est certain que les paysans supportèrent bien plus 
impatiemment ces charges au xvir° siècle que dans 
les siècles antérieurs et la raison en est que, aussi 
longtemps que la Franche-Comté appartint à l'Espa- 
gne, ils n’en eurent pour ainsi dire pas d’autres, à la 
réserve de la dime et de quelques petites récompenses 
qu'ils accordaïent à leur curé. Le roi d'Espagne, comte 
de Bourgogne, n’imposait aucune contribution sur les 
Franc-Comtois et le gouvernement de la province ne 
leur demandait que rarement des secours pécuniaires, 


Go gle 


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d'ailleurs toujours très modiques. Mais à peine 
Louis XIV ceut-il annexé la Franche-Comté à son 
royaume qu'il l'accabla d'une foule d'impôts qui ne 
firent que croître sous ses successeurs et dès lors les 
. paysans jugèrent inique d’avoir à payer au seigneur des 
redevances pour leur personne et leurs biens déjà 
fortement imposés par le roi. Aussi se mirent-ils à 
chicaner sur les droits seigneuriaux et les nombreux 
procès qu'ils entreprirent augmentèrent leur pauvreté 
et leur mécontentement. 


La Justice d'Andelot. — Le seigneur d’Andelot était 
haut justicier. En cette qualité, il connaissait de tous 
crimes, délits et procès et pouvait prononcer toutes 
amendes et toutes peines. Seul le seigneur haut-justicier 
avait le droit d’élever des fourches patibulaires, parce 
que seul il avait le droit de glaive. Elles consistaient 
en des piliers de pierre réunis au sominet par une tra- 
verse de bois où l’on pendait les criminels. Ces gibets 
étaient érigés ordinairement en pleine campagne sur 
une éminence voisine des routes. Les habitants étaient 
tenus d'assister en armes aux exécutions et d’aider à 
redresser le signe patibulaire lorsqu'il était tombé. On 
croit qu'il y en eut un à Andelot sur le mont Fourchat. 
Il y en eut apparemment aussi un sur le territoire de 
Nantey dans l'endroit appelé en Fourché, près de la 
route menant à Senaud, et les suppliciés étaient sans 
doute enterrés non loin de là, au Martera ou Marteray, 
puisque ce: mot signifie cimetière de suppliciés. Un 
autre gibet se dressait peut-être à Ecuiria, car on 
y trouve un lieu dit les Fourches, près du territoire de 
Nanc. | 

. Certains seigneurs haut justiciers, comme celui de 
Coligny-le-Vieil et d’Andelot, possédaient le double 
degré de juridiction civile et criminelle : la châtellenie 


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D: CS 


et le bailliage. Conséquemment, les causes qui avaient 
été jugées en premier ressort par le châtelain du sei- 
gneur pouvaient être portées par appel devant son baïlli: 
qui tenait ses assises ou grands jours une ou deux fois 
par an. Les sentences rendues par eux étaient suscep- 
tibles d'être réformées par les baillis des provinces. 
C'était donc le bailliage royal d'Orgelet qui prononçait 
sur les décisions du juge châtelain et du bail de 
Coligny et Andelot. Duldit bailliage on appelait à la 
souveraine Cour de Parlement {à Dole jusqu'en 1676 et 
plus tard à Besançon). Notez qu’on pouvait appeler du 
juge châtelain au bailliage royal sans passer par 
le bailli seigneurial et qu'on ne pouvait appeler de 
celui-ci qu'au bailliage royal. On ne pouvait donc 


“appeler immédiatement du bailliage seigneurial au 


Parlement. Mais, dès la seconde moitié du xvixrr° siècle, 


il n’y eut plus de bailli à Andelot, car la double juridi c- 


tion seigneuriale fut supprimée en Franche-Comté par 
l'édit de 1749. | 
Tant que Coligny-le-Vieil et Andelot appartinrent au 


même seigneur, c'est-à-dire jusqu'en 1702, ces deux 


seigneuries n'eurent qu'un seul bailli et un seul juge 
éhâtolain 

Furent baillis ds Coligny-le-Vieil et d'Andelot: en 
1580, Jean Millet,mort en 1581 ; en 1663, 1667, Renaud- 
Guyénard, de Coligny, nl ès droits, mort en 
1675; Joachim Guyénard (fils du précédent), docteur 
ès drolta, avocat à Dole, puis à Besançon, lequel devint 
en 1698 lieutenant général de la Table de Marbre, 
acquit la seigneurie d’Andelot en 1702 et fut nommé 
en 1704 président de Chambre au Parlement de 
Besançon. | 

Fut bailli d’Andelot : en 1732, Jean François, de 
Saint-Amour, docteur ès-droits, avocat en Parlement. 

Furent juges châtelains de Coligny-le- Vieil et 


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d’Andelot : en 1577, Guy Vieux, de Saint-Amour ; en 
1581, Pierre Viallet, de Coligny ; en 1671, 1685, Jean . 
Terminal, de Coligny. 

Furent juges châtelains d’'Andelot : en 1746, 1763, 
Jean-Baptiste Geneault, d'Orgelet, notaire ; en 1775, 
1779, Claude-François Renaud. de St- A oue: avocat ; 
en 1789, Jean-Baptiste Magnin, notaire à St-Amour. 
Au xviri siècle, la connaissance de tous les crimes 
considérables était réservée d’une manière exclusive 
aux magistrats royaux, principalement au lieutenant 
criminel de chaque bailliage. Seul l'homicide sans 
circonstances aggravantes n'était pas soustrait à la 
haute justice du seigneur, mais le juge châtelain 
sachant que la sentence qu'il rendrait à ce sujet ne 
serait exécutable qu'après avoir été confirmée par les 
magistrals royaux préférait leur renvoyer tout de suite 
l'inculpé. Ce nouvel état de choses avait amené la 
disparition des signes patibulaires, et ;si, au xvin° 
siècle, une des tours du portail conduisant dans la‘ cour 
du donjon d'Andelot était encore qualifiée de prison, 
elle ne servait que fort peu à cet usage. En effet, pour 
_ éviter au seigneur les frais de garde et de nourriture 
qu’occasionnent les prisonniers, le juge châtelain se 
bornait à infliger des amendes, lesquelles apparte- 
naient au seigneur, ou bien quand l'affaire entraînait 
inévitablement la prison, il la faisait juger par le 
tribunal du bailliage royal. 

Au xvIir° sibdle, la Justice du marquisat d'Andelot 
se composait : 1° d’un juge chäâtelain ordinaire civil et 
“criminel ; 2° d’un procureur d'office dont les fonctions 
étaient inalogues à celles des procureurs du roi dans 
les justices royales : 3° d’un greffier ; 40 d’un sergent- 
maire et garde général (c'est-à-dire garde de police, de 
chasse, etc.) qui logeait au château et avait sous ses 


ordres un sergent et garde demeurant à Andelot, et 


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— 58 — 


, quatre simples gardes demeurant à Nantey, à Epy; à 
 Véria et aux Granges-de-Non. Ces officiers de justice 
étaient institués par le seigneur. 

. Fut procureur d'office de Coligny-le Vieil et d’An- 
delot : en 1577, Jean Godard. 

Furent procureurs d'office d’Andelot : en 1654, 1675, | 
Jean-Baptiste Pommier, de Bourcia, praticien;en 1678, 
Jean-Baptiste Vuillon, de la Balnie: en 1685, Claude 
Robin ; en 1732, Charles-François Delacroix en 1765, 
| Brand : ; en 1775, 1779, Jean-Baptiste Magnin, notaire 
à Saint- Amour ; en 1780, 1793, Claude Paucod, de 
Montagna- _e-Reconduit, praticien. 

Furent greffiers de la justice d'Andelot : en 1682, 
1685, Nicolas Chappor, de Saint-Amour, notaire ; en 
1732, Claude-Antoine Dubois, notaire à Coligny ; en 
1770, Claude Paucod, praticien ; en 1789, Benoit- 
- Amour Paucod. 

Ajoutons que, en 1768, il y avait à Andelot un 
notaire nommé Mathieu. 

Les audiences des causes ou jours de la justice du 
marquisat d’Andelot se tenaient une fois l’an, de préfé- 
rence au mois de décembre, dans l'auditoire public 
qu'on peut encore voir au village d'Andelot. De chaque 
côté de la porte d’entrée se trouve un pilastre muni 
d’un anneau de fer où était attaché le coupable 
condamné à être exposé, un jour de foire, à la risée du 
peuple. 

Au xviu siècle, la justice d’Andelot n'avait guère 
lieu de punir que des paroles injurieuses, des rixes, des 
larcins, des empiètements sur les héritages voisins, des 
embarras de voie publique, des imprudences pouvant 
causer des incendies, des enlèvements de bornes, des 
retards dans le paiement des droits seigneuriaux et des 
délits ruraux ou forestiers. Les habitants de Nantey, de 
. Vessia et d’'Ecuirix étaient assez fréquemment con- 


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damnés à une amende pécuniaire pour avoir défriché 
sans permission une parcelle de «communes » ou trans- 
porté dans leurs champs la terre de celles-ci; pour avoir 
dérobé du bois, de l’herbe ou des glands dans les forêts 
communes ou particulières ; pour avoir mené ou laissé 
paitre leur bétail dans les bois ou dans les champs 
couverts de récoltes ; pour avoir conduit eux-mêmes 
leurs bêtes dans les communes au lieu de les confier au 
pâtre communal; pour avoir anticipé sur les fonds 
d'autrui ou sur le chemin public ; pour avoir .cireulé 
avec une lumière nue dans les granges, écuries et fenils 
ou placé autour des cheminées, sous le toit, de la 
paille et NE fagots. 


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CHAPITRE IV. 


La paroisse et l’église de Nantey. 
Les dîmes.-— Le bénéfice de Nantey. - La fabrique. 
Le domaine de la cure. — La maladière. 


À une date que nous ne pouvons déterminer, 
l’archevêque de .Lyon avait chargé le monastère de 
Gigny de pourvoir d’églises et de prêtres les campagnes 
environnant celui-ci et lui avait cédé à cette fin les 
dimes dues par la population au chef spirituel. Ledit 
monastère fit bâtir à Nantey une église dédiée à 
l’Assomption de la Vierge et un petit « moûtier » où 
.il établit deux de ses religieux. Comme ce village 
existait déjà en 1191 et son église en 1274, il est 
probable que la fondation de la paroisse de Nantey eut 
lieu au commencement du xmme siècle, Mais l’église de 
Nantey fut pendant peu d'années desservie par deux 
religieux, car la diminution du nombre des moines 
obligea bientôt le monastère de Gigny à n’y en 
envoyer qu’un seul, qui, par le fait même de son isole- 
ment, se trouva changé en un prètre séculier. Plutôt 
que de continuer à séculariser ainsi ses membres, le 
monastère préféra confier le ministère pastoral dans les 
paroisses qu'il avait fondées à des clercs séculiers 
formés d’abord par les religieux eux-mêmes. Le prieur 
du monastère de Gigny nommait et révoquait à son 
gré ces clercs séculiers appelés non pas curés, mais 


Go gle 


vicaires ou chapelains, et il les rétribuait comme il 
l’entendait.. Le prieur était le véritable curé et les rede- 
vances ecclésiastiques de la paroisse lui appartenaïent. 
La condition des desservants des paroisses fondées par 
le monastère s’améliora peu à peu : ils reçurent le 
titre de vicaires perpétuels, ils devinrent inamovibles, 
ils obtinrent une rétribution fixe et s'ils durent conti- 
nuer à rendre compte du temporel au monastère, ils ne 
dépendirent plus que de l’archevêque pour le spirituel. 
Bref, le monastère ne conserva dans les paroisses 
monastiques, hormis le titre de curé primitif et quelques 
prérogatives honorifiques, que le droit de présenter à 
l’archevêque le sujet à instituer (patronage), de per- 
cevoir les dimes et de prendre la moitié de toutes les 
oblations, qu'elles fussent volontaires ou rémunératrices 
des diverses fonctions du ministère sacerdotal. En 
_ général, les religieux ne rétribuèrent les desservants 
des paroisses qu’en leur abandonnant ce qu’ils avaient 
droit de prélever sur les récoltes des terres nouvellement 
mises en culture (novales) et sur les herbages, légumes 
et racines produits par les fonds quelconques du terri- 
toire. Mais la population vint au secours des desser- 
vants en leur accordant quelques mesures de blé après 
la moisson. En tant que décimateurs, les moines 
devaient entretenir le chœur de l’église, faire les grosses 
réparations du presbytère et salarier le marguillier ; 
ils s’acquittaient rarement de ces obligations comme il 
convenait. | 

On sait que jusqu’en 1742 la paroisse de Nantey fit 
partie, ainsi que les paroisses voisines, du diocèse de 
- Lyon et de larchiprêtré de Coligny ; qu’à dater de 1742 
ces paroisses furent comprises dans le diocèse de Saint- 
Claude, lequel succéda à l’abbaye de ce nom après sa 
sécularisation, et que ledit évêché fut supprimé en 1802, 
puis rétabli en 1822, mais avec d’autres limites, 


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i 69 —= 


Nous avons dit que le patronage de l’église parois- 
siale de Nantey appartenait au prieur de Gigny. En 
1760, ce prieuré fut sécularisé et ses membres per- 
dirent le droit de patronage qui passa à l’évêque de 
Saint-Claude. Ils perdirent aussi leur part des oblations 
qui, dès lors, appartinrent tout entières au curé de la 
paroisse, muis ils demeurèrent curés primitifs des 
paroisses où le monastère avait nommé jadis. Cette 
qualité de curé primitif ne leur valait que la préséance 
sur les desservants des cures. Entin, en 1788, le roi 
supprima le chapitre noble et séculier de Gigny, sur sa 
propre demande, et il en réunit les biens et revenus aux 
abbayes nobles de Lons-le-Saunier et de Migette. 

_ Jusqu’en 1803, la paroïsse de Nantey ne se composa 
que de ce village, de Vessia et d'Ecuiria. En cette 
année-là, Florentia fut détaché de la grande paroisse 
d’'Epy pour être uni à celle de Nantey, mais cette union, 
qui déplut aux habitants de Florentia, ne s’accomplit 
qu’en 1806. | 

En 1613, Me' de Marquemont, archevêque de Lyon, 
visita l'Eglise de Nantey qu'il trouva en médiocre état, 
puisque le crépi du sanctuaire tombait et que le mur 
méridional de la nef était fendu près de l'entrée. Le 
grand autel n’était garni que d’une petite croix et de 
deux chandeliers de laiton. À gauche de cet autel 
avait été élevé un tabernacle de pierre fermant à 
clef, dans lequel il y avait un grand ciboire de métat 
argenté, un petit ciboire de métal doré, deux calices 
d’argent dont l’un était brisé, deux patènes du même 
métal et des ampoules d’étain contenant les saintes 
huiles. Il ne semble pas qu'il y eut alors un transept, 
mais on voyait à gauche un autel dédié à saint Claude. 
La nef était dépourvue de crucifix et les vêtements 
sacerdotaux ne consistaient qu'en deux chasubles et 
deux aubes. | 


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2 63 


En 1637, les soldats français du duc de Longueville 
saccagèrent et incendièrent le village de Nantey: toute 
la cn s'enfuit ou succomba. Toutefois, ils ne 
mirent pas le feu à l’église, se contentant d’en emporter 
la cloche et les autres objets précieux. Dix ans plus 
tard, quelques-uns des survivants revinrent et com- 
mencèrent à relever leurs maisons et à nettoyer leur 
église que l'archevêque Camille de Neuville trouva assez 
propre, lors de sa visite de 1655. A cette date, l'autel 
supportait un tabernacle de bois peint où sé trouvaient 
un ciboire et un calice d’étain, un soleil et une boîte 
d’airain émaillée dans laquelle le viatique était porté aux 
malades. Les habitants n'avaient pas encore pu se pro- 
curer une nouvelle cloche. On sait que, en 1666, 
ils vendirent une partie de leurs bois communs pour 
réparer leur église et la pourvoir du nécessaire. 

En 1700, c’est-à-dire vingt-deux ans après l’annexion 
de la Franche-Comté à la France, l’archevêque Claude 
de Saint-Georges vint à Nantey. L'église lui parut en 
assez bon état. Le calice, le ciboire et l’ostensoir étaient 
d'argent, mais l’autel manquait de pierre consacrée et 
son devant n'était formé que d'une toile peinte ; les 
fonts baptismaux étaient dépourvus de piscine et le: 
curé n'avait ni surplis, ni chasuble verte, ni chasuble 
violette. À cette date, on vost dans la nef un autel 
dédié à sainte Foy. . 

En 1760, Ms' Méallet de Fargues, évêque de Saint- 
Claude, trouva l'église de Nantey garnie du nécessaire, 
excepté qu'elle manquait de chaire à prêcher et de ban- 
nière. Il y existait alors une chapelle de la Sainte-. 
Vierge du côté de l'Evangile et une chapelle de sainte 
Foy du côté de l’Epitre, mais si chacun de ces autels 
latéraux portait une pierre consacrée et une statue, ils 
étaient disjoints et vermoulus, sans crucifix ni chan- 
deliers. 


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= Oh 


En 1767, le chœur avait besoin d'être reblanchi et le 
mur méridional de l’église d’être crépi de nouveau. Le 
confessionnal et la table de communion étaient délabrés ; 
les cadettes de la nef et celles qui se trouvaient sous 
l'avant-toit de la porte d’entrée étaient brisées ou iré- 
gales, | 
En 1769-70, les communautés de Nantey et d'Ecuiria 
dépensèrent 475 livres pour empêcher la chüûüte du 
clocher. 

_ En 1778, les ogives du chœur menaçaient ruine et 
une crevasse se montrait à la voûte du frontispice. Tout. 
était en mauvais état : charpente, toit, autels, table de 
communion, stalles, bancs, statues, etc. Aussi, de 1780 
à 1783, Nantey et Ecuiria consacrèrent-ils une somme 
de 4 300 livres à la restauration de l’église, du clocher, 
du presbytère et du mur du cimetière. 

Depuis 1783, l’église de Nantey n’a subi aucun chan- 
gement important. Les pilastres qui supportent ses 
voûtes lui donnent une certaine élégance. Elle renferme 
un ancien retable sculpté figurant l’Assomption de la 
Vierge (peut-être d’après le Guide), deux anges de bois 
imités du Titien, une naïve statue de la Vierge tenant 
l'enfant Jésus couché sur son bras droit, enfin trois 
peintures dont l'une « le Rosaire » n'est pas sans 
valeur. Le maître-autel et le tabernacle, composés de 
marbres de plusieurs couleurs, ont été faits en 1827 à 
Saint-Amour et ont coûté 800 francs aux paroissiens. 
Les autels des chapelles de la Vierge et de sainte Foy 
sont de marbre blanc et ont été donnés l’un par Fran. 
coise Janin en 1857 et l’autre par Bruno Morel en 1874. 
La cloche qui pèse 996 livres a été bénite en 1810 par 
le curé J.-E. Blanc et appelée Marie-Joséphine. Elle a 
en pour parrain J.-J, Blanc, frère du curé, et pour mar- 
raine Marie, femme de Denis Cousança, de Florentia. 

Dès avant 1760, il exista dans la paroisse de Nantey 


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— 65 — 


une confrérie du Saint-Sacrement et une du Rosaire, 
Une association en l'honneur de sainte Foy, que l’on 
invoque pour la conservation du bétail, y existe aussi 
depuis longtemps. 

On entre dans le presbytère par un | petit cloître qui 
prouve que la maison a été bâtie pour des religieux. 
Dans la cuisine, qui n’a guère changé depuis sept 
siècles, on remarque au fond de la vaste cheminée une 
belle Fidie de fer où sont représentées, sous une cou- 
ronue de marquis et la date de 1708, les armoiries 
accolées des Mignot et des Jouffroy. 

Voici la liste incomplète des curés de de du 
XIIIe au xx° sièele. 

En 1274, Pierre , chapelain (les noms de famille n° exis- | 
taient pas encore). — En 1559, Jean Payn, curé. — 
En 1613, 1636, Claude Colombet, qui, demeurant à 
Saïint-Amour où il était convicaire et sociétaire, avait 
affermé sa cure de Nantey à Claude Féal, prêtre, à con- 
dition qu'il résiderait dans ce lieu, lui payerait 30 livres 
par an et s’acquitterait de toutes les charges incom- 
bant au curé d’une paroisse. — De 1651 à 1679,Nugoz.— 
De 1679 à 1683, par intérim, messire de Moyron d’Ar- 
buens (de Cuiseaux), curé d’Andelot. — De 1683 à 1732, 
Jean-Baptiste Bouquerod, de Gigny. — De 1733 à 
1746, Jean-François Bouquerod, né en 1698, qui fut 
enterré dans le chœur de l’église. — De 1746 à 1774, 
Irénée Darlay né en 1717 à St-Julien dont il était bour. 
geois, et inhumé à côté de son prédécesseur. — De 
1774 à 1819, Jean-Emmanuel Blanc, né en 1735 à 
St-Claude. Bien qu'il fût bon citoyen et fort aimé de la 
population dont il était non-seulement le sage consciller, 
mais encoré le médecin dévoué,il dut se retirer dans son 
pays vers la fin de février 1794,en compagnie de son frère 
Jean-Joseph (ancien secrétaire de Me' Méailet de Fur- 
gues) qui, vers 1785, s était é établi auprès de lui à cause 


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Go gle 


_— 68 — 


de la faiblesse de sa santé, laquelle ne l’empêcha cepen- 
dant pas de rendre de grands services aux paroissiens, 

notamment en instruisant leurs enfants. Au mois de juin 

1798, Gaspard-Guy Perrin, apparemment originaire de 

Gigny, fut nommé curé constitutionnel de Nantey, mais 
nous ne croyons pas qu'il entra en fonction. En juillet 

1803, Jean-Emmanuel et son frère Jean-Joseph revin- 

rent dans cette paroïsse. Le premier y mourut en 1819 

et le second lui succéda comme curé. Cet homme doux 

et irréprochable y décéda en 1823, à l’age de 84 ans.— 

Après lui furent nommés curés de Nantey : Lançon en 
1824 ; Grandchavin en 1828 ; Outhier en 1838 ; Roussel 

en 1854 ; Thévenet en 1864 ; Châtillon en 1890 ; Mayet 

en 4898 ; Roux en 1902 ; Cathenoz en 1903 ; Lauby 

en 1924. on | | 

Nous parlerons plus loin du domaine de la cure de 
Nantey que le titulaire faisait cultiver, au xvirr° siècle, 
par deux domestiques. 

Tant que la Franche-Comté fut espagnole, le curé 
de Nantey n'eut guère pour vivre que le tiers de 
la grosse dime, le produit du domaine de la cure, un 
prélèvement sur les fruits des terres novales et les pres- 
tations appelées prémices de moisson et gerbe de Pas- 
sion. Dans cette paroisse, les prémices de moisson se 
composaicent d’une mesure de froment et d’une mesure 
d'avoine données, vers la Saint-Martin, par tout chef de 
ménage ayant charrue à Dieu représenté par le curé. Le 
droit de Passion consistait en une gerbe de froment 
offerte au curé par chaque famille pour le rémunérer du 
soin qu'il prenait de réciter, depuis la fête de l’Inven- 
tion de la sainte Croix jusqu’à la fête de l’Exaltation 
de celle-ci, la Passion de Notre-Seigneur chaque 
dimanche avant la messe, pour la prospérité de ses 
paroissiens. | 


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bre 

Les Dimes. — Quand la Franche-Comté eut été 
annexée à la France, la situation des curés de campagne 
de cette province s'améliora, car la portion congrue de 
leurs collègues français avait été fixée par l’édit royal 
. de 1629 à "300 livres par an, et l’édit de 1686 décida 
que, dorénavant, les grosses dimes (dimes des céréales 
et du vin) seraient grevées de la portion congrue, quand 
même elles seraient en des mains laïques et possédées 
en fief. La déclaration de 1690 permit au gros décima- 
teur de s’exonérer de fournir la portion congrue au curé 
en lui abandonnant toute la dîime dont il jouissait. A 
Nantey-Vessia-Ecuiria, le curé n'avait que le tiers de la 
grosse dime ; les deux autres tiers étaient tenus en fief 
du seigneur d’Andelot par le seigneur de Laubespin, le 
‘prieuré de Gigny et celui de Villemotier. Peu de temps: 
après 1686, ces trois derniers décimateurs relâchèrent 
leur part au premier pour sa portion congrue. Toute- 
fois, le seigneur de Laubespin conserva un neuvième de 
la dîime en question, en s’engageant à payer au curé une 
rente annuelle de 20 livres. | 

Devenu seul gros décimateur, le curé de Nantey fut 
naturellément be d'entretenir le chœur de l’église, 
L’ordonnance de 1695 mit les grosses réparations du 
presbytère à la charge de la communauté et les petites 
à celle du curé qui devait, en outre, entretenir le sanc- 
tuaire. 

La dîime se divisait en ancienne et en novale. L' an- 
cienne se percevait sur les héritages qui,’ de toute 
ancienneté, avaient été cultivés. La novale se levait sur 
les essarts ou feuillées, c’est-à-dire sur les parcelles de 
pâturages ou de bois communs récemment mises en 
culture. La terre qualifiée une fois de novale le restait à 
perpétuité ; elle ne devait jamais que la dime de ce nom. 

La dîime se divisait aussi en grosse et en menuc. Au 
Comté de Bourgogne, on enterdait par grosse dime 


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celle du froment, du seigle, de l'orge d'hiver, de l’avoine 
et du vin. Elle était chargée de la réparation et 
de l’entretien du chœur de l’église. Quant à la menue 
dime, c'était celle des herbages, des légumes, des 
racines, du blé de Turquie et du chanvre. En Franche- 
Comté, la dime novale et la menue dime appartenaient 
exclusivement au curé de la paroisse. 

Dans cette province, le paysan enlevait sa moisson 
en laissant la dîime sur le champ où le décimateur ou son 
fermier venait la prendre. Certains décimateurs amo- 
diaient la dime à un particulier moyennant une rede- 
vance annuelle déterminée. D’autres préféraient char- 
ger quelque habitant de la percevoir à leur place, en lui 
en abandonnant une partie pour prix de sa peine. En 
1789, l'amodiation de la dime se faisait, dans notre 
région, à raison de 2 livres 8 sols par mesure de fro- 
ment ct de 16 sols par mesure d'avoine. Dans la 
seigneurie d’Andelot, la dime se percevait à la dou- 
zième gerbe des blés qui se lient et à la quatorzième 
mesure de ceux qui ne se lient pas. En d’autres ter- 
mes, 1l était prélevé une gerbe sur 12 et une mesure 
sur 14. | | 

Les dimes anciennes de la paroisse de Nantey appar 
tinrent d'abord au prieuré de Gigny. À une époque que 
nous ne pouvons pas indiquer exactement, mais qui est 
certainement très reculée, il en abandonna Île tiers au 
curé de ladite paroisse et il aliéna les deux autres tiers 
au seigneur d’Andelot qui les bailla à foi et hommage. 
En 1573, une partie de la dime de Nantey était tenue 
en fief par le prieuré de Coligny. En 1584, une partie de 
la même dime, appelée Dananche, était tenue en fief 
par Claude, seigneur de Laubespin ; une autre partie, 
avec une partie de la dîime d’Ecuiria, était tenue 
en fief par le prieuré de Gigny. En 1613, les dîimes 
inféodées de Nantey-Vessia-Ecuiria appartenaient au 


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— 69 — 


Fe à . 
prieur de Villemotier, au monastère de Gigny et au 
baron de Laubespin. 


‘Le Bénéfice de Nantey. — En 1655, le bénéfice de 
Nantey ne rapportait guère que 100 livres par an; car, 
par suite de la guerre de 1636-1644, il n’y avait alors 
que dix feux à Nantey-Vessia-Ecuiria et une grande 
partie des champs étaicntincultes. Aussi le curé Nugoz 
n’aurait-il pu vivre s’il n'avait reçu la permission de 
célébrer chaque dimanche la messe dans la chapelle du 
- château de Laubespin. 

Suivant un état dressé en 1759, la din de Nantey- 
Vessia produisait par an environ 500 livres ct celle 
d'Ecuiria environ 200. L'une et l’autre jointes aux 
novales et aux prestations par feu rapportaient, d'après 
un état de 1789, de 1.200 à 1.400 livres. En 1790, le 
produit de la grosse dime, de la novale, des prémices 
de moisson, des gerbes de Passion et du domaine de la 
cure fut de 550 mesures de froment valant environ 1.600 
livres, mais il faut déduire de ce prix les frais assez con- 
_Sidérables qu’occasionnaient l’exploitation dudit domaine 
et la perception des redevances. Bref, en 1790, le curé 
de Nantey estimait que son bénéfice lui rapportait,tous 
_frais payés, 1.800 livres par an, somme que les impo- 
sitions royales abaissaient à 1.675. Notez que les com- 
munautés de la paroisse n'étaient pas obligécs d'accor- 
der un affouage au curé. Quand au AL il allait à 
peu de chose. En 1759, les droits d'enterrement et de. 
drap mortuaire étaient de 7 livres dont une partie reve- 
nait à la Fabrique. A la même date, une messe basse 
se payait 15 sols (en 1668, 10 sols comtois). 

I était dù 5 sols pour chaque publication de bans 
matrimoniaux, 10 sols pour les fiançailles, une, deux 
ou trois livres pour un mariage, selon la fortune des 
époux. Les familles donnaient quelque argent au curé 


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— 70 — - « - 


à l'occasion des baptêmes et des relevailles, aussi pour 
la bénédiction d’une maison, d’un lit nuptial, des champs, 
des croix, des fontaines, pourla confection de l’eau 
bénite dans la maison d’une femme délivrée, etc. 
L'entretien de la nef de l’église, du clocher, des 
cloches et de la clôture du cimetière regarda toujours 
les paroissiens, L’ordonnance de 1695 mit aussi à leur 
charge les grosses réparations du presbytère qui, aupa” 
ravant, concernaient le gros décimateur. | 


La Fabrique. — On lit dans les procès-verbaux des 
visites pastorales : « 1613. Les échevins de la paroisse 
_de Nantey sont luminiers, et il y a quelque revenu qui 
s’acense 11 ou 12 livres de cire et 5 ou 6 livres en 
argent. » — « 1655. À Nantey le luminaire n’a de revenu 
certain que quelques noyers qui peuvent rendre une 
vingtaine de pots d’huile (1) ; le reste est des présents 
de la paroisse. » — « 1760, Il n’y a point de fabrique à 
Nantey. ». En somme, l’église de Nantey avait si peu 
de revenus qu'il aurait été oiseux d’élire chaque année 
un fabricien ou marguillier pour les administrer. 
C’étaient donc les échevins de Nantey et d’Ecuiria qui 
les dépensaient pour les besoins du culte et, comme ces 
revenus étaient insuffisants, les paroïssiens les complé- 
taient de leur bourse, volontairement ou non. 

La dépense la plus considérable était causée par le 
luminaire pour lequel les échevins faisaient prix, chaque 
année, avec un marchand et la somme était répartie 
sur les paroissiens. En 1786, un marchand de Saint- 
Amour fournit 36 pots d’huile de navette et 14 livres de 
cierges, moyennant 87 livres 4 sols. Nous n'avons aucun 
renseignement sur les noyers appartenant à l'église de 
Nantey au xvii° siècle. Quant à ses biens fonds, nous 


(1) Le pot d'huile pesait 3 livres, 


Co gle 


le. 
savons seulement que, depuis un temps immémorial, 
elle possédait à Cessia, dans le lieu dit « au Molard », 
une vigne d'environ 27 ares, laquelle était acensée à 
perpétuité moyennant la prestation annuelle de 5 livres 
de cire et de 3 gros. A cette petite rente s’ajoutaient 
._ quelques francs produits par la concession de tombeaux 
dans l’intérieur de l'église, par des quêtes faites pour 
l'entretien de celle-ci, par cértaines amendes infligées à 
son profit par la justice d’Andelot, etc. Remarquez que 
les habitants ne payaient aucune rétribution pour se 
servir des bancs et chaises de l’église ; ils ne furent 
loués qu'après 1821. — La vigne dont nous venons de 
parler était tenue en 1789 par un sieur Dumollard, de 
Saint-Amour (probablement Joseph-Marie Dumollard, 
docteur ès droits, avocat au Parlement). Ses héritiers 
refusèrent en 1811 de payer la rente accoutumée et la 
fabrique de Nantey demanda en 1813 l’autorisation de 
: les poursuivre. D’après le contrat d’acensement, l'im- 
meuble devait lui revenir dans le cas où le tenancier 
cesserait pendant trois ans de s'acquitter du cens con- 
venu, mais nous ignorons quelle fut l’issue de cette 
| affaire e. 


Le Domaine de la Cure. — Au xvir° siècle, le 
domaine de la cure de Nantey se composait, outre 
le jardin, le verger et la cour du presbytère, de neuf 
champs ayant ensemble une superficie de 2 hectares et 
de quatre parcelles de pré dont l'étendue était de plus 
d’un journal. Tous ces champs (sauf le champ derrière 
l'église) et tous ces prés avaient été légués par des 
paroissiens à la charge annuelle d'un certain nombre 
de messes pour le repos de leur âme. En 1700, le 
nombre des messes fondées était de sept. Le champ 
situé derrière l’église avait près de 55 ares; il touchait 
à l’ouest le cimetière et un sentier, au sud le chemin de 


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_— 72 — 


. Nantey à Florentia. Cette pièce de terre était d’ancienne 
_ dotation ; elle avait fait partie de la place fournie dans 
_ l’origine par le prieuré de Gigny pour l'établissement 


de l’église, du « moûtier » et de leurs dépendances. En 


‘ 1791, les terres et prés de la cure de Nantey furent 
_ vendus nationalement moyennant ‘la somme de 4.035 
_ francs, Le jardin, le verger, la grange, l’étable et 
poulailler furent int vendus dans Le suite, mais 
les adjudications furent annulées pour défaut de paye- 
ment, de sorte que les bâtiments et terrains en question 


_ dépendent encore du presbytère. Celui-ci servit de mat 


son commune pendant la Révolution. - 

La Maladière. — La maladière ou léproserie de 
Nantey fut fondée au xn° siècle ou au x soit par 
le prieuré de Gigny, soit par la maison de Coligny. Elle 
- ne se composait que de quelques huttes et baraques 
construites à une bonne distance du village et du ruie- 
seau, plus loin que la Renardière, du côté d’Epy. 
Un sentier partant du grand chemin permettait d’ar- 
river à cet établissement qui existait encore en 1318, 
avec d’autres maladreries de l’archiprêtré de Coligny. 
Il semble que.la lèpre disparut tout à fait de notre 
région avant le xvi° siècle. 


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CHAPITRE V. 


Lu 


Les Moulins de Nantey.— Le domaine de Vessia. 
Le fort de Nantey et la grange des Augustins. 
La grange des Visitandines. 

La grange Bouquerod. 

Les fonds des Chartreux de Montmerle. 
Ecuiria et la grange Desglans. 


Dès avant l’an 1500, il y avait à Nantey un moulin à 
une roue situé non loin de la source de la Doye, au 
bord d’un étang artificiel Dans la suité, un autre mou- 
lin et battoir à une roue fut construit en bas du Grand- 
Pré, joignant le chemin de Nantey à Epy et sur l’em- 
bouchoir où se perd le ruisseau. 

Il semble que, primitivement, la Doye Per vers le 
midi et que ce fut le constructeur de ce nouveau moulin 
qui lé dirigea à l'ouest, vers l’entonnorr. Le premier de 
ces moulins était appelé Moulin-Vieux ou d'En-Haut ; 
le second, Moulin-Neuf ou d’En-Bas. Entre eux deux 
fut établie une chaussée circulaire afin de retenir les 
eaux utiles au vieux moulin, et cette chaussée se pro- 
longeait sur’la rive gauche de la Doye jusque vers le 
réservoir du moulin neuf, afin qu’elles ne se répandissent 
pas dans la prairie du côté du midi. L'un et l’autre 
. furent ruinés en 1637 par les Français. Vers 1650, le 
. Moulin-Vieux fut remis à peu près en état et, en 1700, 
il était possédé par un habitant qui l'avait reconnu 
chargé à perpétuité envers le seigneur d’Andelot du 


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74 — 


cens annuel d’une mesure !/, de froment. A partir de 
1718, nous voyons le même habitant posséder égale- 
ment l'emplacement du Moulin-Neuf, ainsi que divers 
fonds en dépendant, et payer au seigneur le cens annuel 
de 6 mesures de froment et.de dd. chapons. 

Tous ces biens se vendirent par décret en 1723 et le 
seigneur d'Andelot, usant de son droit de retenue, se 
rendit propriétaire du moulin rétabli, de l'emplacement 
du moulin ruiné et des héritages voisins. I céda aussitôt 
le tout à un habitant avec le cours du ruisseau et le 
biez, erreux ou réservoir, à condition qu'il lui rembour. 
serait le prix d'achat, qu'il reconstruirait ie moulin d’'En- 
Bas et son battoir, qu’il reconnaîtrait lesdits biens char- 
gés à perpétuité du cens annuel de 6 mesures de 
froment et de 2 chapons gras, enfin qu'il lui moudrait 
gratuitement chaque année 50 mesures de blé pour son 
propre usage. Le nouveau meunier paya à M. d’An- 
delot 200 livres pour lods et droit d’entragé, et celui-ci 
le dispensa, lui et ses successeurs, de 4 corvées de 
char ou de charrue moyennant la redevance perpétuelle 
d’une mesure de froment par an. En 1734, le scigneur 
consentit à échanger son droit de mouture franche 
contre un cens perpétuel de 2 mesures de froment par 
an. Ce Moulin-Neuf ne fut reconstruit qu'en 1759 par 
Jean-Claude-Jacquemin Ponard, maître gisseur rési- 
dant à Lons-le-Saunier. Deux roues furent placées l’une 
au-dessus de l’autre dans l'entonnoir, la supérieure fai- 
sant marcher le moulin et l’inférieure le battoir. En 
1774, il fut spécifié que le seigneur aurait le droit 
de faire placer ou plutôt Le. dans l’un et l'autre 
des étangs desdits moulins des réservoirs en planches 
fermant à clef, pour y tenir du poisson. En 1779, 
on estimait que les deux moulins de Nantey rap- 
portaient au meunier 90 livres par an, somme dont 
il fallait déduire le tiers pour l'entretien des engins et 


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le eurage de l’'embouchoir profond d'environ 40 picds. 
Le meunier logeait alors au Moulin-Neuf, Ses héritages 
ne se composaient que de deux petits prés, d'un coin 
de taillis, d’un bout de jardin et d’une petite chenevière 
près du Moulin-Vieux, de deux autres parcelles de pré 
à côté du Moulin-Neuf, et de sept champs situés ça et 
là, en somme d’une trentaine d’ares de prés et d'un 
hectare de terres labourables. Dans. la seconde moitié 
du xvurr° siècle, le premier de ces moulins contenait un 
pressoir à huile et le second un battoir à chanvre: 
Quant au blé, on le battait dans les granges avec 
le fléau. | | 


Le domaine de Vessia. — Vessia ne forma jamais 
une communauté d'habitants et fit toujours partie de 
celle de Nantey. | | 


En 1628, le sieur Anathoile Vuillemoz, docteur ès 
droits, lieutenant général au bailliage d'Orgelet ct 
époux de demoiselle Claudine Mareschal, acquit par 
échange les biens qu’un sieur Benoît Verdat, de Flo- 
rentia, possédait notamment dans ce village, à Vessia 
et à Nantey. Anathoile Vuillemoz fut, en 1654, parrain 
du fils de son granger de Vessia. Il mourut en 1657 et, 
l’année suivante, ses biens-fonds de Florentia, de Vessia 
et de Nantey furent achetés par Jean-Baptiste Pom- 
mier, de Bourcia, bourgeois et praticien, que nous 
voyons en 1654 et 1675 procureur d'office de la justice 
d'Andelot. Les héritages en question étaient en partie 
dans la directe du seigneur d’Andelot, en partie dans 
celle du seigneur de Saint-Julien, en. partie dans celle 
du seigneur de la chevance de Beyne au Val d'Epy. 
J.-B. Pommier mourut en 1688 et ses biens de Vessia- 
Nantey furent acquis par Claude-François Pellisson- 
nier, bourgeois de Lons-le Saunier, mais originaire de 
Bourcia où il avait épousé Jeanne, fille dudit Pommier. 


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— 0 — 


En 1688, la superficie de ce domaine de Vessia (plus 
étendu que l’ancien meix de Vessia dont nous avons 
parlé précédemment) était d'environ 70 hectares. Il 
Se Ccomposait de 8 corps de logis, de 58 hectares 
de terres labourables, d’un bois de 41 hectares dit au 
Fournet (plus tard la pie Ruffier, le bois du Marquis), 
d'une vigne de 53 ares et, près de la Doye et du vieux 
moulin de Nantey, de 6 charrées de foin. La vigne se 
trouvait, avec un verger d’un journal, à l’ouest des 
bâtiments, ct les principales pièces de terre avoisi- 
naient ceux ci. Elles étaient dénommées : En la grande 
Fin du champ de la Croix (18 hectares) ; en la Fin de 
la Fontaine (9h. et2h. !/,); à la grande Combe aux 
Roux {7 h.) ; à la combe Barille (3 h. !},); en la œrande 
Combe vers les Aveiniers (3 h. 1, ); vers la grange de 
Vessia (2h. }) ; à la petite Combe aux Roux (2 h. ‘,); 
aux Teppes (2h.); au champ du Four(2h}; sur la 
Rochette {1 h.) ; à la fontaine du Bois (L h); et en la 
côte de la combe du Derche (1 h.). Tous ces immeubles 
étaient dans la censive du seigneur de Saint-Julien, 
excepté le bois du Fournet, la grande Combe aux Roux 
et une charrée de foin qui étaient dans la censive du 
seigueur d'Andelot ; excepté aussi une demi charrée de 
foin qui était dans la censive du seigneur de la che- 
vance de Beyÿne ; excepté enfin la vigne et la grande 
Fin du champ de la Croix qui étaient partie dans 
la censive du seigneur d’Andelot, partie dans celle 
dudit seigneur de Beyne. C1.-F. Pellissonnier possédait, 
en outre, 34 chorrées de foin sur Bourcia. | 

En 1689, il quitta ce lieu et vint s'établir à Vessia 
avec sa femme Jeanne et ses cinq enfants : Laurence, 
Jeanne-Claudine, Antoine-François (1). Reine-Pierrette 


(1) Sa marraine fut Jeanne-Marie-Françoise, fille de Fran- 
çois de Branges, seigneur de Bourcia, la Boissière et Civria, 
laquelle épousa en 1703 Nicolas Muyard, de Moirans, lieutenant 
particulier au siège d'Orgelet. | 


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et Michel, dans un petit manoir aujourd’hui délabré et 
inhabité, mais que des sculptures aux portes et aux 
fenêtres font reconnaître aisément. Cette maison; cons- 
truite sans doute par J.-B. Pommier, se composait 
principalement de quatre chambres hautes sur une 

vaste cave voûtée. Là naquit, en 1690, Marie-Françoise 
Pellissonnier. Son parrain fut messire Vigier, curé 
d'Andelot, et sa marraine dame Marie - Françoise 
de Montcroissant. sœur ou belle-sœur de Jean-François 
de Montcroissant, curé de Gigny. et Véria de 1672 
à 1717, qui, ainsi que son frère Ferdinand, était 
fils illégitime de Claude-Gabriel de Mouchet de Batte- 
fort de Laubespin. 

En 1702, -Reine Pierrette Ples se maria avec 
Pierre Mercier, de Soussonne, marchand à Cuiseaux. 
que nous trouvons en 1716 sergent royal à Montpont. 
La bénédiction nuptial: leur fut donnée en l'église 
de Nantey par messire de Sayne, custode et chanoïne 
de l’église de Cuiseaux, en présence de leurs parents, 
de HOble Ferdinand Marie de Nance, religieux en 
l’abbaye de Gigny, de maitre Crestin, doceur en 
médecine, et de Claude Bonnard, notaire royal à Coli- 
gny, époux de Laurence Pommier. La dot de Reïne- 
Pierrette fut de 1500 livres. 

_ Michel Pellissonnier. se fit recevoir bourgeois de 
Lons, mais il résida surtout à Bourcia où il épousa en 
1704 Françoise Rosset, de Saint-Amour, et où naqui- 
rent ses fils : Adrien en 1705 et Joseph-Bonaventure en 
1710. Adrien eut pour parrain Charles de Grammont, 
abbé de Saint-Vincent de Besançon, et pour marraine 
Adrienne-Thérèse de Binans, dame de Chambéria et de 
la chevance de Beyne au Val d’Epy, veuve de Jean- 
François de Joux de Grammont, baron de Chätillon- 
Guyotte. — Joseph-Bonaventure fut filleul de Bona- 
venture Courvoisier, de Poligny, habitant à Domblans, 


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_— 78 — 
La plus jeune sœur de Michel Pellissonnier, nommée 
Marie- Françoise, s'allia en 1711 avec Claude-Joseph 
Courvoisier, et il est probable que les nouveaux époux 
résidèrent à Vessia, puisque deux de leurs enfants y 
naquirent: Marie-Laurence en 1712 et Claudine en 
1713. 

Michel Pellissonnier est qualifié d'écuyer en 1705. Il 
était en 1717 avocat en Parlement demeurant à Allonal. 
Lui et son père appartenaient certainement à l’une des 
branches de la famille Pellissonnier, d’Arlay, anoblie 
en 1528 par Charles-Quint (Armes : d’or à la bande 
d'azur vivrée de trois plis, chargée de trois croissants 
d'argent en-orle). Claude-François Pellissonnier mou- 
rut, ce semble, en 1716 ; car son domaine de Vessia- 
Nantey fut mis en vente en 1717 et acheté moyennant 
5000 livres par Joseph Ruffier, bourgeois et marchand 
à Saint-Amour. Mais le seigneur d’Andelot exerça son 
droit de retenue sur les fonds se’trouvant dans sa 
directe, et, en 1732, Joseph Rulfier échangea les héri- 
tages qui lui étaient restés contre une métairie que 
ledit seigneur possédait à Orgent près de Coligny. 

Le registre d’arpentage de 1779 nous apprend que, 
en cette année-là, le domaine de M' d’Andelot sur 
Vessia-Nantey se composait de 41 hectares de terres 
labourables, de 3 hectares de prés et de 11 hecta- 
res !}, de bois. Il nous apprend aussi que la vigne de 
Vessia avait été convertié en verger, qu'il y avait un 
jardin d'une mesure au nord des huit corps de logis, 
que les 3 hectares de pré étaient formés de 9 parcelles 
sises à Nantey, enfin que les 6 principaux champs 
avaient une étendue de 11 hectares !/,, 10 h.,3h., 3h., 
2h.1/, et 2 h. !/,. Aïnsi, les 6 charrées de foin possé- 
dées jadis par C1-F. Pellissonnier étaient devenues 
3 hectares, mais la surface labourable avait diminué 
de 17 hectares, soit que M. d’Andelot eût vendu cer- 


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2069 = 
tains champs, soit qu’il les eût joints à sa grange de 
Florentia. En outre, comme on le remarque aisément, 
le nombre des grands champs s'était fort amoindri, 
ainsi que l'étendue des principaux d'entre eux. Mais les 
contenances indiquées en 1688 n'étaient peut-être 
qu'approximatives. _ 

Le domaine du marquis d’Andelot à Vessia-Nantey 
était cultivé à moitié fruits par un ou deux grangers. 
En 1775, un cheptel estimé à 1126 livres y était atta- 
ché. Vers 1745, Gaspard Guyénard fonda à la lisière 
du‘bois, près de la Grande Combe aux Roux, en un lieu 
appelé aujourd'hui la Caronnière de Vessia, une tuilerie 
qu'il fit exploiter par une famille de Fribourg en 
Suisse. Cette usine où l’on fabriquait de bonnes tuiles 
creuses de couleur jaune, dont le cent se vendait de 46 
à 60 sols, fonctionnait encore en 1791. Elle fut sans 
doute abandonnée l’année suivante. En 1794, la Répu- 
blique mit en vente le domaine de Vessia qui fut adjugé 
à quatre habitants de Nantey au prix de 53.100 francs. 


L'ancien fort de Nantey et la grange des Augustins. 
— On voit près de l’église de Nantey une grosse mai- 
son carrée d'environ 15 mètres de côté, dont le mur 
méridional et l'angle sud-ouest ont à peu près un mètre 
d'épaisseur. Ce mur et cet angle sont tout ce quil 
reste d'une forteresse féodale sur laquelle on ne sait 
pour ainsi dire rien. La charte n° 262 du Cartulaire de 
Bourgogne, publié par l'Académie de Besançon, porte 
que, en 1279, un notaire public du pape enregistra et 
signa Certains actes « apud Santelas, in fortalicio dicti 
loci ». Nous croyons qu’il faut lire « apud Nantelas ». 
Quoi qu'il en soit, la maison forte de Nantey fut vrai- 
semblablement ruinée en 1479, en même temps que les 
défenses du château d’Andelot, par les troupes de 
Charles d’Amboise, général de Louis XI, roi de France. 


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Elle ne fut point relevée, mais son souvenir subsistait 
plus de vingt ans après, puisqu'on lit sur un des feuil- 
lets qui nous restent dû terrier d’Andelot de 1500 
qu'une D de terre est assise « dessus le fort de 
Nantel. 

Ce bort ou chatelet était, avec sor cle noble, la 
partie principale d’un fief dont les parties secondaires se 
composaient des redevances dues par les tenanciers de 
champs et de prés roturiers situés çà et là. L’enclos est. 
encore reconnaissable. Il consistait en un pré d'environ 
55 ares s'étendant à l’est et au midi de la maison, pré 
bordé de tous côtés par des chemins, mais échancré par 
le presbytère, son verger et son jardin. Au couchant 
de la maison forte se trouvait un jardin assez vaste 


séparé de celle-ci par la voie publique. 


La maison forte dont il s’agit avait peut-être été 
construite (cela avant 1191) par un prévôt des moines 


_ de Gigny, seigneurs de Nantey, pour se mettre à l'abri 


d’un coup dè main, et 1l semble que cette maison, 
l’église et le Dresbytere furent bâtis à la même époque 
sur un seul et même terrain. 

Aïnsi, il y eut au Moyen-Age un fort et un fief d 
Nantel, ct c’est parce qu'il avait existé un fief de ce 
nom que, au xvin° siècle, Gaspard Guyénard s'appela 
du vivant de son père Joachim, seigneur d’Andelot, 
c’est-à-dire jusqu’en ee Gaspard Guyénard de 
Nantel. | 

Nous ignorons comment le fief en question disparut, 
en d’autres termes comment la maison et son enclos 
nobles devinrent des biens roturiers. Nous ignorons 
donc par suite de quelles circonstances cette maison 
noble se transforma en grange. 

En 1438, Claude de Laubespin, seigneur de Saint- 
Amour, avait fondé dans cette ville un monastère de 
Grands-Augustins et nous voyons ce monastère pos- 


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. Béder dès avant 1684 la grange de Nantey et tenir en 


fief le sixième de la dime d’Andelot. Ce sixième de dime 
leur avait été donné par un sieur de la Charme et, en 
1657, Joachim de Coligny, marquis de Coligny-le- 
Vieil et d’Andelot, leur avait permis de le posséder. En 
1750, cette portion de dîime était amodiée pour 33 me- 
sures de froment, 12 mesures d'avoine, 10 mesures de 
vesces. et 10 poulets. Elle rapportait donc environ 
120 francs. a? - . 
Quant à la grange de Nantey, il est probable qu’elle 
leur avait été donnée par la même personne que nous 
croyons être Claude de la Charme, mentionné comme 
religieux à Gigny en 1612 et en 1623. Il vivait sans. 
doute encore en 1651 puisque, à cette date, certains 
héritäges d’Avenans appartenaient « au sieur de la 
Charme » et il était vraisembläblement fils d'Alexandre 
de ia Charme, seigneur de Pirajoux, et de Péronne du 
Breul. Claude fut apparemment le dernier représentant 
mâle de la famille de la Charme qui tirait son nom d’un 
fief situé près de Montrevel et portait: d'azur à la 
bande d’or, au chef de gueules. 
D’après ce que nous venons de dire, il semble que 
les Augustins aient possédé depuis 1656 la grange qui 
avait remplacé l’ancien fort de Nantel. En 1779, leur 


domaine se composait sur le territoire de ce village : 


1° d’une maison en mauvais état, sans cave ni étage, 
comprenant deux grandes chambres du côté du levant, 
une vaste grange et une vaste écurie du côté du cou- 
chant. Les portes de celles-ci étaient cintrées ainsi que 
la fenêtre pratiquée entre l’une et l’autre. Dans la che- 


 minée d’une des chambres on voit encore une plaque 


de fer datée de 1731 et présentant le monogramme du 
Christ entre deux colonnes surmontées chacune d’une 
tête d’ange. Du côté du midi cette maison n'avait au- 
cune ouverture et un large fossé accompagné d’un jar- 


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— 99 — 


din d’un are*/, longeait la muraille. — 2° d'un autre 
jardin de 2 ares “a situé au couchant du bâtiment et 
bordé au nord, à l’est et à l’ouest par des chemins ; 
d'une chenevière de 5 ares !/, assise aux Combes (1), 
au sud-ouest du précédent jardin et limitée par des 
chemins à l’est et à l’ouest; d’une autre chenevière de 
5 ares située près de là, au Carouge, et touchant un 
chemin à l'est. — 30 de 47 champs qui, avec les jardins 
et les chenevières, avaient une superficie de plus de 
8 hectares. — 4° de 15 prés ayant ensemble une 
étendue de plus d’un hectare. 

En somme, le domaine des Augustins contenait près 
de 10 hectares. 
= Parmi les champs, 8 étaient situés aux Voirat, 8 aux 
Couramble, 5 au dessous des Prés, 5 aux Routes, 
3 derrière l'Eglise, 2 vers le vieux Moulin, 2 sur les 
Contours, etc. Près des ?/, d’entre eux étaient de bonne 
qualité. Les 8 champs des Voirat avaient une étendue 
de 2 hectares !/,. Quant aux 15 prés, 8 étaient situés 
en Darou, 4 au Grand-Pré, 2 en Bas de la Rivière et 
un vers la maison. Environ la moitié d’entre eux étaient 
bons. Le plus grand était l'ancien pré de fief dont nous 
avons parlé précédemment, mais il avait été diminué 
d'une bande de terrain allant du midi de la maison au 
chemin de Florentia: vers le milieu de cette bande se 
dressait une maison de paysan flanquée de jardins au 
nord et au sud, 

De la grange des Augustins à Nantey dépendaient 
une soixantaine d'ares de terre et un petit pré sur 


(1) On disait autrefois « les Combes » parce que ce canton 
comprenait une combe au nord et une combe au sud du sentier 
montant du chemin de Thoissia vers le haut du village. Aujour- 


d'hui on dit « la Combe » parce que ce canton ne comprend 


plus que la combe du sud, celle du nord faisant partie du lieù 


dit en Tarentin. 


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— 83 — 


Tarcia, ainsi qu'un mauvais pré et un bois de 3 hec- 
tares‘/, sur Andelot : mais, en 1749, les Révérends 
Pères cédèrent ledit bois au seigneur d'Andelot moyen- 
nant une rente perpétuelle de 6 1e par an. 

Une petite partie seulement de leur grange était dans 
la censive de ce seigneur à qui ils devaicnt payer 
chaque année un cens consistant en 2 mesures de fro- 
ment, 3 mesures d’avoine et 4 sols 6 deniers. Ils 
lui devaient, en outre, comme tous les faisant-feu, les 
droits de blairie, de prothie-avénerie, de pain aux 
chiens et 4 corvées de char ou de charrue. L'autre 
partie du domaine était dans la censive du seigneur de 
la rente noble de Beyne au Val d'Epy. 

Le domaine en question fut amodié en 1692, avec les 
parcelles situées sur Tarcia et sur Andelot, et avec un 


__ cheptel valant 200 livres, moyennant 72 mesures de 


froment par an et quelques autres prestations analo- 
gues à celles qui sont indiquées ci-après. En 1725, en 
1730 et en 1749, il fut affermé chaque fois pour une 
durée de 6 ans, moyennant 80 mesures de froment, 
20 mesures d’avoine, 5 mesures de vesces, 20 livres de 
beurre fondu et 4 poulets. En 1789, les Augustins esti- 
maient que ce domaine leur rapportait 332 livres par 
an. | | 

Le 18 mars 1791, il fut vendu à l’enchère au profit 
de la Nation et adjugé à un cultivateur de Nantey pour 
le prix de 13.950 francs. | 

En étudiant le registre d’arpentage de 1779, nous 
avons remarqué que la grange des Augustins compre- 
nait, comme celle des Visitandines, 8 champs du canton 
des Voirat, champs ayant ensemble une superficie de 
2 hectares ‘la: que chacune des susdites granges com. 
prenait aussi 3 champs situés derrière l'Egiise : que, 
d’une part, les Augustins possédaient 8 champs aux 
Couramble et 5 au dessous des Prés et que, d'autre 


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part, les Visitandines en avaient 5 aux Couramble et 
3 au dessous des Prés. Nous avons remarqué cnfn 
qu'environ la moitié des fonds des Visitandines confi- 
naient à ceux des Augustins. Ces particularités nous 
portent à croire que, dans l’origine, il exista un grand 
meix composé principalement de vastes pièces de.terre 
assises aux Voirat, aux Couramble, au dessous des 
Prés et derrière l'Eglise ; que, dans la suite, ce meix 
fut divisé et que de chaque moitié furent formées 
les granges tenues par les Augustins et les Visitan- 
dines dans la seconde partie du xvii° siècle et jusqu'à 
la Révolution. Si, en 1779, le domaine des Visitandines 
était plus considérable que celui des Augustins, la 
raison en est certainement qu'elles avaient acheté de 
nombreux héritages, ce que les Augustins n'avaient pu 
faire à cause de leur pauvreté. 


La grange des Visitandines. — En 1629, Philibert 
de la Beyvière, scigneur de ce lieu {situé près de Craz- 
sur-Reyssouze) et de Dananche, mourut sans posté- 
rité, le dernier de sa race, et légua tous ses biens à sa 
femme Jeanne, fille de Louis de Seyturier, seigneur de 
la Verjonnière et de Serrières. Elle employa une partie 
de sa fortune à fonder en 1633 à Saint-Amour un 
monasière de Visitandines. Dès avant 1685, ces reli- 
gieusces possédèrent à Nantey un domaine important 
dont les bâtiments existent encore au sud-ouest du 
village : ils constituent la première maison de cultiva- 
teur qu'on trouve à sa gauche quand on entre dans 
Nantey par la route de Senaud. Sans doute, ils ont été 
remaniés et agrandis au xix° siècle, mais les deux 
vastes pièces de plain-picd dont se composait le loge- 
ment du granger au siècle précédent n’ont pour ainsi 
dire pas changé. 

La grange des dames Sainte-Marie {les habitants de 


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Nantey appelaient ainsi les Visitandines) était entourée 
de plus d’un heclare de terres D’abord, au lieu dit 
« sous les Granges », situé à l’est des bâtiments, elles 
possédaient en face de ceux-ci une longue chenevière 
de 45 ares bordée de tous côtés par des chemins, 
excepté au nord; ct elles en avaient une autre de 7 ares 
non loin de la première. Ensuite, à l’ouest et au sud de 
ladite maison, elles poss idaient un champ et jardin de 
35 ares qui, touchant à l’est celle-ci et un chemin, était 
bordé par d’autres chemins à l’ouest et au nord. A peu 
de distance de ce champ-jardin, elles avaient enfin un 
clos de 6 ares, une chenevière de 9 ar2s et un verger 
de même étendue. Elles possédaient encore dans la 
partie basse du village une chenevière de 2 ares au 
Carouge, une de 6 aux Combes, une de 2%/, et une de 
3 ‘/à vers le vieux moulin. Le reste du domaine se 
composait dé 53 champs et de 19 prés. Parmi ces 
champs, 8 étaient situés aux Voirat, 5 aux Couramble, 
3 derrière l'Eglise, 3 en Tarantin, 3 au dessous des 
Prés, 3 aux Nièvre, ete. Les 8 champs des Voirat 
avaient ensemble une étendue de 2 hectares ‘/,. Quant 
aux prés, 7 se trouvaient en Bas de la Rivière, 7 en 
Darou et 5 au Gra nd-Pré. La superficie des champs, 
chenevières, jardins, clos et vergers était de près de 
12 hectares dont plus de 9 étaient de bonne qualité. 
Celle des prés était de 2 hectares !/,, dont un était bon. 
Le domaine des Visitandines avait donc une étendue 
d’environ 14 hectares. Il était, comme celui des Augus- 
tins, partie dans la censive du seigneur d’Andelot, 
partie dans celle du seigneur de la ee de Beyne 
au Val d'Epy. Un cheptel valant 300 livres était atta- 
ché à cette grange, avec 57 mesures de froment et 
8 mesures de fèves pour semences. Ledit domaine était 
cultivé à moitié fruits par un granger. —” 

La Visitation de Saint-Amour possédait en outre le 


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sixième de la dime d'Andelot par suite de la donation 
que lui avait faite M. Vieux, de Saint-Amour (proba- 
blement Philibert Vieux de Courcelles, docteur ès 
droits, lieutenant du juge de cette ville, puis conseiller 
du Roi au siège présidial de Bourg, qui testa en 1685.) 
Les Visitandines possédaient de plus un domaine situé 
à Thoissia et se composant de 9 hectares ‘/, de terres 
et de 9 ares de pré; enfin un hectare de prés à Andelot 


et quelques héritages à Epy. 


Toutes ces propriétés furent vendues nationalement 


en 1791. La grange de Nantey avec son cheptel fut 


adjugée à un habitant de ce lieu pour 18.000 francs. 


La grange Bouquerod. — Il exista à Nantey un petit 
domaine qui appartint depuis 1732 à une branche de la 
famille Bouquerod, de Gigny, et qu’elle fit exploiter 
par un fermier depuis environ 1740 jusqu'après 1789. 

On se souvient que Jean-Baptiste Bouquerod fut curé 
de Nantey de 1683 à 1732. Il avait un frère nommé Phi- 
libert et une sœur, Marie, qui vers 1712 épousa Claude- 
François Janin, de Nantey, et y mourut en 1757. De ce 
mariage naquit une fille appelée Denise. Quant à Phi- 
libert, il eut quatre fils: Gabriel, Jean-François, 
Charles et Jean-Claude. En 1730, Charles devint curé 
d'Epy. En 1732, Gabriel épousa Denise Janin ; en cette 
même année, Jean Claude était chirurgien ‘à Epy et 
Jean-François succéda à son oncle comme curé de 
Nantey. Jin 1733, Gabriel eut un fils nommé Barthé- 
lemy, mais celui-là mourut quelques années après, vrai- 
semblablement à Gigny. Charles, curé d'Epy, décéda 
en 1741 et Jean-François, curé de Nantey, en 1746, 


_ Quant à Barthélemy, il mourut avant 1764, probable- 


ment à Gigny. 
La grange des Bouquerod se composait de 8 hec- 
tares de champs et de 35 ares de prés sur le territoire 


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= 07. 2 


de Nantey, ainsi que de quelques fonds situés à Epy. 
Nous ignorons l'endroit du premier de ces villages où 
se trouvaient les bâtiments de la ferme en question. 


Les fonds des Ghartreux de Montmerle. — Les Char- 
treux de Montmerle, dont le monastère se trouvait 
entre Foissiat et Saint-Julien- I ne possé- 
daient sur le territoire de Nantey qu'un champ de 
9 ares en Pierre-Fiche et 80 ares de prés en Darou. Ces 
héritages dépendaient d’une de leurs deux granges de 
Senaud, Leur domaine comprenait 40 hectares de terres 
labourables dans ce village et à Epy, 5 hectares de prés 
à Epy. la Balme et Lanéria, enfin 14 ares de vignes à 
Senaud. Ils avaicnt échangé, ve.s 1702, leur droit 
d'usage dans la forêt de Charnay contre la propriété 
de 3 hectares !/, de celle-ci. De plus, ils tenaient en fief 
du seigneur d’Andelot une partie de la dîime et des 
cens de Senaud. Les deux granges des Chartreux de 
Montmerle furent vendues aliohalement en 1791 pour 


50.200 francs. 


Ecuiria et la grange Desglans. — Dès avant 1657, 
Ecuiria formait une communauté d'habitants distincte 
de celle de Nantey, sans être toutefois séparée d'elle 
pour les bois et pâtis communs> Suivant le rapport 
d'un échevin de ce dernier village, Ecuiria avait fait 
jadis partie de Nantey, comme Vessia, mais « M. Des- 
glans, officier de la Chambre des Comptes, qui avalt 
intérêt à ce qu'un lieu où ses terres n'étaient imposées 
que pour la portion colonique (c’est-à-dire ne payaient 
que le tiers des impositions royales) fût indépendant, 
avait demandé quil fût érigé en communauté distincte, 
et M. d’Andelot avait favorisé ses démarches, afin de 
grossir sa scigncurie. » Nous ne croyons pas que cette 
allégation puisse être justifiée, | 


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— 93 — 


Les limites du territoire d’Ecuiria ne furent jamais 
fixées par un arpentage. D’après un compte d’échevin, 
il se composait en 1780 de 15 hectares !/, de terres 
labourables, de 71 ares {/; de bons prés, d’un hectare 
de mauvais taillis et de 8 hectares ‘/, de communes 
défrichées. De ces 15 hectares !/, de terres, 4 ‘/à étaient 
bons, plus de 4 étaient mauvais et près de 7 étaient 
médiocres. 

Nous avons parlé précédemment de la population 
d’'Ecuiria. | . 

Il existait dans ce village une grange importante à 
laquelle était attaché un cheptel de 4 bœufs, 2 vaches, 
4 veaux et 6 moutons. Divers comptes d'échevins nous 
la montrent composée au xvin* siècle d'environ 13 hec- 
tares de terres et 50 ares de prés, non compris, natu- 
rellement, 2 hectares de prés sur Nantey et quelques 
fonds situés à Tarcia et à la Balme. Presque les ?/, des 
champs de ce domaine étaient de bonne qualité. Son 
étendue avait pour conséquence que les 7 ou huit cultiva- 
teurs d’Ecuiria ne possédaient guère, en fait de champs, 
que des parcelles de communes défrichées. En 1791, 
. quatre d’entre eux n’avaient que desterres de ce genre. 

Les héritages de la grange d’Ecuiria étaient en partie 
dans la censive du seigneur d’Andelot, en partie dans 
celle du seigneur de la chevance de Beyne au Val 
d'Epy, en partie dans celie d’un troisième seigneur 
dont nous ignorons le nom. “à 

Le domaine en question fut possédé dès avant 1685 
par la famille Desglans, de Saint-Amour, dont la tige 
est Nicolas Desglans, vivant dans cette ville en 1595. 
En 1680, l’avocat Philibert Desglans acheta le fief de 
Cessia, puis il fut anobli par une charge de secrétaire 
du Roi à la Chambre des Comptes de Dole (Armes : 
d'azur à 3 flèches en bande, au chef cousu de gueules 


chargé de 3 glands d’or). 


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— 89 — 


Cette famille avait pour homme d’affaires le sieur 
Michel Cochet, notaire à Coligny, époux de Jeanne- 
Claudine Dumollard, de Saint-Jean-d’Etreux. Vers 1775, 
il acheta les dépendances de la grange d’Ecuiria situées 
à Nantey et, quelques années plus tard, cette grange 
elle-même. Ces biens restèrent dans la famille Cochet 
jusqu’après 1833. 

En 1785, la communauté d’Ecuiria demanda à à l'inten- 
dant de Franche-Comté l'autorisation de délimiter ses 
biens communaux afin d’en jouir séparément, mais celle 
de Nantey s’opposa à cette requête qui fut rejetée en 
1787. — En 1790, lors de la nomination des munici- 
palités, ilne se trouva pas à Ecuiria un nombre de 
citoyens suffisant pour en constituer une. Aussi fut-1l 
obligé de se réunir à Nantey et, dès lors, les deux com- 
munautés ne formèrent plus qu'une seule et même 
commune. Toutefois, l'année suivante, Ecuiria demanda 
à être séparé de Nantey pour le territoire et les impôts. 
_ Sa pétition ne fut pas agréée. Enfin, en 1844, Ecuiria 
renouvela sa demande en séparation d'avec Nantey, 
mais seulement pour les bois et pâturages. Cette requête 
n'eût pas un meilleur succès que la précédente. 


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CHAPITRE VI. 


Nantey au XVIII siècle : Description du village. 
Chemins, fontaines et croix. 
Maisons et Meubles, Vêtements et aliments. 
La culture, le sel, le hétail. 
Domestiques et artisans. 
Ventes à réméré. — Emancipation. 
Mariages et testaments. — Foi religieuse, 
instruction et superstitions. 


Au xvue siècle, Nantey avait un aspect misérable 
qui, d’ailleurs, était commun à tous les villages de la 
région ; toutefois, de nombreux noyers plantés près des 


chemins voilaient la malpropreté des cours embar- 


rassées de fumier et de décombres, ainsi que la pau- 
vreté des maisons basses, aux murs ruineux, dont 
quelques-unes étaient couvertes de lauzes ou laves 
comme en l’an 1500. Les jardins exigus et clos de 
quelques pierres sèches et d'épines n'étaient égayés 
que par les ruches dont il ÿ avait alors une grande 
quantité dans le pays. 

Le village se composait, comme aujourd’hui, du 
quartièr haut dont la partie méridionale s'appelait les. 
Granges (c'est-à-dire les fermes, les métairies) et du 
quartier bas dont la partie septentrionale portait le 
nom de Croix-Baïilly. Ils étaient, comme de nos jours, 
reliés l’un à l’autre par les chemins dits des Nonnes, 


des Bachètes et de la Messe. Le chemin actuel des 


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— 91 — 


_ Combes n’était alors qu’un sentier bas, frayé à travers 
les chenevières de ce canton dont la moitié septentrio- 
nale est dénommée autrement à notre époque. Notez 
qu’on entendait par chenevières les petites pièces de 
terre fertiles situées surtout entre les deux quartiers du 
village : aux Combes, au Carouge et sous les Granges. 
Le chenin des Nonnes montait à la ferme des dames 
Sainte-Marie, c’est-à-dire des religieuses de la Visita- 
tion de Saint-Amour, ferme près de laquelle il y avait 
une serve ou mare pour abreuver le bétail. Par les 
chemins des Bachètes, de la Messe et des Combes on 
montait à la place publique où se trouvaient une autre 
serve, un murger, une haute croix de pierre et un 
énorme tilleul que l’on estimait âgé de plus de 400 ans. 
Il avait donc vu le règne de nos bons maîtres Charles- 
Quint, Philippe Il, Albert et Isabelle, Philippe IV et 
Charles II. Son tronc, haut de 1 m. 70, avait 6 m. 70 
de circonférence et était entièrement creux. Le dimanche, 
les hommes aimaient à s'asseoir dans -sa cavité pour 
jouer à la « bête hombrée », sorte de ; jeu de cartes qui 
leur était venu d'Espagne. Cet arbre vénérable fut 
abattu en 1830 parce que fendu par un orage jusqu’à 
trois pieds des racines,il menaçaït d’une ruine prochaine. 
En 1841, lors de l’établissement des fontaines publiques 
la serve fut comblée et la croix reculée vers l’orient. 
La partie basse du village, celle qu’on appelait LU 
Croix-Bailly, est la plus ancienne, car l’église et le fort” 
de Nantel, dont nous avons parlé ci-dessus, furent évi- 
demment construits près des premières maisons exis- 
tantes. Ce quartier tirait son nom d’une croix de pierre 
qu'un laboureur avait, plusieurs siècles auparavant, 
érigée près de l'endroit où coule aujourd’hui la fontaine 
publique.'Au nord-est de cette croix se trouvait la 
fermée des Augustins (l’ancien fort de Nantel) ; au sud, 
Je Moulin Neuf détruit en 1637 et relevé en 1759. Si 


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: As. 


— 92 — 


l’une des maisons qui avoisinent celui-ci est antérieure 
à 4715, toutes ou presque toutes les autres ont été 
bâties à partir de 1785. La maison qu'on voit au midi 
de l'ancienne ferme des Augustins ne date que du com- 
mencement du xvurr* siècle et ce fut dans le courant de 
ce siècle-là que des bâtiments s’élevèrent sur le bord 
occidental de la rue actuelle de Croix-Baïlly. Aupara- 
vant, les chenevières des Combes s’étendaient jusqu’à 
cette rue, ou bien des jardins se trouvaient à la place 
de ces bâtiments. Au xviri° siècle, il n’y avait pas de 
prés au nord ni à l’est de l’église ; on n’y voyait que 
des champs, et il en existait aussi plusieurs entre la 
route de Florentia et le cours du ruisseau Le cimetière 
était ombragé par un noyer et un tilleul que la gelée 
fit périr pendant l'hiver de 1789. Au midi de l'église et 
du cimetière était une mare dite des Grenouilles et, à 
l'angle sud-est de celui-ci, paraissait une espèce de petite 
source dont l’eau était assurément malsaine. Les assem- 
blées de la communauté se tenaient le plus souvent 
devant la porte de l'église ou, en cas de mauvais temps, 
sous le porche et dans la nef. 

Tous les chemins étaient détestables, car n'ayant ni 
fossés latéraux ni canaux transversaux, ils étaient 
cavés far les orages et couverts par les eaux descen- 
dant des côtes voisines ou par les sources grossies et 
débordées. En outre, ils perdaient sans cesse de leur 
Rrgeur par suite des anticipations des propriétaires 


riverains et de leur négligence à élagucr les haies et à 


relever les murs de clôture. Le moins mauvais et le 
moins rétréci de ces chemins était celui d'Andelot, 
dénommé vie Blanche à cause de la couleur du sol qu'il 
traverse ; encore sa partie plate n’était-elle, après de 
fortes pluies, qu’une succession de fondrières. . 

Le chemin de Florentia s'appelait avec justice vie 
Creuse, car il était profondément raviné à l'endroit où 
il s'engage dans la gorge de la Rochette, 


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= 09 


Il n’y avait pas, à vrai dire, de chemin de Thoissia. 
Pour aller à ce village, les habitants du haut prenaient 
le chemin des Essarts aboutissant à la croix des Voi- 
rat; ceux du bas suivaient le chemin des Voirat qui 
les menait à la même croix. De là, les uns et les autres 


gagnaient Thoissia par le chemin de la côte des Pier- 


rettes. La route actuelle, construite au xix° siècle sur 
le flanc occidental du mont Moin, n'existait donc pas. 
Ce cliemin des Voirat n'était qu’une profonde ornière 
par laquelle les eaux du vailon de ce nom et celles du 
chemin des Essarts, de la vie d'Andelot et du sentier 
des Combes arrivaient au Carouge ou carretour de la 
Croix-Bailly et y déposaient une partie de leurs boues 
avant d'aller en porter le reste du côté du Moulin- 
Neuf. A ce carrefour parvenaient aussi les eaux du che- 
min de la Messe et celles de la rue de la Croix-Bailly, 
rue qui, dans l'origine, fut, sans aucun doute, le com- 
mencement de la vie d’Andelot. Souvent même, de 
furieuses ravines se précipitant de la côte de Cuvy 
entrainaient jusqu’audit carrefour des amas de terre et 
de pierres. En outre, toute la portion du chemin de 
Florentia comprise entre la gorge dé la Rochette et la 
Croix-Bailly était, en temps de pluie, couverte par les 
eaux descendant de la vie Creuse, du chemin de Ve:sia, 
du sentier du Bourbouillon, par le Bourbouillon lui- 
même: dont le cours se dirigeait librement vers la Doye, 
enfin par les eaux des sources jaillissant vers le cime= 
tière et dans les terres situées derrière l’église. Toutes 
ces eaux n'étaient absorbées que lentement par le 
gouilla des Grenouilles, par les prés d'En-Haut de la 
Rivière et parles embouchoirs de la Croix-Bailly, du 


. pré Guynard et du Moulin-Neuf. Après de fortes et 


longues pluies, il était fort difficile d'aller à l'église 
par le chemin de Florentia. On s’y rendait alors par le 
« petit chemin de la Messe » qui, partant de la rue 


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| — D — 

Croix-Bailly, à la limite méridionale de la propriété 
des Augustins, traversait leur pré et longeait le mur 
_septentrional du verger du presbytère. On pouvait 
prendre aussi, pour aller à l’église, le chemin desser- 
vant les terres situées derrière celle-ci, lequel s’ouvrait 
à l'angle nord-ouest de la maison desdits Augustins, 
en longeait le mur septentrional, puis la clôture de 
leur pré-verger. 

Comme on va le voir, il n’y avait pas ellenent de 
chemin d’Epy. Du carrefour des Nonnes païtaient le 
chemin des Nonnes, la vie de la Balme et la vie de 
Darou. Celle-ci, appelée aussi chemin des Nièvres, 
s'arrétait devant l'ilot rocheux de la Renardière pour 
en contourner la base dans la direction de la Caronnière 
et de la prairie de Darou. La vie en question est évi- 
demment celle de l’ancien village de Longeval et, 
‘comme les côtes orientales et les prés d'En-Bas de la 
Rivière y envoient leurs eaux, on l’appelait au xvi° 
siècle, et même encore au xvurl°, le rognon, le resgnon 
ou rignon de Darou, mot qui cst le même que roion, 
ruillon ou rillon qu'on rencontre dans les vieux écri- 
vains français avec le sens de canal. Depuis Nantey, la 
vie de Darou était changée en fondrière par l’eau qui 
8’y écoulait des héritages voisins. Il n'y avait pas de 
chemin entre la Roñardièré et les Fosses. Quant à la 
vie de la Balme, nommée aussi chemin des Côtes, elle 
conduisait à ce village par Montrochat et la combe. 
Varenne. À peine y était-un entré qu’on trouvait à main 
droite un chemin vaguement frayé qui allait en ligne 
directe, à travers les prés d'En-Bas de la Rivière, vers 
-un autre chemin commençant aux Fosses, en face de la 
Caronnière, pour tirer à Epy. Quelques buissons mar- 
quent encore la direction de cette vie des prés qui fut 
supprimée en 1804, lorsqu’ une route eut élé construite 
entre la Renardiôre et les Fosses. 


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| 


| um 08 — 

Vers le milieu du xvin° siècle, Gaspard Guyénard 
qui se rendait fréquemment de Coligny à Andelot 
et d'Andelot à Coligny avait fait réparer le chemin de 
Nantey à ce bourg, jusqu'aux limites de sa seigneurie. 
I lui avait fait donner une largeur d'environ 15 pieds. 
mais après la mort de son fils Joachim (1780), les pro- 
priétaires riverains l'avaient rétréci et déformé Le des 
anticipations. 

C'est entre 1800 et 1805 que les chemins de Nantey 
furent mis dans l'état où ils sont à présent. 

Au moins 9 croix s’élevaient sur le territoire de Nan- 
tey, de Vessia et d'Ecuiria : croix Baïlly, croix Michon 
(1786), croix de la place publique, du cimetière, des 
Voirat, de Cuvy, d Ecuiria, de Vessia et de la Renar- 
dière. 

L'absence de fontaines publiques était fort préjudi- 
ciable à la population. Les femmes devaient aller cher- 
cher de l’eau à la source de la Doye et elles avaient 
l'habitude de la rapporter sur leur tête. Pour abréger 
un peu le trajet, celles du quartier de la Croix-Baïilly 
prenaient l’un ou l’autre des chemins dits des Augus- 
tins et traversaient le cimetière, alars mal clos. Au lieu 
d'aller jusqu’à la source, beaucoup de gens puisaient 
de l’eau dans la petite fontaine dé l'angle sud-est du 
cimetière, mais ils ne s’en servaient apparemment pas 
pour leur boisson. Dans le haut du village, quelques 
familles avaient des citernes dont les parois étaient 
formées de madriers de chêne. Comme, en été, l’eau de 
la Doye est trop froide pour le bétail, on le faisait 
boire à l’une des trois serves du village ou à celles 
des communaux. Quand ces mares étaient à sec, 


on menait les animaux au réservoir du Moulin-Neut. A 


Vessia, 11 y avait une petite source et une grande 
citerne; à Ecuiria, il n’y avait qu’un puits. L'endroit du 
ruisseau disposé pour laver le linge se trouvait environ 


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— 06 — 

à égale distance des deux moulins et il était ombragé 
par des saules. Le principal des sentiers qui y condui- 
saient partait du carrefour de la Croix-Bailly et tra- 
versait le pré Guynard ou des Augustins et celui d'En 
Haut de la Rivière. | 

Au xvirl* noces les maisons de Nantey n'avaient 
généralement qu'un bas étage, lequel se divisait en 
quatre parties: la cuisine ‘appelée mâzon), la chambre, 
la grange et l’étable. Du chemin ou de la cour on 
entrait directement dans la cuisine; parfois cependant, 
il fallait d’abord traverser la grange. La chambre à 
coucher était d'ordinaire placée derrière la cuisine. Il 
était rare qu'il y eût une cave. Les murs de ces mai- 
sons étaient faits de moellons quelconques ramassés au 
plus près et réunis soit par un mauvais sable rouge 
mêlé avec un peu de chaux, soit par une sorte de terre . 
argilo- -calcaire nommé: dans le pays roche pourrie. Ces 
maisons dataient sans doute de l’époque lointaine où la 
carrière de Dorey et celle du flanc oriental du mont 
Moin n'étaient pas encore ouvertes. D'ailleurs, celle de 
Dorey était abandonnée au xvinre siècle ; on la rouvrit 
en 4822, puis on l’abandonna de nouveau. Comme la 
saillie du toit ne suffisait pas toujours pour écarter 
l’eau pluviale des fondations, celui-ci était parfois muni 
de chéneaux de bois. La charpente des maisons était 
faite de cœur de chêne ou de châtaignier. Pour bâtir 
les cheminées, on employait le tuf, espèce de pierre 
légère et poreuse qui se trouve dans le vallon à une 
faible profondeur et qu'on peut aisément scier et tailler. 
D’ordinaire, la pluie pénétrait dans le grenier par les 
faces extérieures de la cheminée et les gens essayaient 
de parer à cet inconvénient en entourant le pied de 
celle-ci de terre sèche ou de cendres, voire de balle 
d'avoine ou de foin, encore que l'emploi de matières 
inflammables füt interdit par les règlements de police. 


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0 
Le sol des cuisines et des chambres était garni de 
laves. Ces pièces étaient séparées du grenier par des 
poutres peu espacées, équarries en biais sur deux des 
flancs entre lesquels des pierres plates avaient été glis- 
sées de telle façon qu’elles se serrassent et se re- 
tinssent les unes les autres. Un mortier de roche 
pourrie en bouchait les interstices. On voyait aux 
portes d’entrée des serrures entièrement en bois, 
à l’exception du ressort et du pêne, confectionnées par 
les habitants eux-mêmes, Les chambres aux murs 
et aux poutres noircis par la fumée ne recevaient 
le jour que par une étroite ouverture où était fixé un. 


chassis dont les quatre ou six cases renfermaient plus 


souvent du papier huilé que du verre. Les vitres fabri- 
quées alors étaient petites, verdâtres, ondées et d’un 
prix élevé (1). : 

Dans toute cuisine il y avait une cheminée à manteau 
avec une crémaillère, un pied (ou landier), une pelle et 
une fourchette de fer (ou fourgon) dont le manche 
perforé servait à souffler le feu. Sur la cheminée on 
apercevait une lampe de métal, à queue, appelée 


 « crûzu » (2) parce qu'elle était souvent ornée d’une 


petite croix, et l’un de ces naïfs crucifix de bois noir et 
d’es jauni exécutés à Saint-Claude. Une niche pratiquée 


(1) En 1789, une vitre d'environ 15 centimètres carrés se 
payait 6 sols ; un modeste gobelet de verre blanc, 7 ; une bou- 


 teille de ?/, de pinte, 12. Nous n'avons pas besoin de dire que 


l'argent avait alors un pouvoir d'achat au moins quinze fois 
plus grand qu'aujourd'hui. Ilÿy avait en Franche-Comté diverses 
espèces de pintes : pinte d'Orgelet (1 litre 316), pinte de Lons- 
le-Saunier (1 1. 368), pinte de Bourgogne usitée à Arbois, 
à Poligny, à Salins, etc. (1 1. 326). 

(2) De même que les toitures de Nantey ressemblent à celles 
de la Bresse, ainsi le patois de ce village ne diffère que très peu 


du bressan, mais le caractère de la populalion est nettement 


franc-comtois. 
hi 


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— 98 — 


près de la cheminée contenait le briquet, l’amadou 
et les chènevottes soufrées, appelées «silloux». Dans 
toute cuisine on voyait aussi une maie, deux bancs et 
un dressoir à deux portes surmonté d’un vaisselier 
garni d’écuelles et de plats plus souvent en terre qu'en 
faïence, de gobelets plus souvent en bois qu’en verre 
et de quelques bouteilles ordinairement de ?/, de pinte 
(environ 85 centilitres). L’eau était contenue dans des 
seaux de bois ; le lard et l'huile dans des vaisseaux de 
pierre ; le pain de sel de 3 livres avec sa râpe dans 
une boîte de bois épais. Des degrés (escalier) con- 
duisaient de la cuisine au grenier qui était meublé 
d’arches ou coffres où l’on enfermait le blé et la farine. 

Dans la chambre à coucher se trouvaient deux, trois 
et même quatre lits avec ou sans colonnes, mais 
presque toujours pourvus de courtines. Ils étaient 
garnis de toiles remplies de paille ou de « vayôla » 
(balle d'avoine), de linceuls ou draps, de couvertures de 
bourre ou d’étoupe foulée, parfois d’un «lôdi» ou cou- 
verture piquée. À Nantey, il existait encore au xvitr° 
siècle quelques châlits et coffres faits de grandes laves 
maintenues par des traverses de bois. Les rideaux de: 
lit étaient de serge brune ou verte, de « bâge » grise 
(beige ou droguet), rarement de bergame (sorte de 
tapisserie de peu de valeur). On voyait encore dans la 
chambre , outre quelques chaises de bois ou de paille, 
un ou deux grands coffres et un cabinet ou garde-robe, 
meubles destinés à serrer le linge et les vêtements. Peu 
nombreuses étaient les chambres contenant un miroir 
de 20 centimètres carrés, car il coûtait alors une dizaine 
de livres, presque autant qu’une armoire commune. 
Mais dans toutes un grand bénitier de pierre sortait du 
mur près de la porte, comme à l’église. La chambre 
recevait la chaleur de la cheminée de Îa cuisine au 
moyen d’une sorte de placard pratiqué derrière celle-ci, 


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— 99 — 


Les jours ouvrables, hommes et femmes portaient des 
Vêtements de droguet ou de toile (1), selon la saison. 
Les jours fériés, celles-ci mettaient une coiffe blanche 
aux ailes tombantes et tuyautées, une robe de drap, un 
devantier ou tablier de soie et un mouchoir de cou (petit 
châle), tandis que ceux-là se revêtaient d’un chapeau, 
de bas, d’une culotte de drap et d’un habit à longs 
pans, également en drap. Les femmes coquettes ambi- 
tionnaient de remplacer leur vulgaire mouchoir de cou. 
de 45 sols par un de soie rouge fleuretée de fil blanc, 
mais il coûtait trois livres 15 sols. On ne se garantis- 
sait de la pluie qu’au moyen de manteaux. En hiver, 
les femmes et les filles filaient du chanvre et de la laine. 
Avec ce fil, des tisserands ambulants ou domiciliés 
dans certains villages faisaient de la toile et du dro- 
guet. Quant aux hommes, ils réparaient leurs outils 
ou fabriquaient des paniers, des serrures, des boutons 
de bois ou de plomb, etc. 

La nourriture des paysans se composait presque 
uniquement de pain, de bouillie, de légumes, d'œufs, 
de lait et de fromage. Comme le froment (2) valait 
d'ordinaire de trois à quatre livres la mesure, on 


(1) De 1780 à 1789 la toile commune valait de 22 à 24 sols 
l’aune ; la futaine, 26 ; le droguet, 45 : l’indienne, 54et le drap 
ordinaire, de 3 à 4 livres. Les diverses espèces d’aunes usitées 
avaient presque la même longueur: celle de Franche-Comté, 
1 m., 2 ; celle de Poligny, 1 m., 19 ; celle de Paris, 1 m., 188. 
Les paysans achetaient des chapeaux de 30 sols et des souliers 
de 4 livres 15 sols. Les souliers des paysannes coutaient une 
livre de moins. Quant aux sabots, ils ne se payaient que 5 sols. 

(2) Il était rare que la mesure de froment ne valût que 50 sols 
et, dans les années de disette, elle coûtait 4 livres 10 sols et 
davantage. Vers 1780, la mesure d'avoine se payaït de 20 à 30 
sols ; celle d'orge, de 30 à 35; celle de mêlée, de 24 à 30; e 
celle de turquet, environ 50. La mesure de froment du bailliage 
d’Orgelet pesait 30 livres et n’était que de très peu inférieure au 
double décalitre actuel. 


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= 400 = 


l’épargnait le plus possible afin de le vendre. Il n'en- 
trait guère que pour un cinquième dans la farine avec 
laquelle on faisait le pain, et le seigle, l'orge, l’uvoine, 
les fèves,les pois et même les pesettes en constituaient 
les quatre autres cinquièmes, de sorte que les miches 
se crevassaient en cuisant et souvent se brisalent au 
sortir du four. Les céréales cultivées de préférence 
étaient le froment et l'avoine. Le seigle et l'orge se 
semalent rarement seuls. D’ordinaire, ils étaient répan- 
dus conjointement avec d’autres graines, et l’on enten- 
dait par « mêlée » un mélange composé de froment, de 
seigle, d'orge, d'avoine, de pois et de vesces. Parfois, 
le froment et le seigle étaient supprimés de ce mélange, 
En 1771, on ne cultivait plus le sarrazin à Nantey. 
Quant aux pois et aux fèves dont il existait de nom- 
breux champs, ils se semaient habituellement ensemble. 
Mondés et cuits dans du lait, le millet et le panis four- 
nissaient une excellente bouillie, mais dès le commen- 
cement du xvire siècle, ils furent peu à peu évincés par 
le blé de Turquie, et les gaudes devinrent, au siècle 
suivant, la base de l'alimentation quotidienne des 
habitants de notre région. Quant à la pomme de terre, 
elle ne fut vraiment admise en Franche Comté qu'après 
la Révolution. Elle était réputée malsaine. Cependant, 
dès 1770, on en rencontrait quelques pieds ans les 
champs de maïs de Nantey. La betterave ne fût pas, 
semble-t-il, introduite avant le xrx° siècle dans la con- 
trée de Saint-Amour. Observez que trois des cantons 
de Nantey prouvent par leur dénomination que le 
sarrazin, les lentilles et le safran y furent cultivés à 
une date antérieure au xviri® siècle. 

Dès avant le xin°, les pentes occidentales du Rever- 
mont étaient parsemées de vignes. Il y en eut aussi 
dans la suite sur le territoire de Nantey, témoin le lieu 
dit « aux Vignettes » et la grande cave voûtée du manoir 


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— 101 — 


de Vessia, mais le terrible hiver de 1709 en détruisit 
la plus grande partie. Toutefois, il en existait encore 
à Vessia en 1716, peut-être même en 1758, mais elles 
avaient tout à fait disparu de ce lieu en 1779, et pour- 
tant à cette date, et postérieurement, on en trouvait à 
Andelot, à Thoissia et à Sénaud. Il est vrai que la 
culture de la vigne‘fut entravée par l’arrêt du Conseil 
du Roi de 1731 qui interdit de planter ou de replanter 
des vignes dans tout terrain pouvant produire des 
céréales. L'eau était donc la boisson ordinaire des 
habitants (1). Le café, connu en France depuis le milieu 
du xvri* siècle, coûtait encore trop cher (55 sols la livre 
en 1744, 24 sols en 1785) pour que l'usage s’en répan- 
dit dans le peuple, et le miel remplaçait le sucre 
-dont le prix.était également élevé (de 18 à 24 sols 
entre 1782 et 1789). À Nantey, on entretenait de nom- 
breuses ruches, principalement à cause de la cire qui 
se vendait bien, puisque, en 1770, un cierge d’une livre 
coûtait 38 sols. L’huile des noyers, fort nombreux à 
Nantey au xvirr® siècle, servait tout ensemble à la 
nourriture et à l’éclairage. Toutefois, dès avant 1768, 
on y faisait de l'huile de navette. 

Après le traité de Nimègue (1678) par lequel la 
Franche Comté fut annexée à ‘a France, les salines de 
cette province passèrent naturellement du domaine de 
la couronne d’Espagne dans celui de la couronne de 
France. Jusqu’alors une ration de sel proportionnée au 
nombre et à la consommation des habitants avait été 
accordée tous les ans en franchise, c’est-à-dire cxempte 
de tout impôt, par le roi d’Espagne aux villes, bourgs 

(1) Le vin s'achetait à la queué (477 litres), au muid (318 litres), 
au tonneau (238 litres), à la feuillette (119 litres), au quartaut 
ou quarril {80 litres) et au barral (64 Hitres). Dans les bonues 
années, le tonneau de vin de Coligny ou de Saint-Amour valait 


9 ou 10 livres, mais dans les années très mauvaises, par exem- 
ple en 1789, son prix s'élevait à 50, 60 et même 70 livres, 


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— 102 — 


et communautés de Franche-Comté. Les Franc- 
Comtois ne payaient donc que les frais d'extraction, de 
manipulation et de transport de ce sel appelé sel d’ordi- 
naire. Mais, à partir de 1680, le roi de France frappa 
d'impôts toujours croissants non seulement le sel d’ex- 
traordinaire (ou de Rosières), c’est-à-dire celui que les 
habitants pouvaient se procurer à l’entrepôt en sus du sel 
d'ordinaire, mais encore ce dernicr qui, par suite, doubla 
presque de prix de 1680 à 1789, année où il se vendait 
7 sôls 6 deniers les trois livres. Le sel d’extraordinaire 
coûtait environ deux fois plus que l’autre. En 1767 68,une 
ration de 264 pains de sel, du poids de 3 livres chacun, 
fut accordée a ux 50 feux de la communauté de Nantey. 
Quatre ménages de ce lieu (dont l’un se composait de 
6 personnes) s’en privaient complètement ; 20 ménages 
n'en consommaient qu’un ou deux pains par an, et 8 que 
trois ou quatre. Il y avait un entrepôt de sel d'extraor- 
dinaire à Saint-Amour et un autre à Saint-Julien. 
Quant au tabac, il était débité aux particuliers par 
des marchands installés dans les villes et bourgs, et 
autorisés à faire trafic de cette denrée fournie par le 
Roy. À Nantey, personne ne fumait au xviri siècle et 
il est probable que très peu de gens prisaient, car la 
livre de tabac en poudre se vendait 72 sols en 1785. 
Pendant la belle saison, le bétail était assez nom- 
breux à Nantey, mais en général, il était maigre, car 
les prairies naturelles étaient peu étendues et, comme 
les prairies artificielles n’existaient pas encore, il 
n'avait pour nourriture que ce qu'il trouvait dans les 
landes, dans les bois et dans les champs après l'enlè- 
vement des récoltes. L’insuffisance du fourrage obli- 
geait les laboureurs à se défaire d’une grande partie 
de leurs bêtes au commencement de l’hiver (1). En 


(1) De 1780 à 1789 une paire de bœufs valait de 150 à 270 
livres, et une vache de 35 à 100 livres. Le prix d'un rRouon 
était communément de 2 livres 45 sols, 


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: — 103 — 


1688, le bétail des 16 feux de Nantey se composait de 
36 bœufs, 16 vaches, 2 veaux, 3 chevaux et 2 -poulains. 
En 1764, on comptait dans ce village 48 bœufs et 12 
taureaux. Sept ménages, parmi lesquels étaient ceux 
‘qui cultivaient les terres du marquis d’'Andelot, des 
Visitandines et des Augustins, avaient chacun 4 bœufs- 
ou taureaux ; 16 autres ménages en possédaient 2. 
Comme la communauté se composait alors de 58 feux 
de gens mariés et de 7 feux de filles ou de veuves, il y 
avait donc 42 ménages qui n’avaient ou point de bétail 
ou simplement une vache et quelques moutons et qui, par 
conséquent, devaient cultiver leurs héritages à la pioche, 
champs qui d’ailleurs n'étaient pour la plupart que des 
parcelles de communes. En 1790, on comptait, à 
l’époque des semailles, dans les 56 ménages de la 
communauté de Nantey, 44 bœufs, 18 taureaux, génis- 
ses ou veaux, 50 moutons et seulement 11 charrues. 
Il n’y avait ni chevaux, ni chèvres et, pour ainsi dire, | 
pas de porcs. On n'élevait aussi que peu de poules et 
de poulets. On sait que, en ce temps-là, le blé était la 
principale source de profits pour le laboureur ; l’étable 
et la basse-cour ne rapportaient guère puisque, dans 
les boucheries de Saint-Amour, la viande se vendait de 
4 à 6 sols la livre et que, au marché, l’on pouvait sou- 
vent avoir pour la même somme soit un poulet, soit 
une douzaine d'œufs, soit même une livre de beurre. 
Les avantages que les paysans retirèrent de la Révo- 
lution leur permirent d'augmenter considérablement 
leur bétail. En janvier 1793, les étables de Nantey 
renfermaient 88 bœufs, 50 vaches, 24 taureaux ou 
génisses et 150 moutons. Notez que, avant la Révolu- 
tion, ilétait interdit aux habitants de‘ mener paître leur 
bétail séparément. Chaque communauté devait avoir 
un pâtre qu'elle choisissait et rétribuait. Dans la belle 
saison, il rassemblait en un endroit fixé le bétail des 


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— 104 — 


habitants et de là il le conduisait soit dans les pâtis 
communs, soit dans le canton de bois désigné par le 
juge RC 
Sur les 56 ménages qui existaient à Nantey en 1790, 

quatre étaient des ménages de journaliers et plusieurs 
autres qui ne récoltaient pas de quoi vivre travaillaient 
pour leurs voisins. En 1776, on comptait à Nantey 6 
valets et 8 s2rvantes ; le curé avait deux servantes ; le 
granger du marquis à Vessia, un valet et deux ser- 
vantes. Mais, en 1790, ces 14 domestiques étaient 
réduits à trois, dont deux mâles employés par le 
curé (1). Ajoutons qu’on trouvait ordinairement à 
Nantey trois ou quatre artisans, savoir un charron, un 
tisserand, un maréchal ferrant et un tailleur d’habits (2). 
Un cabaret s’y rencontrait presque toujours, bien qu'il 
fût défendu de donner à boire aux habitants du village, 
ainsi qu'aux étrangers n'étant pas éloignés d’au moins 
une lieue de leur résidence, et bien que les danses, jeux 
et assemblées publiques fussent interdits le jour de la 
fête patronale, ainsi que dans la huitaine précédant 
ou suivant celle-ci. D’autre part, beaucoup de cultiva- 
teurs se changeaient, pendant l'hiver, en carriers, en 
maçons, en bûcherons et en chanfourniers. 


(1) De 1780 à 1789, le valet du curé de Nantey recevait de 36 
à 40 livres de gages par an, et sa servante de 30 à 46 livres, 
La journée d'homme pour les travaux des champs, notamment 
pour la fenaison et la moisson, se payait 10 ou 12 sols ; celle 
d'un batteur en grange pendant l'hiver, 7 sols Le salaire des 
femmes était de 6 à 8 sols par jour. Il va sans dire que tous ces 
ouvriers recevaient, en outre, la nourriture. 

(2) La journée de ce tailleur était de 15 sols quand on le 
nourrissait. Celle d’une tailleuse n’était que de 10 sols, En 1789, 
il faisait payer 3 livres 10 sols pour la façon d'un habit, 35 sols 
pour celle d’une culotte, 25 pour celle d’un pantalon, 30 pour 
transformer un habit'en veste, enfin 25 pour la façon d’un jupon 
et d’un corset de femme.— Les maçons, charpentiers et menui- 
siers recevaient, outre la nourriture, 12 ou 15 sols par jour ; 
les couvreurs et les tailleurs de pierre, 18. | | 


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— 105 — 


Les laboureurs de Nantey ne vendaient un de leurs 
champs qu’en cas d'extrême nécessité. Encore ne le 
vendaient:ils habituellement qu'avec faculté de rachat 
temporaire ou même perpétuel, Le plus souvent, il était 
rachetable dans 2, 4 ou 8 ans, et pour le recouvrer 
l'ancien propriétaire n'avait qu’à rembourser au nou- 
veau le prixde la vente avec les accessoires légitimes. 
Durant le temps où le rachat pouvait s'effectuer, le 
vendeur et l’acquéreur fournissaient d'ordinaire chacun 
la moitié des semences et des engrais et se partageaient 
le grain récolté. La paille appartenait au vendeur, 
mais 1l devait labourer, semer, moissonner, faire 
battre, et payer une partie des impositions. Le cens et 
le reste des impositions étaient à la charge de l’acqué- 
reur. Notez que, dans tous les contrats de vente ou : 
d'échange de fonds, il est fait mention d'une certaine 
dépense allant de 12 sols à 3 livres et supportée par 
l'acheteur « pour vin bu ensemble ». Vers 1725, la 
mesure (environ 9 ares) de bonne terre valait de 10 à 
20 livres ; elle était estimée 60, 80 et même plus de 
100 livres entre 1775 et 1789. | 

Au xvrn* siècle, comme dans les siècles antérieurs, 
les enfants parvenus à l’adolescence aimaient à conti- 
nuer d'habiter avec leurs parents et, quand ceux-ci 
étaient morts, à continaer de vivre ensemble des fruits 
de l'héritage laissé indivis. Les expressions « père et 
fils communiers, frères communiers » reviennent fré- 
quemment dans les actes que nous avons eus sous les 
yeux La puissance paternelle était très forte et très 
étendue. Les fils, quel que füt leur âge, qu'ils fussent 
mariés ou non, qu'ils habitassent ou non sous le toit 
paternel, qu'ils mangeassent leur propre pain ou celui 
de leur père, ne pouvaient faire aucun contrat d'aucune 
sorte sans la permission de celui-ci, à moins qu’il ne 
les eût émancipés, ct l’on appelait « fils ou fille de 


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— 106 — 


famille » tout enfant majeur ou mineur vivant sous 
l'autorité de son père. L'émancipation était prononcée 
avec beaucoup de cérémonie, Au jour fixé, le père ef 
le fils se rendaient en la Chambre de l’Auditoire de la 
Justice du marquisat d’Andelot où étaient assemblés 
le juge, le procureur d'office et le greffier de ladite 
Justice. Le fils présentait d’abord sa reqüête au juge» 
puis s’agenouillant tête nne et mains jointes devant 
son père, 1l le priait de consentir qu’il fût émancipé. 
Le juge demandait alors à celui-ci si son fils avait une 
bonne conduite et s’il l’estimait capable de gouverner 
sa personne et ses biens. Sur la réponse affirmative du 
père, et ouïes les conclusions du procureur d'office, le 
juge autorisait enfin l’émancipation en signe de laquelle 
le père donnait un léger soufflet à son fils, lui séparait 
les mains et le relevait. 

La célébration d'un mariage était toujours précédée 
d’un contrat passé par devant notaire. Tous les contrats 
de mariage du xviri° siècle que nous avons lus renfer- 
ment les clauses suivantes : « Lés futurs époux seront 
uns et communs en tous acquêts et conquêts qu'ils 
feront de meubles et immeubles pendant leur société 
conjugale. Toutes successions directes ou collatérales 
accroitront à celui à qui elles écherront et chacun d’eux 
payera ses dettes de son bien propre ; et si pendant 


leur société il en est acquitté, elles seront réputées 


faire acquêt pour une moitié en faveur de celui qui ne 
s’y trouvera pas obligé ». Comme habituellement les 
parents du jeune homme se réservaient jusqu’à leur 
mort la jouissance et l’usufruit de tout leur avoir et s’en 
faisaient donation mutuelle et réciproque au dernier 
survivant, le futur se mariait simplement « pour sa 
part de succession dans leurs biens, à leur décès, 
laquelle serait égale à celle du mieux partagé de ses 
frères et sœurs ». Dans les cas rares où le père cédait 


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: — 107 — 


de son vivant ses terres à son fils, il s’en réservait la 


moitié des fruits, sa vie durant. Mais, en revanche, les 


parents du futur s’obligeaient d’ordinaire à recevoir 
les nouveaux époux sous leur toit et à les y nourrir et 
entretenir, ainsi que les enfants à naitre. La dot en 
nature apportée par la jeune fille se composait en 
général d'une vache, d’une armoire renfermant son 
linge.et ses vêtements, de courtines, d’un certain nom- 
bre de draps de lit, d’aunes de toile ou de livres de 
filasse, enfin d’une robe de noces en drap valant de 12 
à 18 livres. A la dot en nature s’ajoutait le plus souvent 
une dot en argent montant parfois jusqu’à 500 livres. 
Le futur ne se bornaït pas toujours à offrir à la future 
son anneau de mariage. Il lui faisait quelquelois présent 
de « divers joyaux, d’une robe, d’un devantier et d’un 
manchon, le tout valant 30 livres » (Nantey, 17833). 
Enfin, on lit dans tous les contrats que les nouveaux 
époux se donnent l’un à l’autre, en cas de survie, telle 
et telle somme, et la donation faite par le mari (ordi- 
nairement 100 ou 200 livres) est toujours deux fois 
plus élevée que la donation faite par l'épouse. 

Quant aux testaments, ils ne présentent guère qu’une 
particularité intéressante. Le testateur n'oublie jamais 
de spécifier qu’il devra être célébré, après sa mort, 30, 
60, 120 et même 150 messes pour le repos de son âme. 
Le peu d'étendue du domaine de la cure de Nantey et 
la pauvreté de la Fabrique montrent que les fondations 
obituaires étaient très rares. | 

La foi était profonde et naïve. Le bénitier de pierre 
de chaque chambre à coucher et les croix élevées ça et 
là par des particuliers le prouvent encore mieux que les 
testaments. On ne craignait pas de laisser seuls à la 
maison les enfants au berceau pour assister aux offices 
du dimanche ou aux diverses processions et quiconque 
pouvait marcher se rendait aux fêtes religieuses d’alen- 


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tour, notamment à celle de saint Taurin, à Gigny, le 
» septembre, et à celle de saint Garadoz, à Laubespin, 
le lundi de la Pentecôte. | 

Il n’exista jamais d'école à Nantey avant 1790, car 
d’un côté la communauté trouvait trop onéreux de payer 
les gages d'un maître (de 125 à 150 livres par an), et 
d'un autre côté les parents hésitaient à débourser eux- 
mêmes quelques sous par mois pour faire instruire leurs 
enfants. La majeure partie de la population était donc 
illettrée. En 1718, sur 22 hommes assemblés, 4 seule- 
ment savaient écrire leur nom ; en 1787, il y en avait 8 
sur 26. Les gens de Nantey qui avaient quelque instruc- 
tion l’avaient reçue soit de leur curé, soit d’un maître 
d'école des environs, car il y en avait un à Epy en 
1721 et à Andelot en 1771. | 

Si les habitants de Nantey étaient ignorants, ils 
étaient en revanche très superstitieux, mais il serait 
trop long de rapporter leurs étranges croyances ainsi 
que les moyens magiques dont ils se servaient, princi- 
palement pour délivrer leur personne; leur famille et 
leurs biens’ du malheur présent et les garantir du 
malheur à venir (1). Du reste, ces croyances et ces 
moyens étaient les mêmes dans toute la région, excepté 
cependant que les gens de Nantev invoquaient contre 
les maladies du bétail sainte Foy, à qui l’un des autels 
de leur église était et est encore dédié. Comme diver- 
ses éruptions et inflammations sont appelées vulgaire- 
ment feux et que le mot feu se dit fouâ en patois, ils 


(1) Durs et serrés pour eux-mêmes et les leurs, les paysans 
ne se décidaient à appeler le médecin que quand. ils avaient 
consullé inutilement les bonnes femmes et les rebouteurs et ne 
savaient plus à quel saint se vouer. En 1766, le chirurgien 
Antoine Brossette, de Saint-Amour, demandait 3 livres pour se 
rendre à Nantey et s’il faisait une saignée ou donnait un remède, 
sa visite revenait à 4 livres 13 sols. La réduction d'une fracture 
de la jambe coûtait 30 livres. 


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— 109 = 


jugeaient que la sainte avait un pouvoir particulier sur 
les maladies portant le même nom qu’elle. — Thoissia 
passait pour un repaire de sorciers, mais Nantey n’en 
était pas exempt et la crainte qu'ils inspiraient se 
manifestait par d’inquiétants récits : « Un sorcier dont, 
par prudence, je ne dirai pas le nom avait dans sa 
chambre une peau de loup. qu’il endossait quand 1l vou- 
lait aller à quatre pattes au sabbat. Certain jour, un 
jeune valet entra chez lui, ne le trouva pas et s’amusa, 
en l’attendant, à jeter cette peau sur ses épaules. Quelles 
paroles magiques furent alors prononcées par le sorcier 
et en quel endroit ? On ne le saura jamais. Toujours est-il 
que ce domestique disparut. Trois ans plus tard, l’ancien 
maître de celui-ci revenait du bois avec une charrette 
de fagots quand il s’aperçut qu’un loup le suivait. Cela 
lui était déjà arrivé plusieurs fois ; aussi ne s’en sou- 
_cia-i-il point. Cependant, au moment où il arrétait ses 
bœufs devant sa grange, il vit que l’animal avait per- 
sisté à l'accompagner et, comme il était d’une maigreur 
extrême, l’homme eut pitié de lui et cria à sa femme : 
« Jette-lui done un morceau de pain ! » Elle obéit, mais 
parce que le pain contenait les gouttes d’eau bénite 
qu'on y verse habituellement, le loup se changea 
soudain en un garçon et c'était justement Le valet dont 
personne n'avait pu expliquer la disparition. 5 Nous 
terminerons sur cet écho du vieux temps, que nous a 
fait entendre un ancien de Nantey, l’histoire de ce lieu, 
de Vessia et d'Ecuiria. 
X. BRUN. 


Au châtelet de Nantey, 1920-24. 


Éoharenterte TG ER, 


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ÉMILE LONGIN 


| UNE 
STATISTIQUE INÉDITE 


DE LA 


FRANCHE-COMTÉ 


(4 688) 


(DEUXIÈME PARTIE) 


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UNE 
STATISTIQUE INÉDITE 


FRANCHE-COMTÉ 
(1636) 


(Suite. et fin) 


_ Ceci amène Tissot à parker des villes : il y en a, dit-il, 
plus de quarante ceintes de murs, agréables et médiocre- 
ment peuplées : enrichies par leurs foires et leur commerce, 
elles ne sont qu’à sept lieues l’une de l’autre. Il ne nomme 
d’ailleurs qu'un certain nombre d’entre elles, car ce n’est 
pas un voyage qu'il entreprend dans la province à l’exem- 
ple de Gilbert Cousin, peignant comme celui-ci d’un trait 
rapide les centres habités qu’il rencontre (1). 

_ Au cœur de la province est la - ville impériale de Be- 
sençon, eutrefois dite Chrysopolis (2) ; antique métropole 
connue de toute l'Europe, elle n’est qu’à sept milles de 
sept autres villes. Tout le commerce de la Bourgogne y 


{1) Gilbert Cousin ne s’étend guère que sur sa ville natale, Nozeroy, 
à laquelle il ne consacre pas moins de vingt-six pages. La forme de 
voyage à travers la province est aussi celle qu’a adoptée H. Boucxuor, 
La Franche-Comté (Paris, 1890, in-8°), 

(2) V. A. CASTAN, Origine du nom de Chrysopolis donné à la ville de 
Besançon à partir du I X® siècle, dans les Mémoires de la Société d’ému- 
lation du Doubs, année 1889, p. 416. 


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— id — 
afflue; les collines environnantes sont couvertes de vignes : 
sa propreté tient à ce qu'on jette dans le Doubs, qui la 
traverse, les immondices de toute sorte (1). 

Les autres sièges de justice sont Salins, Dole, Gray, 
Vesoul, Baume, Lons-le-Saunier, Orgelet, Arboiïis, Pon- 
tarlier, Ornans et Quingey. En dehors de celles-ci, il y en 
_a beaucoup d’autres entourées de mursilles à l’antique ; 
les rues en sont larges, les places pavées de cailloux. Salins 
tiendrait le premier rang, si Dole et Gray ne le lui dispu- 
taient. Ces deux dernières villes servent de boulevards 
contre la France ; un fossé profond en fait le’ tour ; leurs 
bastions sont formés de gros blocs de pierre taillés en 
pointe de diamant, liés par un ciment très dur (2). Toutes 
deux ont une garnison ordinaire : si l’on y fait entrer des 
renforts, des munitions, des approvisionnements de toute 
espèce, elles sont capables de soutenir un siège de six mois. 
Fortes par leur situation, d’autres villes peuvent également 
donner le temps de les secourir, pourvu que leurs habitants 
aient quelque expérience des armes, qu’ils soient d'humeur 
martiale et que la division ou la frayeur ne se mettent pas 
parmi eux (3). 

Nombreux sont après cela les châteaux dont les tours 


(1) On faisait de même à Salins, dans la Furieuse : « In eam fœdis- 
sima ventris proluvies, quisquitiæ et urbis purgamenta dejicientur. » 
GILBERT COUSEN, Brevis ac dilucida Burgundiæ Superioris quæ Comi- 
tatus nomine censetur descriptio, p. 97. 

(2) On eut à Dole une preuve de l'excessive dureté ic ce ciment, 
lorsque, dans les derniers jours du siège de 1636, les Français firent 
jouer une mine sous le boulevard du Vieux-Chôteau ; l'explosion du 
fourneau n’ouvrit qu’une brèche insuffisante. « En quoy, dit l’historien 
du siège, parut l’extraordinaire bonté de cette massonnerie, en laquelle 
.les pierres ne se treuvaient pas des-jointes, ains plutôt brisées et arra- 
chées, en sorte qu’elles ont plus cousté par après à séparer l’une de 
l’autre qu’à tirer de nouveaux quartiers dans une viva carrière. » Box- 
viN, Le siège de la ville de Dole, capitale de le Franche-Comté de Bour- _ 
gongne, et son heureuse délivrance, p. 292. 

(3) En écrivant eeci, Tissot ne prévoyait pas qu’il serait le premier 
à prendre conseil de la peur à Bletterans. 


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— ÏI5 — 

dominent orgueilleusement les carrpagnes voisines. : le 
peuple y a, en cas d'invasion, un refuge assuré. La plupart 
. ces châteaux sont, en effet, bâtis au sommet de rochers 

à pie : Samte-Anne et Château-Chalon. en particulier, 
sont deu places naturellement si fortes qwil suffirait de 
faibles ouvrages pour: les rendre inexpugnables. I nya 
qu'un petit nombre de châteaux qui menacewt ruine par: 
suite d’une blâmable incurie. | 

Telle est la description de la province « plus grande 
en.sa répubatioh qu’en son estendue » (1) dans les limites 
de laquetle vivait la nation comtoise : moins pittoresque 
que celle de Gollut, elle est, à certains égards, plus com 
plète ; climat, faune, flore, richesses naturelles du sol, elle 
embrasse tout ; on ne pourra, au siècle suivant, qu’y ajou- 
ter peu de chose et il faudra attendre près de trois cents 
ans avant qu’un écrivain de marque pénètre plus avant 
dans La compréhension de l'influence des lieux sur ke earae- 
tère des habitants (2). | 

Les pages qui suivent sont consacrées aux trois ordres 
dont. les représentants composent. les États appelés à voter 
le don grctuït : elles ne donnent pas la composition de ceux- 
ei, comme d’autres auteurs lavaient fait (3), mais indiquent 
simplement ce que comprend chaque ordre. 


tt} Bovvin, Le sièse de la ville de Dole, capitale de l@ Franche-Comté 
de Bourgongne, et son hewréuse délisraree, D. +. 

(93 On devine Œque je veux parler du livre de M. Lucie” Febvre sur 
Philippe LE & l« Franche-Comté (Paris, 2919, in-85}. Fier de plus sai 
sissañt, de plus exact que les premiers ehapitres de cet éëvrage ; ja- 
mais on n’a mieux rendu la physionomie de la provice au ternps de 
a doinination espagnole ; une-sééonde leeture ne modifie pas À jugement 

que j’en ai porté dans Une thèse d'histoire frane-comtoise (2913, p. %. 
__ (87 Notamment. Crabriet-Michel de la Rochenraïlot dans le TAdérre 
géographique du. royaume de Frarce, éonteniant les cartes ef desertpticrts 
partieutières des provinces d'iceluy, de Jean le Clerc (1632). CF Dr Ro 
BAND, Études sur la cartographie ancienne de læ Franche-Comté, Deu- 


aième. partie : les cartes du comté de Bourgogne APRES at LL Pi Ad 
cle, p. 422. 


‘Go gle 


— 116 — 

Prince du £aint-Empire, l’archevêque de Besançon (1) 
a sous lui les évêques de Bâle, de Lausanne et de Belley, 
26 abhbés, 7 abbesses, 15 doyens, 122 prieurs, 20 chapitres 
de chanoines, 91 couvents, 49 familiarités (2) et 768 paroisses, - 
.La..noblesse comprend le gouverneur, les beillis,. les 
marquis (3), les comtes, les barons: les colonels, les lieu- 
tenants-colonels, les capitaines et les commercents des 
places. 

Au troisième état appartiennent les meml rc: du parle- 
‘ment, de l’université et de la chambre des comptes, les 
officiers de justice, les avocats, les greffiers, les procureurs, 
les notaires et les lettrés * en dernier lieu viennent les 
marchands, les artisans, les laboureurs et les vignerons. 


(1) Lorsque Tissot commença à écrire son livre, l’archevêque de 
Besançon était Ferdinand de Longwy, dit de Rye, abbé de Saint-Claude 
et de Cherlieu, prieur de Saint-Marcel, d’Arbois et de Gigny, maître des 
requêtes au parlement de Dole, fils de Gérard de Rye de la Palud, sei- 
gneur de Balançon, et de Louise de Longwy, marquise de Treffort, 
dame de Vuillafans. Enfermé dans Dole pendant le siège, il mourut à 
Courtefontaine, le 20 août 1636, comme il se rendait après la délivrance 
de la ville à sa maison de Châteauvie: x. Il eut pour successeur son 
neveu et coadjuteur François de Rye de la Palud, archevêque de Cé- 
sarée, abbé d’Acey et premier aumônier du cardinal infant, fils de 
Christophe de Rye de la Palud, marquis de Varambon, comte de Varax 
et de la Roche, chevalier de la Toison d’or, et d’Éléonore Chabot. 
Celui-ci étant mort à Bruxelles, le 17 avril 1637, avant d’avoir pris 
possession de son siège archiépiscopal, le chapitre métropolitain élut 
archevêque, le 23 mai, Claude d’Achey, abbé de Baume et haut doyen 
du chapitre, fils de Jérôme d’Achey, baron de Thoraise, seigneur de 
Vereux, Velleclaire, Villerschemin, Audeux, Pelousey, etc., gouverneur 
de Gray, bailli et colonel d’Amont, et de Rose de Bauffremont. 

(2) Le manuscrit porte : 39, mais, on le verra plus loin, c’est une 
méprise du copiste. 

(3) La qualité de marquis était peu prise en Franche-Comté : depuis 
la mort du marquis de Marnay et du marquis de Listenois, il n’y avait 
que les marquis de Saint-Martin, de Varambon, de Conflans et d’Ogliani 
à l’avoir, encore était-ce à titre étranger. Après la réunion de la province 
à la France, les gentilshommes franc-comtois firent, à l’exemple des 
gentilshommes français, ériger leurs terres en marquisats. V. Baron 
H, DE WoELMONT, Les marquis français, p. 3, 25, 41, 51, 54, 61, 68, 
69, 95, 97, 105, 113, 421, 132, 140, 141 et 147. 


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-- 117 — 

On parle couramment le irançais, avec toutefois des 
différences de locutions et d’accent suivant les villes (1). 
Dans les villages, le parler est rude, négligé. Le langage des 
nobles, des sevants et des citadins est si poli, si élégant ct 
si délicet qu'on se demande si les. Français le tiennent 
d'eux ou si cux-mêmes l'ont emprunté .des Français (2). 

Sauf. quelques exceptions, l'habillement. des gens du 
peuple est plus soigné que dans aucune autre. netion. 

Ce qui serait à reproduire textuellement, c’est ce que Tis- 
sot dit de ses compatriotes. Il vante leur honnétcté, leur 
franchise, leur affabilité, principalement à l'endroit des 
étrangers, meis ne dissimule pas qu'entre eux ils sont fort . 
enclins à le médisence, à la colère, à le raneune (3) ; les 


(1) Ceci | s’observe de nos jours : l'accent de Dole par exemple n’est 
pas celui de Besançon. 

(2) « Villaticum idioma rude et i: un usque ac per doruptelant: 
urban: rum, doct: rum et nobilium polita, elegans et tersa ut dubitare 
possis utrum ab his Galli an vero a Gallis ipsi mutuati sunt (fol. 18 v°). » 
Si l’ouvrage de Tissot avait été imprimé, ce passage aurait fait sourire 
Vaugelas, Balzac et Chapelain. Cf. E. Droz, Causerie sur Le parler 
bisontin à propos d’un dictionnaire comtois-français du XVIIIe siècle, 
dans les Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, année 1919-1920, 
p. 14. 

(3) Au siècle précédent, le cardinal de Granvelle dénonçait déjà les 
« envies » et les « partialitez » de Bourgogne ; suivant lui, on tient « que 
les plus saiges sont ceulx qui plus soubçonnent et interprètent ce qu’ils 
voient à pis. : Antoine Brun appelait l’envie et la médisance « deux 
maladies bourguignottes. » Claude d’Achey écrira : « II y a longtemps 
que l'envie et la médisance de Bourgougne a passé en proverbe », et 
un homme d’État espagnol dira en parlant: de notre pays : « I1 semble 
que le climat y porte les personnes à désunions et mauvaises intelli- 
gences. » Le président du conseil privé des Pays-Bas s’était fait fort 
de montrer « deux cens lettres de Bourguignons qui se tendoiïent qu’à 
deschirer la réputation les uns des autres. » Les choses ont-elles beau- 
coup changé depuis l’époque où un historien franc-comtois écrivait : 
« La jalousie est le vice perpétuel denostre nation?» Cf. Le cardinal de 
Granvelle à Jacques de Saint-Mauris, 14 juillet 1578. — Papiers d'État ' 
du cardinal de Granvelle,t. VII, p. 125 ; Brun à Philippe Chifflet, Dole, 
13 mai 14630 ; Boyvin au même, Dole, 7? novembre 1635 ; l'archevêque 
de Besançon au même, Besançon, 28 juin 1637. — Miss. Chifflet, t. CII, 
fol. 281, t. CXXX, fol. 90, et t. CXXXI, fol. 512; Sarmiento à la cour, 


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— 118 — 

disputes, les procès, les désaccords re sont que trop fré- 
quents. Ce qui est au-dessus de tout éloge, c’est leur atta- 
chement à la religion chrétienne, leur obéissance à leurs 
princes {1} ; ils embressent per suîte volontiers la carrière 
des armes ; braves, généreux, prodigues de leur seng, ils 
n'ont besoin que d’être exercés pour faire de Eons soldats. 

De täille moyenne, les habitents du comté de Bourgogne 
arrivent à un âge avancé ; beaucoup dépassent quatre- 
vingts ans ; il y en a même qui sont plus que centenaires {2); 
telle l’eïeule de l’auteur qui, après evoir eu treize enfants, 
_put voir et élever soixente-quinze petits-enfants et arrière- 
petits-enfants, dont vingt-cinq entrèrent en religion. 

Tissot n’a pas assez de louanges pour les paysens, qu'il 
peint supportant patiemment le froid, le chaud, la soif, 
les veilles. Les femmes travaillent autant que les hommes, 
surtout dans les montsgnes. C’est des montegnes que sor- 
tent les moissonneurs, les feucheurs, les tisserends, les wi- 
triers, les tailleurs de pierre, les maçons, les forgerons qui 
Salins, 12 août 1638. — Corr. du parlement. Arch. du Doubs, B 238 : 
GiRARDOT DE NozERoY, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de 
Bourgougne, p. 134 

(1) A l'ouverture des États de 1629, il avait été rappelé que « la reli- 
gion et la fidélité, marques anciennes de la Franche-Comté de Bour- 
gongne », y avaient « toujours esté sainctement vénérées et mainte- 
nues comme loix fondamentales de l’Estat. » A. DE Troyes, La Franch.2- 
Comté de Bourgogne sous les princes espagnols de la maison d’ Autriche : 
les recès des Etats, t. II, p. 456. 

(2) « Ad vigesimum enim centesimum annum quamplurimi solent 

vitam protr ahere. » GizsertT Cousin, Opera multifarii argumenti, p.352. 
« L’on y treuve des viellards de six et sept vingt ans qui travaillent 
encor et monstrent une viellesse verde et robuste, sans vices et incom- 
modités de gottes et d’autres telles infirmités qui accompagnent les 
viellards jusques au tombeau. Et ce qui est le plus admirable, c’est que 
la plus part de ces viellards sont pères de quatrième et cinquième 
lignée et qui hont en leur verd eage estés si fors que de lever en ault, 
sans appuy et sans aide que de leurs bras soustenir un quart de quehue : 
de vin et en iceluy boire à l’aise par le bondon.» GoLLu?, Les mémoires 


historiques de la république séquanoise et des princes de la Franche- 
_ Comté de Bourgougne, p. 93. | 


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— 119 — 

tous les ans émigrent en masse dans les régions voisines 
de la France et de l'Allemagne et en rapportent beaucoup 
d'argent. La vigne ne croît pas sur ces hauts plateaux 
couverts de neige pendant six 'mois, mais ceux qui les 
habitent se procurent par le commerce tout ce qui leur est 
nécessaire ; ils font eux-mêmes leurs vêtements et leurs 
chaussures. 

Ce ne sont pas seulement les Franc-Comtois qui fré- 
quentent les cours de l’université (1) et les collèges ; les 
Français et les Allemands y viennent aussi apprendre 
les sciences él les arts libéraux. Les Jésuites forment les 
jeunes gens à la vertu et aux belles-lettres ; les Ursulines 
se vouent à l’enseignement des jeunes filles (2). 

Suivent des indications sur les tribunaux des baïlliages, 
les pouvoirs judiciaires du magistret des-villes (3), là com- 
position du parlement et de la chambre des comptes, la 
correspondance avec les Pays-Bas (4) ct l’officialité diocé- 
saine. 


(1) Cf. sur l’université de Dole, GoLLuT, op. cit., p. 155 ;: GRIZKOFLER, 
Mémoires, p. 119 ; J. Cuirrier, Burgundia libera, sive de statu diberi 
Buürgundiæ. comitatus (Bibl. de Besançon), fol. 32 v° ; LABBEY DE 
Bi'ziLy, Histoire de l’université du comté de Bourgogne (Besançon, 1814, 
2 vol. in-80); H. B£AUNE et J. D'ARBAUMONT, Les universités de Franche- 
Comité : Gray, Dole, Besançon (Dijon, 1870, in-80) ; M. LaAuBERT, L’en- 
seignement du droit en Franche-Comté, dans les Annales franc-comtoises, 
2e série, t. 111, p. 116 ; KB. Loncin, La nation flamande à l’université 
de Doie (Gand, 1902, in-8°). 

(2) Cet enseignement était alors une nouveauté. Cf. L’abbé J. Mo- 
REY, Anne de Xainctonge et les Ursulines en Francke-Comié, t. I, p. 57 ; 
G. Goyau, Une fondation scolaire au temps d'Henri IV : Anne de Xaïnc- 
tonge, p. 11. 

{8) A Dole, à Gray et à Salins, le maire prenait le titre de vicomte. 

(4) 1 part it tous les quinze jours un courrier pour les Flandres. 
En 1686, le maître général des postes au comté de Bourgogne était 
le procureur Pierre-François Corbethon, qui trois ans! plus tard, fut tué 
dans une sortie des habitants de Gray contre les Français. E. Lon- 
GiN, Les Français aux Capucins de Gray (24-25 juin: 1639), dans le Bul- 
letin de la Société d'agriculture, sciences et arts de 7e Hauté-Saône, 
année 1887, p. 9. 


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— 120 — 


Les Bourguignons, poursuit Tissot, ont été les premiers 
à recevoir le baptême en Europe, d’où leur est venu le 
surnom de Bourguignons salés (1); aussi tout manquement 
aux lois de l'Église est-il puni chez eux avec la dernière 
rigueur (2). Les maisons religieuses sont nombreuses dans 
la province : il n’est pas sans intérêt de reproduire ici l’énu- 
mération que le manuscrit de Vesoul en fait. 

Francisceins conventuels à Gray, à Selins ct à Besançon. 


Franciscains de l’Observance à Arbois, à Chariez, à 
Dole, à Lons-le-Saunier, à Montbozon, à Nozeroy, à Pro- 
venchères, à Rougemont et à Sellières. 

Augustins à Besançon, à Mont-Roland, à Goailles, à 
Pontarlier, à Champlitte, à Saint-Amour, à Châtel-sur- 
Salins, à Laval et à Lantenans. | 

Prémontrés à Corneux (3). 

Bénédictins à Besançon, à Saint-Claude, à Luxeuil, à 
Salins, à Gigny, à Vaux-sur-Poligny, à Dole, à Faverney, 


(1) V. l’explication que Gollut donne de « ce très agréable broquard, 
duquel jusques à oiïres nous nous glorifions, combien que les 
corrompus, envermisselés et mal salés s’en mocquent. » Les mémoires 
historiques de la république séquanoise et des princes de la Franche-Comté 
de Bourgougne, p. 40. 
(2) En veut-on deux exemples ? En 1629, un pauvre diable des envi- 
rons de Saint-Claude avait été condamné à mort pour avoir, pendant le 
carême, mangé « de la chair d’une jument morte en ceste ville et escor- 
chée au lieu du Pré, proche icelle ville, » et « de la chair d’un veau 
qui estoit mort de pauvreté et maladie en une grange proche ladite 
ville, » Postérieurement à la conquête française, le maïeur de Dole con- 
damna, le 16 février 1675, un rertain Jean Mourey à être pendu pcur 
« le huitième septembre de l’an courant mil six cent septante quatre, 
environ les sept heures du soir, jour de sambedy, qu’estoit la feste 
Nativité Nostre-Dame, avoir mangé d’une espaule de mouton fricassé: 
avec un soldat au lieu d’Azans » et un arrêt du parlement du 21 mai 1675 
confirma le jugement de la mairie. » — Archives historiques, artistiques 
et littéraires des 1° mars 1890 et 1° mai 1891. 

(3) Le ms.'901 de Besançon ne mentionne pas les Prémontrés de 
Corneux. Il n’y a plus, d’après lui,de Franciscains conventuels à Arbois 
et à Montbozon, ni d’Augustins à Besançon, à Mont-Roland, à Goail- 
les, à Châtel-sur-Salins, à Laval et à Lantenans. 


l 


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— 121 — 
à Arbois, à Morteau, à Mouthier-Hautepierre, à Vau- 
cluse et à Mont-Roland. 

Dominicains à Besançon et à Poligny (1). 

Carmes ordinaires à Besançon et à Clairvaux. 

Carmes déchaussés à Dole, à Salins et à Marnay (2). 

Capucins à Besançon, à Dole, à Gray, à Salins, à Vesoul, 
à Lons-le-Saunier, à Poligny, à Baume, à Pontarlier, à 
Orgelet, à Pesmes, à Jussey, à So à Luxeuil et 
à Saint-Amour (3). 

Collèges de Jésuites à Besançon, à Dole et à Vesoul, 
plus des résidences à Gray, à Pontarlier, à Montbozon, à 
Mouthe, à Jouhe et à Jonvelle. | 

Minimes à Besançon, à Dole; à Arbois, à Ornans, à 
_Rupt, à Morteau, à Marnay et à Arlay. 

Récollets à Chemilly (4). 

Nombreux hôpitaux possédant de riches biens- fonds et 
disposant d’abondantes ressources. 

Clarisses à Besançon, à Salins et à Poligny. 

Carmélites à Besançon et à Dole. 

Annonciades à Vesoul, à Pontarlier, à Saint-Claude, à 
Nozeroy, à Dole, à Champlitte, à Gray et à Seint-Amour. 


(1) Je ne sais comment Tissot omet de citer le couvent des Domini- 
cains de Montbozon, dont la chapelle est aujourd’hui Péglise paroissiale. : 

(2) Le ms. 901 de Besançon mentionne des Carmes de l’ancienne 
Observance à Vesoul et des Carmes déchaussés à Besançon et à Gray. 

(3) Le même manuscrit montre les Capucins établis à Arbois, à Fau- 
cogney, à Vuillafans et à Gy. Les humbles fils de saint François étaient 
les religieux les plus goûtés du peuple. Cf. Le P. FoDÉRÉ,. Narration 
historique ettopographique des convens de l’Ordre S, François et monas- 
.tères S. Claire érigez en la province communément appelée de Bour- 
gongne, à présent de Saint-Bonaventure, p. 652 ; B. PRoST, Documents 
inédits relatifs à l’histoire de la Franche-Comté, p. 325 ; l’abbé J. Morey, 
Les Capucins en Franche-Comté, p. 55. 

(4) Tissot oublie les Chartreux de Bonlieu et de Vaucluse. D’après 
le ms. 901 de Besançon, il n’y avait plus de Minimes à Arlay, mais il y 
en avait à Notre-Dame de Consolation ; les résidences des Jésuites à 
Mouthe et à Jouhe n’existaient plus ; celle de Gray s’était transformée 
en collège ; les Récollets n’avaient plus de maison à Chemilly. . 


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— 122 — 

Visitandines à Besançon, à Champlitte et à Saint- 
Amour. | 

Ursulines à Besançon, à Dcle, à Gray, à Pontarlier, à 
Arboïs, à Vesoul, à Vercel ef Saint-Hippolyte. 

Tiercelines à Dole et à Gray (1) 

Il y a un peu partout des ermites (2). 

Tissot ne pouvait pas ne pas parler des principales dévo- 
tions de la province après avoir énuméré les saints issus 
des rois et des cemtes de Bourgogne (3). 

Qui ne connaît, dit-il, ce vénérable suaire de Notre- 
Seigneur (4j qu’on montre à Besançon deux fois par an, 
le jour de la Résurrection et le dimanche qui suit l’Ascen- 
sion ? Non moins célèbre est la dévotion à saint Claude, 


(1) Le ms. 901 de Besançon montre les Carmélites à Gray, à Salins 
et à Arbois ; les maisons des Annonciades d2: Besançon et de Saint- 
Amour avaient disparu, ainsi que la Visitation de Saint-Amour ; les 
Visitandines s’étaient, par contre, établies à Dole, à Salins et à Gray, 
les Ursulines à Saint-Claude et à Ornans, et les Tiercelines à Salins et 
à Arbois. | 

(2) Au xvrie siècle, il y avait en Franche-Comté quarante-quatre 
ermitages : Arboiïs, Arlay, Asnans, Besançon, Besuche, Bonnay, Cham- 
plitte, Charnay, Chatel, Châtillon-le-Duc, Conliège, Dole, Indevillers, 
Godoncourt, La Bretenière, La Charité, L’Hermitage, Lons-le-Saunier, 
Lorette, Moïissey, Mont-de-Vanne, Mont;eu, Montlezun, Mont-Roland, 
Orgelet, Ornans, Pesmes, Poligny, Queutrey, Saint-Amour, Saint-Au- 
bin, Baint-Berthaire, Saint-Bonnet, Saint-Claude, Saint-Léonard, 
Saint-Loup, Saint-Maximin, Saint-Valbert, Sainte-Anne, Sainte-Cécile, 
Salins, Soye, Velesmes, Voisey. Mss, Dunand, t. XX XI, fol. 27. 

(3) À saint Sigismond, saint Gontran, sainte Clotilde, saint Désiré, 
saint Eutrope, saint Germain, saint Claude, saint Lionel, saint Hu- 
gues, saint Antide, saint Désiré, saint Bruno et saint Vorle, le ms. 901 
de Besançon ajoute saint Donat. « | 

(4) Cf. sur le Saint-Suaire de Besançon, J.-J. CHirrLET, Vesontio, 
civitas impertialis, Sequanorum metropolis, part. 11, p. 108 ; Ip., De 
linteis sepulchralibus Christi, p. 27 ; Duno», Histoire de l'église de Be- 
sançon, t. I, p. 101 ; l’abbé Ricuanp, Histoire des diocèses de Besançon 
et de Saint-Claude, t, I, p. 444 ; J. GAUTHIER, Notes iconographiques sur 
le Saint-Suaire de Besançon, dans le Bulletin de l’Académie des sciences, 
belles-lettres et arts de Besançon, année 1883, p. 288 ; 1D., Le Saint- 
Suaire de Besançon et ses pèlerins, dans les Mémoires de la Société 
d’émulation du Doubs, année 1902, p. 164. 


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— 123 — 
patron de la province ; on vient de loin vénérer son corps 
. demeuré intact au bout de plus de huït cents ans comme 
preuve de sa seinteté (1). 

L'an 1608, la ville de Dole reçut une des hosties conser- 
vées au milieu des flammes à Faverney (2) ; la châsse qui 
la renferme est un don des erchiducs ; on la garde dans 
une chapelle de la grande église construite et ornée aux 
frais des avocets (3) ; tous les ans, le surlendemain de la 
Pentecôte, elle est solennellement portée en procession 
par les rues et les places, suivie d’une foule de citoyens et 
adorée par un grand nombre d'étrangers venus exprès. 

Il existe enfin au comté de Bourgogne de nombreuses 


(1) On sait à quel péril le corps de saint Claude échappa pendant 
la guerre de Dix ans, A. VUuILLERME, Relation de l'incendie de Saint- 
Claude en 1639, dans les Mémoires de la Société d’émulation du Jura, 
année 1902, p. 258. 

(2) Nul n’ignore par quel éclatant prodige il plut à la divine Provi- 
dence de récompenser et de confirmer l'attachement de nos pères à la 
foi catholique, alors que tout autour d'eux l’hérésie niait le dogme 
de l’Eucharistie. Miraculeusement préservées de l'incendie qui, dans 
la nuit du 23 au 24 mai 1608, consuma le reposoir sur lequel elles étaient 
exposées, deux hosties consacrées restèrent suspendues en l’air pen- 
dant plus de trente heures à la “vue d’une foule innombrable accourue 
des villes et des villages v. isins de l’abbaye de Faverney ; au bout de 
ce temps, l’estenecir redescendit de lui-même eur l’autel dressé pour 
remplacer celui que le feu avait détruit ; une enquête fut ouverte par 
l'archevêque Ferdinand de Rye et cinquante-neuf témoins furent en- 
tendus. Les procès-verbaux de cette enquête ont été concervés, et, 
après en avoir pris connaissance à l’époque où il administrait le dé- 
partement de la Haute-Saône, Amédée Thierry n’a pu se défendre de 
dire qu'il n’y a pas de fait historique mieux prouvé. Tous les documents 
relatifs à ce fait sans précédent sont réunis dans le volume suivant : 
Le miracle de la Sainte Hostie conservée dans les flammes à Faverney, 
en 1608 : notes et documents publiés à l'cccasion du III® centena re du 
miracle (Besançon, 1968, in-8c). Cf. J. Gautier, La Sainte Hostie de 
Faverney, (Besançen, 1901, in-8c); A. Pivoux, Histoire dela Sainte Hos- 
tie (Dole, 1902, in-8') ; l'abbé EBERLÉ, Faserney, son abbaye, et le mi- 
racle des Saintes Hosties (Luxeuil, 1915, 2 vol. in-8 }). 

(3) E. Micnarer, La sainte Chapelle de Dole et la confrérie de saint 
Yves des avocats, p. 57 ; C. Rance De Guiseuiz, Les chapelles de l’église 
de Notre-Dame de Dole, p. 151. 


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er de 
images miraculeuses de la sainte Vierge. Telle est la sta- 
tuette taillée dans un morceau du chêne de Montaigu eu. 
Brabant (1), qu’on expose à la vénération des fidèles dans 
la chapelle du couvent des Capucins de Gray (2); à certains 
jours de l’ennée, mais principalement aux fêtes de la 
Jienheureuse Vierge, quentité de pèlerins viennent dens 
cette chapelle acquitter des vœux ou achever des neuvæ1- 
nes (3). | | 

A cette étude topographique de la Franche-Comté 
succède un court abrégé de son histoire : « Genealogia 
regum ac principum Burgundiæ (fol. 27 vo-51 vo)» C'est, à 
mon sens, la partie la moins intéressante du volume 
elle n’apprend rien qu’on ne sache déjà. 

Le récit, au surplus, ne commence à prendre vie qu’à 
partir de Cherles le Härdi (4). Tissot, qui raconte exacte- 


(1) NUMAN, Histoire vande Mirakelen die olancx in grooten getale 
gebeurt zyn door intercesse ende voor-bidden van die H. Maget Maria, 
op een plaetse ghenoemt Scherpenheuel by die Stadt van Sichen in Bra- 
bant (Louvain, 1604, in-8 ). | 

(2) Lorsque les préparatifs de la France ne Jlaissèrent plus de doute 
sur l’imminence de l'invasion, cette statuette fut rapportée chez les 
Tiercelines de Gray. Cf. sur la dévotion à Notre-Dame de Gray. Proces- 
sion à Notre-Dame de Gray en 1631, dans les Mémoires et documents 
inédits pour servir à l’histoire de la Franche-Comté, t. I, p. 485 ; le P. Lu- 
DOVIC DE ÏJAVERNEY, ÂVouvelle histoire des hosties miraculeuses de 
Faverney et des miracles de Notre-Dame de Gray (Bibl. de Besançon), 
fol. 25 ; le P. ne MonrTéprin, Histoire abrégée des merveilles opérées dans 
la chapelle de Notre-Dame de Gray (Gray, 1757, in-12) ; A. DE TROYES, 
La Franche-Comté de Bourgogne sous les princes espagnols de la maison 
d’ Autriche : les récès des Etats, t. II, p. 464 ; E. Loncin, Vœu de Dole 
à Notre-Dame de Gray (Dole, 1897,in-12) ; l'abbé VizzeREY, Notre-Dame 
de Gray : étude sur la vie religieuse à Gray depuis 1620 (Gray, 1909, : 
in-12) ;, Mgr PerirT, Notre-Dame de Gray : le culte de la T. S. Vierge en 
Franche-Comté, et le couronnement de Notre-Dame de Gray (Gray, 1909, 
in-12). 

(3) Le passage relatif à Notre-Dame de Gray n’est pas traduit dans 
le ms. 901 de Besançon. 

(4) On nous à parfois reproché, à nous, Franc-Comtois, de ne pas 
conserver au dernier des grands ducs d’Occident le nom sous lequel il 
est connu dans l’histoire. C’est que ce nom ne donne pas une idée 


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— 125 — 
_ ment la fin de ce prince, lui rend ce témoignage, à propos 
des défaites de Granson et dé Morat, que la mort seule 
pouvait ‘faire fléchir son courage (1). Les portraits de 
Charles-Quint et de Philippe II sont à lire ; il est rapporté 
du mélancolique habitant de l’Escurial un propos où se 
peint au vif l’idée qu’il se faisait de ses devoirs. « Philippe II, 
dit Tissot, aimait à comperer sa charge de roi au difficile 
métier de tisserend : l’un et l’autre, en effet, exigent tout 
l’homme. Le tisserand travaille des mains et des pieds ; 
il doit constamment avoir les yeux attachés sur son ou- 
vrage. Si un roi n’en fait pas autant, il ne s’acquitte pas 
de sa charge. Un fil du métier vient-il à se rompre, le tis- 
serand doit le rattacher ; si les fils s'emmêlent, il faut les 
dénouer ; souvent d’un coup de ciseau on détruit tout 
l'ouvrage. Même chose à un roi qui règne sur tant d’États : 
tantôt un royaume tend à faire défection, tantôt un sutre : 
tantôt ici, tantôt là des soulèvements intérieurs surgis- 
sent (fol. 44). » N'est-ce pes cette application sans relâche 
à sa tâche écrasante qui explique la figure que ce monar- 
que fait devant l’histoire en dépit de ses détracteurs (2) ? 
Pleine justice est rendue au gouvernement bienfeisant 
de l'infente Isabelle-Cleire-Eugänie (3). On ne saurait 


complète d’un prince à qui l’on ne peut refuser les plus éminentes 
qualités ; les contemporains du reste ne l’appellent jamais que le 
Belliqueux, le Travaillant, ou, comme nous, le Hardi. 

(1) « Vi majori vinci quidem prælio dux noster poterat, sed cedere 
animo nisi moriens minime (fol. 37). » 

(2) On n’a pas tort de dire, au sujet de Philippe IL, que « l'étude des 
documents qui, depuis un demi-siècle, ont été mis au jour nous révèle 
un homme tout différent de l’homme de la légende huguenote. » Com- 
tesse DE VILLERMONT, L’injante Isabelle, gouvernante des Pays-Bas 
t. I, p. 9. Cf. C. Brarzi, Philippe II, roi d'Espagne : étude sur sa vie et 
son caractère (Paris, 1912, in-8‘); E. Loncin, Philippe II: l’histoire et 
la légende, dans le Bulletin de l’Académie des sciences, belles-lettres et 
arts de Besançon, année 1914, p, 161. 

(3) Relevons en passant un lapsus de Tissot : ce ne fut pas en 1622, 
mais en 1621, que l’infante Ysabolie- -Claire-Eugénie devint veuve. 


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— 126 — : 
d'ailleurs trop vanter la sainte princesse dont un Français 
a pu dire : « Il n’y a pas eu tant de vertus dans le trône 
depuis nostre roi saint Louis » (HE), et sa mémoïxre, comme 
celle de l’archiduchesse Marguerite (2), n’est pes près de 
s'étendre em Franche-Comté (3). Elle morte, le eardinal 
infant, son neveu, lui succède : il arrive à Bruxelles, tout 
couvert des lauriers de l’éclatante victoire de Nordlingen ; 
ik doit, l’année suivante, défendre le Brabant contre Îles 
Franecis unis aux Hollandas ; il ne peut empêeher les coa- 
lisés de saccager Tirlemont (4), maïs emporte de vive force 
le fameux fort de Skenck, situé à ka pointe de l’île de 
Betaw, que les Étate-Généraux ne reprennent, au prin- 
temps de 1636, qu'après un siège de trois mois. 

Quatre pages sont consacrées au siège de Dole par le 
prince de Condé(5}. Travaux des assiégeants, assauts donnés 
en van, sorties des assiégés, effets du canon, des bombes 
et des mines, chute du elocher de Féglise Notre-Dame, 
tout est raprdement conté jusqu’au moment où Farrivée 
du duc de Lorrame, jointe à la diversion opérée en France 


(1) Gouras, Mémoires, t. I, p. 214. 

(2) Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays Bas c et du comté 
de Bourgogne, fille de Maximilien 1°", empereur, et de Marie de Bour- 
gogne (10 janvier 1480-1er décembre 1530). 

(3). J’ai essayé d’acquitter une partie de la dette: de nes ateux envers 
la bonne gouvernante par ma Contribution à Phistoire de l'infante Isœ- 
belle-Claire-Eu génie, dans le Bulletin de: la Société d’agriculture, seiences 
et arts de la Haute-Saôre;année 1908, p: 394. 

(4) Le sac de la ville de Tirlemont, au mois d'avril 263%, fut une ehose 
épouvantable. V. Rela: ion verdadera de lo que he passado: er la villa 
de Terlimon por les dos exereitos frances y olandes, ympreëa el afto 
de: 1685 y tradueida de: frances en la lengua eastellans por Bernardo 
de: Zevwallos y Arce. — Mss, Chifflet, &. LXIX, fol. 354; Theatrum 
ÆEuropæum, &. IT, p. 457 ; Penrris, Mémoires, t. IE, p. 142. 

{sk Henri ÉI de Bourbon, prince de Condé, premier prince du: sang et 
premier pañr de France, lieutenant général €2s « smées du ni ef gou- 
verneur de Berry, de Bourgogne et de Bresse, fils de: Henri l'ex de Bour- 
bon, prince de Condé, et de Charlotte-Cafherine de la Trémeille, sa 
seconde femme (4° septembre 1588-26 décembre 1446). 


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— 127 — 

par le cardinal infant, contraint le prince à la retraite. 
« À présent la province pourrait vivre plus en paix, si les 
troupes auxiliaires ne vivaient à discrétion sur le pays, 
dévastant tout. dans la malheureuse Bourgogne. Dieu veuille 
que de meilleurs jours reviennent {1}! x 

En finissant, Tissot ne peut se tenir de se plaindre de 
ses « malveillants », de ses envieux. « Si Dieu, dit-il, me 
donne prochainement plus de loisirs, je me réserve de met- 
tre au jour beaucoup de particularités qu’il reste à remé- 
morer ; elles méritent un style plus élégant, une trame plus 
forte ; mon ambition est de les exposer plus au long et plus 
cn détail. Tel cst le but que je visais, bien que la tâche fût, 
je l'avoue, au-dessus de mes forces par l'importance du 
sujet, si le temps de limer cet ouvrage ne m'était ravi par 
la faction secrètement conjurée contre moi qui en veut à 
mon intégrité et à mon repos. Il importe au roi, comme au 
bien public, qu'on réprime les coupables sévices de mes 
ennemis ; je m’y efforce généreusement, ce qui m’oblige 
à m'interrompre, saisi de fatigue. Pardonne-moi, je t'en 
prie, ami lecteur, d’avoir moins amplement parlé de ma 


patrie qu'il ne l'aurait fallu en bonne règle. J'ai dit 
(fol. 51). » 


[TI 


La troisième partie du manuscrit de Vesoul n'est autre 
que le pouillé du diocèse de Besançon : « Sillabus benefi- 
ciorum ecclesiasticorum Comitetus Burgundiæ hisuntinæ 
diæceseos, dispositione alphahetica digestus (fol. 52-106).» 
On ne le comparera pas sans fruit à celui que Dunod a 
donné au milieu du dix-huitième siècle (2). | 


(1) Ce qui regarde le siège de Dole n'est pas traduit dans le ms. 901 
de Besançon. : 

(2) Histoire de l'église de Besançon, t. IE, p. 386. Cf. D? Meyer, 
La Franche-Comté et l’Ajoie en 1789, dams les Annales frane-comtoises, 
2° série, t. I, p. 310. 


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— 128 — 

Pour les abbayes et les prieurés, ce pouillé comporte 
cinq colonnes parallèles, « viculos articulatim parallelos 
et perpendiculares. » Dans la première colonne est le nom 
du bénéfice et dans la seconde le nom du patron ou colla- 
teur ; la troisième indique à quel ordre religieux ce béné- 
fice appartient ; la quatrième, quel est son revenu tempo- 
rel ; enfin la dernière fait connaître dans quel bailliage 
il se trouve (1). 

Prenons, par exemple, l’abbaye cistercienne qui vient 
en tête de la liste des « Virorum et masculini sexus cœno- 
bia (fol. 52 vo). » Nous trouvons : « Nomen : Abbatia 
Assei / Colator : Comites Burgundiæ / Ordo : St Bernardi / 
Reditus : 4.000 hb. / Dynastia Dolæ. » 

On voit quel intérêt offre ce tableau des bénéfices ecclé- 
siastiques de la province. 

Les abbayes filles de Cîteaux sont au nombre de treize : 
Acey, Balerne, Bellevaux, Bithaine, Buillon, la Charité, 
Cherlieu, Clairefontaine, la Grâce-Dieu, Lieu-Croissant, 
autrement dit les Trois-Rois, Mont-Sainte-Marie, Rosières, 
Theuley. Les Bénédictins ont. Baume, Damparis, Faverney, 
Lure, Luxeuil, Remiremont, Saint-Claude et Saint-Vincent; 
les Prémontrés, Belchamp et Corneux. Les chanoines régu- 
liers de Saint-Augustin sont établis à Goailles, à Monthe- 
noît et à Saint-Paul. 

De toutes ces abbayes la plus riche est Saint-Claude ; 


{ 1) Personne n’a signalé, à ma connaissance, que dans les notes margi- 
nales des « Cayers des abbayes, priorez et aulstres hénéfices du comté 
de Bourgogne, tant de ceulx que l’on tient estre du patronaigeet no- 
mination de sa Majesté et comprins en l’indult qu’aultres non conven- 
tue1z estant de la collation de l’ordinaire, avec la valeur du revenu d’ung 
chascung desd. bénéfices par chascune année », dressés par les juges 
des bailliages en vertu d’une ordonnance du parlement, il s’en trouve 
un certain nombre de la main de Tissot indiquant par qui tel ou tel 
bénéfice est tenu « en l’an présent 1621. » Un Jacques Tissot jouit du 
prieuré de Saint-Thiébaud, dont le revenu est de 5 à 600 livres. Mss. 
Chifflet, t. XIX, fol. 11-26. 


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…— 199 — 

son revenu est évalué par Tissot à 30.000 livres (1). Après 
viennent Lure, valant 25.000 livres de rente, Luxeuil, 
24.000, Cherlieu, 18.000, Faverney, 14.000, Baume, 13.000. 
Belchamp, la Charité, Montbenoît et Mont-Sainte-Marie 
rapportent 12.000 livres (2), Bellevaux, 10.000, Balerne 
et Saint-Paul 8.000, Theuley, 6.000, Lieu-Croissant et 
Saint-Vincent, 5.000, Acéy, Bithaine, Clairefontaine et Ro- 
sières, 4.000, Corneux, 3.500, la Grâce-Dieu et Goailles, 
3.000, Buillon et Damparis (3), 2.000. Le revenu de Remi- 
remont n’est pas indiqué, 

À l'exception de Belchamp, qui dépendait du comté 
de Montbéliard, et de Remiremont, qui appartenait au 
duc de Lorraine, ces abbayes avaient toutes pour colla- 
teur le roi catholique en sa qualité de comte de Bourgogne. 
Par un imdult du 24 janvier 1600, le pape Clément VIII (4) 


(1) H ne fut plus guère que de moitié après la guerre. « L’abbaye de 
Saint-Claude écrivait le président du parlement de Dole,valoit en temps 
de paix 25 mille livres pour le plat de l’abbé ; encore aujourd’hui, l'on 
en peut tirer quatorze à quinze mille, toutes charges déduites. » Boyvin 
à Philippe Chifflet, Dole,18 mai 1643— Mss. Chifflet, t. CIII, fol. 241 vo. 

(2). Dans la lettre précitée, Boyvin dit : « L'abbaye de Montbenoît 
valoit avant la guerre sept à huit mille livres ; j’estime qu’aujourd’huy 
l’on en peut tirer trois à quatre mille et non plus. » Montbenoît et Mont- 
Sainte-Marie passaient néanmoins pour riches et, lorsque le duc de 
Weimar proposa au roi de France de lui abandonner ses conquêtes 
au comté de Bourgogne en échange de Brisach, il déclara vouloir se 
réserver ces deux abbayes avec le château de Joux et le prieuré de 
Morteau, V. Réponse que fait et donne le duc Bernhard de Saxe sur 
quelques points qui lui ont été proposés par M. le comte de Guébriant 
de la part de Sa Majesté très Chrétienne, Pontarlier, 13/23 juin 1639 — 
B. RôsE, Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen-Weimar, t. II, p. 536. 
. Cf. A. BARTHELETÇ, Histoire de l’abbaye de Montbenoîit (Besançon, 
1858, in-12) ; In., Recherches historiques sur l’abbaye de Mont-Sainte- 
Marie (Pontarlier, 1858, in-12); l’abbé J.-M. Sucrer et J. GAUTHIER, 
L'abbaye du Mont-Sainte- Marie et ses monuments, dans le Bulletin de 
l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 18838, 
p. 230. 

(3) Damparis avait été unie à la mense abbatiale de Saint-Paul. 

(4) Clément VIII (Hippolyte Aldobrandini), fils de Sylvestre Aldo- 
brandini et de Lesa D.ta, occupa le siège de saint Pierre du 30 jan- 
vier 1591 au 3 mars 1605. Il eut pour successeur Léon XI. 

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— 130 — 
avait accordé aux archiducs le droit de nomination « tam 
. ad dignitates abbatiales quorumcumque monasteriorum 
per priores aut præpositos regi et gubernari solitorum 
regimina, quin etiam ad quoscumque prioratus, præpo- 
situras aut præpositatus conventum habentes, etiamsi 
prioratus, præposituræ, præpositatus et non monasteria 
nuncupantur. » Elles étaient données en commende, et 
c’est là qu’il faut chercher l'explication du relâchement 
qui s’introduisit dans la plupart d’entre elles, l’abbé ne 
voyant pour ainsi dire jamais les moines, qui, de leur 
côté, étaient surtou£ préoccupés de se défendre contre 
les exigences de leur supérieur. L’infante Isabelle-Claire- 
Eugénie avait voulu mettre fin à cet abus, mais elle 
s'était heurtée à une résistance dont la mort ne lui avait 
pas laissé le temps de triompher (1). 

Les abbayes de femmes : « Monasteria monialium no- 
bilium virginum (fol. 54 v0-55) », où l’on n’est admis qu’en 
justifiant de seize quartiers, sont d’aboid Baume, Château- 
Chalon et Battant ; le revenu des deux premières est de 
8.000 livres. Il y a aussi les religieuses urbanistes de l’ordre 
de Saint-François, à Lons-le-Saunier, à Migette et à 
Montigny (2). Les Bernardines de Collonges, de Corcelles 
et d’Ounans avaient été transférées à Dole. 


(1) L'infante aurait voulu qu’on ne conférât les bénéfices ecclésias- 
tiques qu’à des religieux. Cf. Advis à S. A. S.sur la provision des abbayes 
du comté de Bourgongne, septembre 1632 ; Boyvin à Philippe Chif- 
flet, Dole, 7 et 18 février, 6 mars, 30 mai et 26 juin 1633 ; le même a 
Jean-Jacques Chifllet, Dole, 6 mars 1633 ; Parecer del rector y theo- 
logos dela Compania del colegio de Dola, Dole, 4 juillet 1633. — Mes. 
Chifflet, t. III, fol. 87, 91 et 95, et t. CII, fol. 128, 124, 127, 128, 144 
et 146 ; E. Loncin, Jean Boyvin, président du parlement de Dole, d'après 
ses lettres aux Chifflet (1625-1650), p. 87. 

(2) V., sur ces dernières abbayes nobles, Dunon, Histoire de l'église 
de Besançon, t. 11, p. 404 et 424 ; L. SucnAux, La Haute-Saône : diction- 
naire historique, topographique et statistique du département, t. II, p. 90 ; 
Mis TERRIER DE Loray, L'abbaye de Migette, dans le Bulletin de l’Aca- 
démie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 1888 


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= 181 — 

je total des revenus des est de 271.300 li- 
vres (1). 

Non moins instructives est la liste des prieurés con- 
ventuels ou ruraux de la province : « Prioratuum Bur- 
gundiæ series communis provinciæ locutionis Ordinis 
Su Benedicti Cluniacensi monasterio subditorum, quorum 
monachales seu conventuales jure indulti (2) a summis 
provinciæ pPrincipibus .conferuntur ; sicut vicissim ru- 
rales, qui ecclesiasticis secularibus in commendam et 
fiduciariam administrationis custodiam a summis ponti- 
ficibus conceduntur (fol. 55 vo-67). » Elle donne pour cha- 
cun d’eux l'indication du collateur, du revenu et du ressort. 

Tous ces prieurés ne sont pas aussi riches que celui de 
Morteau, dont les fruits sont évalués à 15.000 livres (3), 
voire que ceux d’Arbois, de Jouhe, de Mouthe et de Saint- 
Lupicin, qui rapportent 6.000 livres. Vaucluse avec 5.000 li- 
vres, Poligny et Vaux-sur-Poligny avec 4.500, Champlitte 
et le Grandvaux avec 4.000, les Bouchoux avec 3.500 
Mouthier-Hautepierre et Saint-Marcel avec 3.000 font 
encore mine de bénéfices non négligeables, mais combien 
en est-il qui ne valent pas plus de 100 à 300 livres ! 

Pour les cent vingt prieurés, l’ensemble des revenus 
ne dépasse pas 159.720 livres. 


p. 122, A. Rousset, Dictionraire géographique, historique et statistique 
des communes de la Franche-Comté : département du Jura, t. III, p. 609. 
(1) Il est curieux de le comparer à celui que donne le « Catalogue 
exacte sic) des bénéfices du comté de Bourgongne, avec expression 
de leurs qualitez, revenus et droit de leurs collations », dressé par Jules 
Chifflet vers 1670, Mss. Chifflet, t. XCII, fol. 108. Cf. LaAmPINET, Bi- 
bliothèque séquanoise, t. I, fol. 41. 

(2) C’est l’indult dont il a été dieétion plus haut. Urbain VIII de- 
_vait conférer le même privilège à Philippe IV le 16 octobre 1640. 

(3) Le prieur de Morteau était Jean-Jacques Fauche, fils d’Étienne 
Fauche, seigneur de Domprel, gouverneur du château de Joux, et de 
Marguerite Richardot. Élu archevêque de Besançon, le 3 septembre 
4659, il ne prit possession de son siège que le 1e° mai 1661 et mourut 
le 11 mars 1662. 


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— 139 — 

Les collégiales : « Ecclesiæ collegiales canonicorumñ 
20 cum decanis (fol. 67 v0-69) », sont, en général, composées 
de douze chanoines ; à Besançon, les deux insignes chapi- 
tres de Saint-Jean ct de Saint-Étienne en ont chacun 
vingt-cinq ; Nozeroy n’en a que huit. 

Pour les vingt collégiales, l’ensemble des revenus est 
de 8.800 livres. | 

Les familiarités : « Familiaritatum cathalogus (fol.69- 
70) » sont au nombre de quarante-neuf. 

On sait que le diocè:c de Besançon était divisé en quinze 
décanats ou doyennés. Le manuscrit de Vesoul donne 
pour chacun de ces doÿennés : « Ruralium decanatus 
tabulare adscriptis parochiarum numeris (fol. 70 vo-71) » le 
nombre de paroisses qu'il renferme (1). Le doyenné d’Ajoie 
a 58 paroisses ; celui de Dole, 51 ; celui de Faverney, 70 ; 
celui de Granges, 40 ; celui de Gray, 69 ; celui de Lons-le- 
Saunier, 55 ; celui de Luxeuil, 66; celui de la Montagne, 
45 : celui de Neublans, 42 : celui de Baume, 18 : celui de 
Rougemont, 43 ; celui de Salins, 52 ; celui de Sexte, 59 ; 
celui de Traves, 37 ; celui de Varesco, 65 ; plus sept égli- 
ses de Besançon. Soit en tout 768 paroisses (2). 

Il y à dix commanderies du Temple : «Beneficia Templa- 
riorum vulgo commendatorum Ordinis S“ Joannis Hiero- 
solimitani pro equitibus sacræ christianæ militiæ nobili 
prosapia oriundis, quæ a supremis Melitenssium magistris 
conieruntur (fol. 71 vo-72). ». Ce sont les commanderies 
d’Arbois, de Bocarnoz-lez-Coligny, de Dammartin, de Dole, 
de Sales, d’où dépendaient Montseugny, Malans et Auto- 
reille, de Saint-Agnan en Bresse, de Saint-Georges de- 


(1) Dans son Histoire de l’église de Besançon, t. II, p. 305, Dunod 
range aussi les paroisses rurales par doyenné. 

(2) Tissot ne donne pas les revenus des paroisses qu’il énumère un 
peu plus loin. En 1612, le clergé avait dit « les cures du comté de Bour- 
gongne, en nombre de six cent soixante, n’avoir l’une portant l’autre 
cent quarante francs. » Hucon Dp’AucicourT, La Franche-Comté 
ancienne et moderne, t. II, p. 113. 


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— 133 — 
l'Étoile, de Salins et de Varessia : l'ensemble de leurs re- 
‘venus s'élève à 23.120 livres ; les plus riches sont celles de 
la Villedieu et de Sales, qui rapportent ShACUnS 6. 000 li- 
vres par an (1). | 

Les hôpitaux : « Xenodochiorum laterculus {fol. 72 vo- 
73) », sont au nombre de trente-cinq : Tissot ne mentionne 
que les revenus de dix-sept d’entre eux (2). 

Ce qu'il ne faut pas négliger dans le manuscrit de Ve- 
soul, c’est la liste des paroisses rurales rangées par ordre 
alphabétique dans chaque doyenné : « Comitatus Burgun- 
. diæ ecclesiarum paroshialiüm series per decanatus Bisun- 
tinæ dioceseos, quibus et singulis a latere assident unius- 
cujusque beneficii collator (fol. 76-98). » 

En regard du nom de chaque église rurale est celui du 
patron qui ÿ nomme. Ge patron, ce collateur, est d’ordi- 
nèire un monastère, un chapitre, un abbé, un prieur, un 
commandeur de Malte, quelquefois, comme à Marnay, le 
seigneur du lieu ; il péut du reste être étranger ; c’est le 
cas, par exemple, de l’abbé de Saint-Bénigne de Dijon et 
du prieur de Saint-Mansuy de Toul. L'abbesse de Château- 
Chalon a droit de nommer à dix-huit paroisses. Bien des 
lecteurs n’apprendront peut-être pas sans étonnement que, 
sur 768 églises paroissiales, quarante-quatre seulement 
étaient, au dix-septième siècle, à la nomination de l’arche- 
vêque de Besançôn, savoir : 2 dans le doyenné de Sexte, 
1 dans le doyenné de Dole, 12 dans le doyenné de Gray, 
1 dans le doyenné de Traves, 3 dans le doyenné de Luxeuil, 
17 dans le doyenné d’Ajoie (3), 6 dans le doyenné de 


(1) Sur les commanderies de Malte, cf. VERTOT, Histoire des chevaliers 
hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, appeilés depuis chevaliers de 
Rhodes et aujourd’hui chevaliers de Malthe, t. VI, p. 200 et 388. 

(2) On trouvera les revenus des hôpitaux du comté de Bourgogne 
dans le Manuale practicum vicariatus _generalis Bisuntini, collectore ad 
privatum usum Julio Chifletio, canonico et vicario generali, anno 1648. 
— Mss. Chifflet, t. CXLVII, fol. 123. 

(3) Ce nombre relativement élevé D à ce que, dans le doyen 


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— 134 — 

Granges ct 2 dans le doyenné de Rougemont ; encore 
pour onze d’entre elles Sa Seigneurie TIllustrissime (1) 
partageait-elle son droit de collation avec le prieur de 
Saint-Valère de Corneux. Il a fallu la Révolution française 
pour mettre, à la réouverture du culte, tous les postes de 
desservants dans la main du successeur de Ferdinand de 
Rye et de Claude d’Achey (?). | 

Au surplus, toutes les églises paroissiales de la Franche- 
Comté ne font pas alors partie du diocèse de Besançon. 
Ilyena qui dépendent de l’évêché de Langres. Ce sont, 
_ d’après le « Comitatus Burgundiæ parochiarum episcopo 
Lingonensis diœcesis subditarum albus (fol. 99-100) » : 
Achey, Arc, Autet, Autrey, Bouclans, Champlitte-la- 
Ville, Chargey, Courtesoult, Dampierre, Denèvre, Écuelle, 
Essertenne, Frasnois, Feur, la Chapelotte et Aulnay, 
Leffonds, Leuilley, Mantoche et Cessey, Montureux, Mon- 
tarlot, Monnet, Montot, Nantilly, la Neuvelle, Oyrières, 
Perceyÿ-le-Grand, Pierrecourt, Pisseloup, Poyans, Sa- 
voyeux, Suaucourt, Vars, Vereux, Vitrey. D'autres relè- 
vent de l’erchevêché de Lyon. Le « Voluminare paro- 
chierum Burgundiæ ditionis Lugdunensis diæcesis (fol.100)» 
donne leurs roms : Ardelot, Arinthod, Bourcie, Châtel-lez- 
Chevraux, Chavannes, Cousence, Cuïisia, Digna, Épy, 
Gignÿ, la Rixouse, les Bouchoux, Longchaumois, Mont- 
fleur, Morbier, Nantey, Seint-Amour, Saint- Girude Saint- 
Julien, Septmoncel, Villars et Viry. 

Au pouillé du diocèse de Besançon fait suite le tableau 
des foires et marchés de la province : « Anriversalum nun- 


d’Ajoie, l'archevêque était seigneur de Mandeure. L’abbé Boucxey, 
Recherches historiques sur la ville, la principauté et la FÉPHDRQUE de 
Mandeure, ti. I], p. 307. 

(1) C’est le nom qu’on donnait alors aux archevêques de Besançon. 

(2) V., sur les paroisses rurales du comté de Bourgogne, l’abbé 
J. Money, Notes historiques sur les curés de campagne en Franche- 
Comté du VII au X VII® siècle, dans les Annales franc- comloises, 17e sé. 
rie, t. IV, p. 21. 


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— 135 — 


dinale liberi Burgundiæ Comitatus secundum mensium et 
dierum ordinem, adscripto annali diario præcipuarum et 
communium festivitatum cum feriis sanctorum provincia- 
lium (fol. 101-136). » | 

Les foires étaient alors plus fréquentées que de nos jours : 
elles contribuaient dans une certaine mesure à resserrer 
. Ja solidarité qui existait entre les différentes régions, per- 
mettant, en particulier, aux habitants de la montagne 
d'échanger leurs fromages et leurs salaisons contre les vins 
du vignoble ou les grains du plat pays ; on y rencontrait 
assez souvent des étrangers venus de la Lorraine, de la 
Suisse, du Bassigny, de la Bourgogne ou de la Bresse. Il 
n’en est plus de même aujourd’hui : les chemins de fer 
supprimant les distances, c’est à la ville que le paysan va se 
pourvoir, soit de vêtements, soit d’instruments agricoles ; 
en certains lieux, il se fait encore d'importantes transac- 
tions sur le blé ou le bétail, mais on peut dire que c’est 
l'exception (1). Dans mon enfance, j'ai vu que le retour de 
la foire était attendu avec impatience ; le jour venu, les 
routes se couvraient de gens, de chevaux, de bêtes à cor- 
nes amenées des villages voisins ; les étalages des forains 
garnissaient Jes deux côtés de la rue principale ; à présent 
c’est à peine si l’on voit quelques boutiques de lainages, de 
bimbeloterie, de vannerie, de poteries aux abords de 
l’église. | 

Si nous consultons le manuscrit de Vesoul, nous cons- 
tatons qu’en 1636 il y à annuellement plus de 390 foires au 
comté de Bourgogne (2). Toutes ne reviennent pas aussi 
souvent qu’à Faverney, par exemple, où il se tient six 
foires par an ; nombreuses sont cependant les localités où, 
comme à Pesmes, il s’en tient quatre. Des villages de peu 


(1) La multiplication même des foires devait fatalement nuire à 
leur prospérité. 

(2) Le ms. 899 de Besançon donne aussi le tableau di (orRes (fol. 102 
Y°-133). 


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— 136 — 


d’'importence ont leurs foires : Ronchamp, qui, à cette 
époque, ne compte que vingt-sept ménages, en a deux (1). 
Il y a aussi des marchés qui ont lieu à un jour déterminé de 
la semaine pendant un certain temps de l’année. 

On trouve, d’autre part, dans la quatrième partie de 
l'ouvrage de Tissot, des indications qui ne sont pas à né- 
gliger sur les fêtes religieuses de la Franche-Comté et sur 
les saints qui ÿ sont en honneur ; je me reprocherais de 
ne pas les signaler, car l’hagiographie provinciale en peut 
faire son profit (2) ; il est à remarquer entre autres choses 
que saint Lin, pape, n’est pas confondu avec saint Lin, 
archevêque de Besançon (fol. 133). 


IV 


Le manuscrit de Vesoul se clôt par la liste des villes 
et des villages du comté de Bourgogne avec la détermina- 
tion du nombre de leurs feux : « Sillabus alphabeticus 
urbium et pegorum liberi Burgundiæ Comitatus secundum 
trium dynastierum ordinetam seriem, adecriptis uniuscu- 
jusque domorum numeris (fol. 137-191 vo). » Ce n’est pas 
la partie la moins intéressante du volume et on chercheraïit 
vainement ailleurs un relevé aussi complet de tous les 
lieux habités de la province. 

Depuis Philippe le Bon, la Franche-Comté était divisée 


(1) L’établissement de ces deux foires provenait sans doute de l’af- 
fluence des pèlerins qu’attirait la vierge vénérée dans l’église paroissiale 
sous le nom de Notre-Dame du Haut ; on voit, pendant l’intérim, des 
ministres de la religion prétendue réformée du comté de Montbéliard 
reprocher à certains habitants du village de Clairegoutte d’avoir été 
« idolastrer » à la Notre-Dame de Ronchamp. L’abbé J. TouRNIER, 
Le protestantisme au pays de Montbéliard, p. 177. Cf. M. PRINET, Une 
incursion des Lorrains en Franche-Comté (1494), dans le Bulletin de l’Aca- 
démie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 19184, p. 140. 

(2) C’est ainsi qu’au 1° janvier, on trouve la fête d’un saint Odile, 
« S. Odili, abb. Jouhæ », dont j’ai naguères mis en doute l’existence dans 
le Journal d’un bourgeois de Dole (1637), p. 108, 


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— 137 — 

‘én trois grands bailliages (1). Dans le bailliage d’Amont, 
il y avait les ressorts de Vesoul, de. Baume et de Gray ; 
dans le bailliage d’Aval, les ressorts de Montmorot, de 
Salins, de Poligny, d’Arbois, d’Orgelet et de Pontarlier, el 
dans le bailliage de Dole, les ressorts de Dole, d’Ornans et 
de Quingey (2). Il y avait de plus le bailliage de Luxeuil 
et la grande judicature de Saint-Oyan de Joux. En fait 
de justices inférieures, on distinguait au bailliage d’'Amont 
les prévôtés de Vesoul, de Jussey, de Faucogney, de Mont- 
justin, de Montbozon et de Châtillon-le-Duc et Cromary, et 
les terres de Jonvelle et de Vauvillers (3), et au bailliage de 
Dole les prévôtés de Fraisans, d’'Orchamps, de Gendrey: 
de Colonne, de la Loye, de Rochefort et de Montmirey (4). 

La liste du manuscrit renferme 1.960 noms de lieux. 
Ce qui la rend aisée à consulter, c’est l’ordre alphabétique 
adopté par Tissot : on trouve sans peine la ville, le village, 
voire le hameau, l’écart qu’on cherche. En marge des diver- 
ses localités est le nom du ressort, de la prévôté ou de la 
terre à laquelle elles appartiennent. | 
= Pour les feux, l’ouvrage ne fait que reproduire les chif- 
fres donnés par le « repartement des vingt-cinq compagnies 
d’esleus (5) cr tout le pays » conclu et arrêté le 1er juin 


(1} Aux bailliages d’Amont et d’Aval le bon duc Philippe ajouta 
le bailliage de Dole. 

(2) Chacun de ces ressorts ou u bailliages inférieurs avait à sa tête un 
lieutenant local. Quand sera réalisé le vœu émis par le regretté Jules 
. Gauthier au Congrès des Sociétés savantes de 1894, puis au Congrès 
de l’Association franc-comtoise de 1898 en faveur de la rédaction 
d’une Sequania ministerialis ? | 

(3) La terre de Vauvillers était de surséance. 

(4) Sur ces dernières prévôtés, cf. A. RousseT, Dictionnaire géogra- 
phique, historique et statistique de la Franche-Comté : département du 
Jura, t. II, p. 255, t. III, p. 151 et 185, t. IV, p. 32, 327 et 346, et t. V, 
p. 452. 

(5) On donnait ce nom aux soldats fois par les communautés ou 
commun:s, qui étaient « tenues et chargées de choisir des plus robustes 
et plus practiquez de la guerre. » PETREMAND, Recueil des ordonnances 
et édictz de la Franche-Comté de Bourgongne, p. 345, 


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— 138 — 


1614 par quatre commissaires du parlement de Dole (1) 
en vertu de l’édit du 2 décembre 1610 (2). | 

Le 8 octobre 1610, l’archiduc Albert avait ordonné qu'il 
y aurait au comté de Bourgogne trois régiments de gens de 
pied, un de douze compagnies au bailliage d'Amont en y 
comprenant les terres de Luxeuil et de Vauvillers, un de 
dix compagnies au bailliage d’Aval en y comprenant la 
terre de Saint-Claude, et un de six compagnies au bailliage 
de Dole. Sur les réclamations des villes, le nombre des 
compagnies avait été réduit par la déclaration du 9 avril 
1612 à vingt-cinq, savoir douze pour le bailliage d’Amont, 
huit pour le bailliage d’Aval et cinq pour le bailliage de 
Dole (3). Chaque compagnie comprenait cinquante piques, 
dix hallebardes, quarante mousquets et cent arquebuses ; 
il lui était adjoint cinq chevau-légers et cinq arquebusiers . 
à Die Revue devait être faite des élus de trois ans 
Pun ; il leur était permis de garder leurs arquebuses pour 
s'exercer en temps de paix, les autres armes étant déposées 
dans les villes closes. 

C’est la fixation du nombre et du genre de soldats que 
chaque communauté devait fournir qui conduisit les com- 
missaires du parlement à s’enquérir du chiffre de la popu- 
lation. Tissot n’a pas fait œuvre personnelle en donnant 
les feux, les ménages des villes et des villages et ce n’est 
pas l’état de ceux-ci en 1636 que son livre révèle. Le 
nombre des habitants avait-il augmenté pendant les 
dernières années du gouvernement des archiducs ? Nous 
sommes à cet égard réduits à de pures conjectures ; il-est 
néanmoins vraisemblable qu’il avait atteint un chiffre supé- 
rieur à celui de 1614. 


(1) Ces commissaires étaient le baron de Montfort, le sieur d’Achey, 
le conseiller Brun et le sieur de Mandre. 

(2) A. pe Troyes, La Franche-Comté de Bourgogne scus les princes 
espagnols de la maison d’ Autriche : les recès des États, t. II, p. 15, 

(3) PETREMAND, op. cit., p. 344 et 348, 


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— 139 — 

Prenons celui-ci tel que nous le trouvons dans le manu- 
scrit de Vesoul (1). Le nombre des feux pour tout le comté 
de Bourgogne est de 71.839, soit 38.726 pour le bailliage 
d’Amont, les terres de Luxeuil et de Vauvillers y comprises, 
de 24.955 pour le bailliage d’Aval, la terre de Saint-Claude 
y comprise, et de 8.158 pour le bailliage de Dole (2). Nous 
sommes loin, on le voit, des 170.000 feux dont parle Gol- 
lut (3) et l'écart entre le chiffre de 1614 et celui donné 
par d’autres contemporains (4) ne laisse pas que d’être une 
énigme. | | 

Si nous jetons les yeux sur les villes, nous découvrons 
que Salins, « thrésor » du roi (5), vient en tête avec 
1.235 feux; il n’y a que le val de Morteau, « peuplé detrèsbons 
villages » (6), qui approche de ce chiffre avec 1.179 ména- 
ges. Dole, capitalé de la province, n’a que 871 feux, trente 


. (14) Dans ce manuscrit le nombre des feux est resté en blanc pour 
trente-sept communes ; il est aisé de combler cette lacune au moyen du 
repartement de 1614, dans lequel manque seulement l’indication du 
nombre des feux pour deux communes . Cf. J, CmirFrzeT, Description de 
la comté de Bourgogne par bailliages et par leurs ressoris,avec expression 
. de tous leurs villages. — Mss. Chifflet, t. CLXX XIV, fol. 1. | 

_ (2) LAMPINET, Bibliothèque séquanoise, t. V, fol. 1-27, donne la 
« Table des villes, bourgs et villages de la province, avec le nombre 
des feux y estant l’an 1636. » D’après lui, le bailliage d’Amont aurait. 
compté 39.896 feux, le bailliage d’Aval 25.821, et le bailliage de Dole 
44.075 ; cela ferait pour tout le comté de Bourgogne 79.792 feux. 

(3) GozLuT, Les mémoires historiques de la république séquanoise et 
des princes dela Franche-Comté de Bourgougne, p. 72. Ailleurs {p. 126), 
notre vieil historien donne au comté 290.000 feux. 

(4) Un état de dépenses de 1626 accuse pour les trois baiïlliages Île 
chiffre de 78.131 feux, puis ajoute : « Si l’on les vouloit compter fidè- 
lement et exactement, il s’ÿ en pourroit trouver environ 100.000, » 
Mss. Chifflet, t. LXX XV, fol. 210. C’est à peu près à la même date que, 
dans l’ingénieux placard qu’il faisait imprimer à Strasbourg, le mar- 
quis de Conflans attribuait à la province 100.000 feux. E. Loncin, 
Le compas du comité de Bourgogne, dans le Bulletin de YAcadémie 
des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 1920, p. 109. 

(5) GirarpoT DE NozEeroy, Histoire de dix ans de la Franche-Comté 
de Bourgougne, p. 180. 

(6) In., op. cit., p. 221. 


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— 140 — 
seulement de plus que Poligny, qui en compte 841. Vien- 
nent ensuite Arbois avec 744 feux, Gray avec 630, Pon- 
tarlier avec 927, Champlitte avec 517, Vesoul avec 487, 
Lons-le-Saunier avec 389, Ornans avec 387, Saint-Claude 
avec 365, Saint-Amour avec 314 et Baume-les-Nonnes 
avec 306 (1). 

Peut-être n'est-il pas hors de propos de relever les autres 
centres de population où le repartement de 1614 compte 
plus de cent feux. | 

Au bailliage d’'Amont, Amance a 127 feux ; Autrey, 200 ; 
Beaujeu, 106 ; Bourguignon-lez-Morey, 116 ; Breurey, 154 ; 
Broye-lez-Pesmes, 110 ; Bucey-lez-Gy, 140 ; Chargey, 120 ; 
Chariez, 173 ; Choye, 110 ; Clerval, 194 ; Colombier, 120 ; 
Confracourt, 116 ; Corravillers. 222 ; Damprichard, 120 ; 
Faucogney, 110 ; Faverney, 170 ; Godoncourt, 128 ; Gy, 
291 ; Jonvelle, 189 ; Jussey, 229 ; Luxeuil, 261 ; Mailley, 
103 ; Marnay, 172 ; Montigny-lez-Cherlieu, 129 ; Morey, 
178 ; Noidans-lez-Vesoul, 112 ; Noroy-l’Archevêque, 127 : 
Oiselay, 127 ; Ormoy, 131 ; Percey-le-Grand, 110 ; Pes- 
mes, 250 ; Pierrecourt, 104 ; Pierrefontaine, 113 ; Port- 
sur-Saône, 270 ; Purgerot, 128 ; Rupt, 104; Saint-Hip- 
polyte, 121; Saint-Martin, 301 ; Sainte-Marie-en-Cha- 
nois, 184 ; Scey-sur-Saône, 221 ; Servance, 160 ; Ternuay, 
114 ; Vauconcourt, 103 ; Vauvillers, 140 ; Villersexel, 108 ; 
Vitrey, 140 ; Voisey, 230. 

Au bailliage d’Aval, Arinthod a 125 feux ; Arlay, 104 : 
Baume, 129 ; Beaufort et Maynal, 160 ; Bletterans, 173 ; 
Clairvaux, 135; Conliège, 199 ; Foncine et les Planches, 323: 
Gigny, 102 ; Gilley, 146 ; Goux, 112 ; la Rivière, 115 : 
les Bouchoux, 161: L’Écluse, 130 ; les Fourgs, 140 : 
Longeville, 121 ; Moirens, 120 ; Monteigu et Vatagno, 112 ; 


(1) Dans sa Bibliothèque séquanoise. L mbin:t donn: Ls mîimes 
chiffres pour l’année 1636, sauf qu’il n’attribue à Arbois que 
724 feux, 


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| — l4i — 

Nozeroy, 133 ; Orgelet, 287 ; Perrigny, 116 ; Saint-Julien, 
107 ; Septmoncel et Montépile, 165 ; Vernantois, 137. 
__ Au bailliage de Dole, Annoires a 116 feux ; Bonnétage, 
160 ; Flangebouche, 103 ; Guyans-Vennes, 101 ; la Loye, 
135 ; le Russey, 204 ; Liesle, 157 ; Mouthier-Hautepierre, 
162 ; Naiïisey, 136 ; Noires, 105 ; Orchamps-Vennes, 193 ; 
Quingey, 121 ; Port-Lesney, 120 ; Saïint-Aubin, 159 ; Val- 
dahon, 157 ; Vercel, 157 ; Vuillafans, 205. 

Reste à savoir quelle population ces ménages repré? 
sentent. À cet égard on ne peut guère raisonner que par 
approximation. Aucun dénombrement général n'existe 
pour le comté de Bourgogne (1) : nos archives ne nous li- 
vrent que trois dénombrements partiels ; l’un concerne 
le ressort d’Ornans ; les deux autres ont trait à la terre 
de Jussey et à la prévôté de Montjustin (2). Ils n’ont pas 
échappé au plus récent historien de notre Franche-Comté : 
« Si on additionne ensemble tous les feux et toutes les per- 
sonnes dénombrés dans les trois ressorts d'Ornans, Mont- 
justin et Jussey, on obtient, dit-il, un total de 51.065 per- 
sonnes qui, divisé par les 9.831 feux recensés, donne par 
feu une moyenne un peu supérieure à cinq (3). » Est-il 
‘exact que ce soit ce dernier chiffre qu'il faille prendre pour 
base du calcul de la population d’après le nombre des 
feux ? Je ne le crois pas et voici quelles sont les raisons 
de mon doute. | 

Personne n'’ignore qu'au dix-septième siècle comme au 
seizième les unions étaient, en général, fécondes ; le pré- 
cepte divin était fidèlement observé par les époux chrétiens; 
dans la noblesse et dans la bourgeoisie aussi bien que chez 
les paysans, il n’était pas rare de rencontrer des familles 


(1) Il en avait été fait un en 1593, par ordre du parlement, mais il 
n’est pas parvenu jusqu’à nous. 

(2) Chambre des comptes. Arch. du Doubs, B 2626-2627, 2724 
et 2811. : 

(3) L. Fesvre, Philippe II et la Franche-Comté, p. 107. 


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e— 145 — 
de dix enfants et même plus (1) ; sans la mortalité infantile, 
qui était considérable, la population eût rapidement doublé. 
Gollut est à croire lorsqu'il dit le peuple qui réside au comté 
de Bourgogne « comme innumérable » (2), et il écrivait 
moins de trente ans avant le. « répartement » de 1614 (3). 
La mainmorte, qui existait en beaucoup de lieux, obli- 
geait plusieurs ménages à vivre en commun sôus le même 
toit (4). D'autre part, les congrégations religieuses qui 
s'étaient multiphiées sous le règne des archiduc& ne comp- 
taient que pour un feu par maison, quel que fût le nombré 
des hôtes de celle-ci. De même. dans les phâteaux, où 
maîtres et serviteurs atteignaient parfois le chiffre de qua- 
rante personnes (5). C’est pourquoi le nombre cinq pris 
pour moyenne me paraît très au-dessous de la réalité : 
appliqué aux 71.835 feux du recensement opéré en vue de 
la mise sur pied des trois régiments de milice, il ne donne . 
que 359.175 habitants, et la population de la Franche- 
Comté, avant les guerres qui firent ressembler celle-ci à 


(1) Boyvin eut dndtoss enfants, Bereur onze, Girardot de Nosros 
dix; en vingt ans de mariage, à Gray, le sieur de Tromarey et sa femme 
Magdeleine de Grammont en eurent dix-huit, etc. E. Loncin, Notes 
sur la famille Boyvin, dans les Mémoires de la Société d’émulation du 
Jura, année 1909, p. 43 ; In., Un document inédit sur Girardot de 
Nozeroy (1620), dans le même recueil, année 1919, p. 99 ; In., Deux 
filles spirituelles de saint Pierre Fourier : Marie-Emmanuel d’ Andelot 
et Claire-Marie de Champrougier (X VII® siècle), p. 18. 

(2) Les mémoires historiques de la république séquanoise et des princes 


de la Franche-Comté de Bourgougne, p. 85, 


(3) Le livre de Gollut parut en 1592. 

(4) Je suis néanmoins d’accord avec M. Lucien Fpbvre pour trouver 
exagérée l’attribution du multiple 10 aux 1.800 feux de la terre de Saint- 
Claude, devant laquelle n’a pas reculé dom BEnoîr, Histoire de arvaue 
et de la terre de Saint-Claude, t. II, p. 478. 

(5) Tel était, d’après les Acta beatificationis V. Servi Dei Petri Fore- 
rii, le nombre des personnes qui habitaient le châteay de Gray au début. 
du xvur* siècle. V. Ex processu Bisuntino, fol. 79 vo : : déposition de sœur 
Marie-Emmanuel d’Andelot, professe du monastère de la Visitation de 
Gray, vingt-troisième témoin de l’enquête de 1673 sur les vertus de 


saint Pierre Fourier.— M.. de la bibliothèque du chapitre de Besançon 


en gle 


— 143 — 

un désert (1), était de plus de 400.000 âmes. Nous avons sut 
ce point le témoignage de Boyvin. Écrivant en 1637 à un 
de ses amis des Pays-Bas, il disait : « Je puis vous asseurer 
avec vérité que plus de deux cens mille hommes du pays 
y sont morts dez dix mois en çà, j’entens y comprendre 
les femmes et les enfans, et vous sçavez que tout le pays 
n’en portoit pas cinq cens mille. » Et un peu plus tard : 
« Je vous asseure sans aucun enchérissement qu'il est mort 
dans le comté de Bourgongne depuis le siège de Dole plus de 
quatre cens mille hommes et qu’il n’y reste pas le quart de 
ce qui y estoit auparavant (2). » Laïissons de côté l’exagé- 
ration des pertes (3), le magistrat dolois aurait-il parlé de 
la sorte au cas où la Franche-Comté n’aurait eu que trois 
cent cinquante à quatre cent mille habitants (4) ? 

Si l’on adopte comme moyente 6,5, les trois villes for- 
mant avec Besançon le « juste quadrangle », le quadrila- 
tère qui défia jusqu’au bout les efforts des Français pendant 
la guerre de Dix ans, auraient eu: Dole, 5. 661 habitants (5), 
Gray, 4.095, Salins, 8.027. 


(4) « Jamais rien n’a été si ruiné qu’il (le comté de Bourgogne) étoit 
lors, tous les villages étant brulez, les. habitants morts et la campagne 
tellement déshabitée qu’elle ressembloit plus à un désert qu’à un païs 
qui eût jamais été peuplé. » MonTeLaT, Mémoires, t. II, p. 138. 

(2) Boyvin à Philippe Chifilet, Salins, 13 février 1637,et Dole, 14 août 
1637.— Mss, Chifflet, t. CII, fol. 300, et t. CIII, fol. 10. 

(3) Que Boyvin enfle à cette date le chiffre des victimes de l'invasion 
française, cela ne fait nul doute: il n’en est pas moins certain que pendant 
la guerre de Dix ans la Franche-Comté perdit plus des deux tiers de ses 
habitants. L’infortunée province fut longue à se relever de ses ruines ; 
en 1729, la population, sans les prêtres et les religieux, était seulement 
évaluéé à 336.720 personnes; des villages entiers avaient disparu; Dole 
n’avait plus que 4.115 habitants, Gray, 3.982 et Salins, 5.663. Hucon 
D’AuGicourT, La Franche-Comté ancienne et moderne, t. II, p. 335. 

(4) D’après le dernier recensement, la population des trois départe- 
ments franc-comtois n’est que de 742.436 âmes. Le recensement de 
1911 donnaït 810.254 habitants. 

(5) En 1579, Dole avait 3.946 habitants pour 592 feux. J. Pacvaien 
L'assistance publique à Dole, capitale du comté de Bourgogne, au X V Iesiè- 
cle, dans les Annales franc-comtoises, 2° série, t. IX, p. 22, 


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— j4d — 
Le manuscrit de Vesoul donne en finissant la liste des. 
communes de la grande judicature de Saint-Oyan de Joux : 
« Districtus judicaturæ majoris St Eugendi matricula 
(fol. 192-193), » du bailliage de Luxeuil : « Juridictio Luxo- 
viensis. (fol. 193 vo) », et de l’abbaye de Lure : « Domi- 
ni principatus Lutrensis pagorum numerus (fol. 194). » 
Ces dernières sont, en Franche Comté, « in Burgundia », 
Froideterre, Frotey, Lyoffans à moitié, Lure, Magny- 
| Vernois, Palantin (1), Gouhenans, et, en Alsace, « in Al- 
satia », Châlonvillars, Champagney, Demongesay. Ébou- 
let, Errevet, Frahier, la Mine (2),.Mandrevillars à moitié, 
Magny-d’Anigon, Passavant, Plancher et Tavey (3). 
Tel est l'ouvrage que je souhaite voir bientôt traduit à 
la vive satisfaction de tous ceux qui estiment que des 
siècles d'histoire ne doivent pas être rayés d’un trait de 
plume dans les bureaux d’un ministère. Il ne faut pas, en 
effet, nous dissimuler qu'après avoir été arbitrairement 
divisée en trois départements la Franche-Comté court 
aujourd’hui le risque- d’être annexée à la Bourgogne. 
Qu'’importent aux gens qui légifèrent à Paris notre pays et 
nos aspirations, notre esprit provincial ! Lorsque, précédée 
de la création de régions économiques, la réorganisation 
administrative de la France votée à la hâte entre deux 
interpellations nous aura donné Dijon pour capitale, que 
les défenseurs de nos intérêts seront obligés de se rendre 
dans cette ville, que le représentant du pouvoir central 
y résidera, imposant de là ses décisions à des préfets 
subalternes, nous aurons beau protester : il sera trop tard 
et on aura porté une atteinte peut-être irréparable à ce 
qui subsistait de notre autonomie. Ne nous lassons donc 


(1) C’est le nom que portait autrefois la commune de Palante. 

(2) Plancher-les-Mines. 

(3) Cf. L'abbé Besson, Mémoire historique sur l’abbaye et la ville de 
Lure, suivi d’une notice sur le prieuré de Saint-Antoine et les FRS neunRes 
‘ de Lure et de Passavant, p. 173. 


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— 145 — 


pas de rappeler ce que nous fûmes à l’époque où nous pou- 
vions nous dire une nation (1) et que c’est chez nous qu'a 
pris naissance le principe de l'impôt librement consenti (2): 
qu’au faîte de sa puissance le glorieux empereur Charles- 
Quint respecta toujours nos immunités, nos franchises. 
C’est ce que, pour ma modeste part, je me suis constamment 
efforcé de faire sans me laisser arrêter par la crainte d’être 
accusé de tendances séparatistes, car mon mot d'ordre 
sera toujours : « Franc-Comtois en France. — Devant 
l'étranger, Français. » 

| E. L. 

Montagney, 11 décembre 1921. 


(1) V. mon étude sur La nation comtoise, dans le Bulletin de l'Aca- 
démie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, année 1918, 
p. 200. : 

(2) « Je confesse le pays estre franc, et pour ce s’appelle la Franche- 
Comté, et l’on n’y doit imposer contribution, sinon de leur pure vo- 
lonté. » Le cardinal de Granvelle à Froissard, 4 mars 1583. — L.-M, 
JunNca, Lettres inédites du cardinal de Granvelle (1582-1583), dans les 
Mémoires de la Société d’émulation du Jura, année 1864, p. 92. Cf. 
A. pe TROYES, La Franche-Comté de Bourgogne sous les princes espagnols 
de la maison d’ Autriche : les recès des États, t. I, p. LXXXIV ; Hucon 
d’AucicourT, La Franche-Comté ancienne et moderne, t. II, p. 112 ; 
E. CLerc, Histoire des États généraux et des libertés publiques en Franche- 
Comté, t. II, p. 35. 


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Maurice PERROD 
Étienne PATOUILLET 
a Chanoïine de Saint-Maurice de Salins, 


Dofen de Dole, Abbé d’Acey, 
| Diplomate et orateur. 


1634-1696 


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- 


Étienne PATOUILLET 


1634-1696 


Le chanoine Etienne Patouillet cest originaire de 
Salins. | 
Ce n’est pas un personnage bien considérable ; ni Jui 
ni sa famille ne sont illustres. Voltaire s’est efforcé de 
donner à l’un des siens (1) au moiïns quelque notoriété 
en associant son nom à celui d’un autre jésuite franc- 
comtois : Vonnolte ; mais il s’agit d’un neveu du 
chanoine. Nonnotle et Patouillet...! s’en est il assez 
gaussé ! Il faut avouer que ces deux noms associés ont 
quelque chose d'euphonique et de riant ; était-ce une 
raison pour en abuser comme il l’a fait ? 
Mais d’où vient celui de Patouillet. | 
Dans son Nobiliaire de Franche-Comté (1890, page 
594) M. DE Lunion dit qu'il est à croire que les 
Patouillet étaient issus de la famille Badouiller, laquelle 
avait un fief à Vevy, au baiïllage de Poligny, tandis que 


(1) Louis Patouillet, né à Dijon le 3 mars 1699, mort à 
Avignon en 1779. Elevé au collège des jésuites de Dijon, sous 
la direction du P. Oudin, il entra dans la Compagnie, professa 
la philosophie à Laon ct à Nancy où 1l prêcha avec succès 
devant le roi Stanislas. 

On a de lui quelques poésies latines et Hlusisurs ouvrages 
anonymes parmi lesquels : Apologie de Cartouche (1737) et les 
Progrès du Jansénisme. Il a publié aussi en 1752 {4 vol. in 12°) 
un Dictionnaire des livres jansénistes, qui fut mis à l’Index. 
L'évêque de Paris, Christophe de Beaumont, l'associa ‘à sa 
polémique contre J.-J. Rousseau ; il y apporta un esprit violent 
et sarcastique. Vollaire le lui rendit avec usure en accouplant 
_ son nom à celui de Nonnotte, 


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— 150 — 


les Patouillet y avaicnt une chevance, Île tout au 
commencement du xvue siècle. Je n’en crois rien. 
Patouillet est un mot du vieux langage comtois ; 
il servait à désigner un moulin, et c’est un nom que 
portent encore aujourd'hui, non seulement une famille; 
mais plusieurs hameaux qui ont une origine indus- 
triclle. | 

Puis, la famille Patouillet est fixée à Salins de 
beaucoup plus ancienne date. Dans les délibérations 
municipales, il est parlé, en 1532, d'un Nicolas 
Patouillet. ou Patoillet, charpentier, qui fut chargé de 
différentes fonctions tandis que sévissait la peste et qui, 
en 1570, « racoustra », eu travaillant de son métier, la 
Porte Oudin, laqu:lle ouvrait sur le faubourg (1). 

Il devait être alors bien vicux, j'en convicns. Ses fils 
fireut du commerce, l’un dans le Beaujolais, un autre 
à Salins, où il vendait du fer cet du plomb en 1612, 
comme nous l’apprend encore une délibération du 
Conseil de la ville. 

Ses petits-fils, Etienne ct Nicolas, cnrichis, achete- 
rent ensemble, en 1632, une chevance féodale au village 
de Déservillers, aujourd'hui dans le canton d’'Amancey 
et dans le département du Doubs (2). Les descendants 


_{1) La maison Patouillet était située sur l'emplacement qu'oc- 
cupe actuellement le n° 40 de la rie du Bourg-dessous (rue de 
la République) ; elle avait quatre boutiques ; c'était la seule 
maison qui pour les logements militaires fut classée de première 
catégorie. Manuscrit Toubin. 

(2) Is en prirent le nom au xvnie siècle après avoir acheté 
une partie considérable de la seigneurie. Le fils d' Etienne 
Patouillet, Pierre-Gaspard, obtint la permission de tenir en fief 
une partie de la seigneurie de Mont, en 1683. C'est alors qu'il 
- prit la qualité de noble. En. 1783, la famille fit adresser au roi 
une pétition tendant à obtenir des leltres de confirmation de 
noblesse ou d'ennoblissement. Louis XVI refusa celle demande. 
Eu 1785, le Pariement lui accorda le droit de se qualifier noble, 


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— 151 — 


de l’ainé en portent toujours le titre ct vivent dans le 
Vendômois Il n’y a pas encore bien longtemps qu’un 
des leurs, le comte de Déservillers, publiait une mono- 
graphie savante : Un évêque au xn° siècle : le moine 
Hildebert et son temps (Paris, Périsse frères, 187%, 
in-8°). 

Le fils du puiné eut sept enfants, parmi lesquels 
Charles-Antoine qui fut gouverneur des pages des 
archiducs Léopold, Guillaume et Charles-Joseph et 
mourut en Autriche ; un autre qui devint commandeur 
de l'Ordre de Malte à Salins ; ct deux autres enfin qui 
nous intéressent un peu plus. 

Nicolas, né cn décembre 1622, jésuite, ami de 
Bourdaloue et prédicæteur renommé ; il parut dans les 
principales chaires de France, puis fut supérieur 
pendant longtemps de la Mission française à Londres ; 
obligé de quitter l'Angleterre à cause des Edits en 
faveur des protestants promulaqués par la reine Anne, 
fille de Jacques II ; réfugié à Besançon où le proté- 
geait l’archevêque Pierre-Antoine de Grammont, et 
mort le 1 novembre 1710. En 1697, il avait été 
parrain d'un frère de l’abbé d’Olivet. Il n'a laissé qu’un 
panégyrique écrit en latin et encore inédit de saint 
François de Sales, prononcé à Chambéry en 1662, puis 
un petit traité de spiritualité imprimé à Besançon en 
1700 (in-12) sous ce titre: Sentiments d'une âme 
pour se recuerllir en Dieu (1). 

Dans l’article de la Biographie Michaud qui lui est 


‘vu sa possession d'état centenaire. Les Déservillers ont reçu 
depuis le titre de comtes romains. 

Ils portent d'or à la croix fleuronnée de gueules, cantonnée aux 
4 et4 d'un sigle couronnée de sable, aux 2 et 3 d'un lion 
couronné de gueules, fenant en sa patte droite un œillet (Voir 
DE LurIoN, op.ct:). 

(1) Chanoine Sucuer : Histoire de l'éloquence religieuse en 
Franche-Comté, Besançon, 1897, in-8°, p. 121. 


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— 152 — 


consacré, signé du W de Weis, on lui prête une aven- 
ture qui est toute à son honneur. Un de ses pénitents 
lui vint confier un jour qu'il avait pris ses dispositions 
dernières en faveur de la Compgnie de Jésus. Cet 
homme si bien disposé avait des parents pauvres ; 
Nicolas Patouillet le savait ou l'apprit ; ïl lui fit 
refaire son testament ea leur faveur. 

Son frère Etienne naquit en 1634, à Salins comme 
son aîné ; ainsi que lui, il fit ses études au collège des 
jésuites de cette ville, puis entra à leur noviciat de 
Dijon et prit le bonnet de docteur en théologie. 

Il semble n'avoir persévéré que peu de temps dans 
Ja vie religieuse, puisque nous le retrouvons à Salins 
en 1667 et alors coadjuteur du‘ Doyen du Chapitre de 
Notre-Dame. On sait que cette ville prospère et pieuse 
comptait trois collégiales anciennes et les fournissait 
de chanoines tous nés dans ses murs et dont plusieurs 
ne sont pas complétement oubliés de l’histoire locale. 


C'est à l’époque du siège de Salins, en 1668, que le 
chanoine Etienne Patouillet commence à nous être 
mieux connu. 

Il devait avoir une certaine notoriété et quelque im- 
portance dans son pays, car, après la capitulation de 
la ville (7 février 1668) il fut choisi par ses conci- 
toyens pour faire partie de la délégation chargée de 
complimenter Louis XIV, alors devant Gray, et de 
l’assurer de la fidélité de ses nouveaux sujets. 

Peut-être aussi ce choix était-il motivé par une 
raison spéciale. Il est difficile de se défendre de le 
penser quand on a lu Cunirrrer. La ville prise, rous 
dit-il, M.de Noisy en fut nommé gouverneur. C'était un 
« gentilhomme fort accort ct qui .avait connaissance” 
des belles lettres. Il prit logis chez Pierre Patouillet, 
marchand, homme riche de la ville de Salins, commis à 


_ 


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da garde de l'arsenal comme Nicolas Patouillet, son 
père, l'avait été... » (p. 131-132). | 

Ces gens là, je pense, n'étaient pas des ennemis 
irréductibles de la France, et, mon Dicu, n’étaient-ils 
pas tout à. fait blämables ! Ils avaient des relations 
d’affaires avec le royaume, comme on disait alors ; ils 

savaient à quoi s’en tenir sur bien des choses et bien 
des gens et n'avaient pas, au surplus, la même notion 
que nous de l’idée de patrie. 

On: ignore à peu près tout de la démarche des quatre 
salinois auprès de Louis XIV. Le Registre des Délibé- 
rations du conseil municipal pour cette époque (1° 
semestre de 1668) manque aux Archives de la ville; on 
ne connait même pas les noms des trois... j'allais 
dire complices de Patouillet, et c'est CHirFLer seul 
qui nous renseigne. | 

L'abbé de Balerne, on le sait, a écrit des Mémoires 
que l'Académie de Besançon a publiés dans le tome 
cinquième des Mémoires et Documents inédits pour 
servir a l'histoire de la Franche-Comté (1). Avant 
d'en venir au récit de ce qui s'est passé lors de la 
conquête de la province, CuiFFLET expose longuement 
et, de sa part, avec une bien naturelle amertume, les 
circonstances qui ont amené la catastrophe. Il n’est 
pas tendre pour ceux de ses compatriotes qui ont 
accepté avec plus ou moins de facilité le nouvel état de 
choses :. | 

« On vit parmi nous plusieurs exemples qui éton- 
nércné, pour complaire aux vainqueurs et faire leurs 
affaires. Dans Dole, du jour au lendemain, le mayeur 
de la ville, qui était toujours le jeune avocat Bacquet, 
monta publiquement sur une échelle pour attacher les 
armes du roi de France sur la grande église. Aucuns 
bourgeois ouvrirent leurs boutiques et leurs portes 


(1) Besançon, 1867; in-8o, 


er gle 


— 154 — 


toutes peintes ct semées de fleurs de lys, ce qui les fit 
blâmer par le comte de Gadagne, lequel dit judicieu- 
sement qu'ils avaient tort ct qu'au moins fallait-il 
attendre que l’année de deuil fut passée. Il ne fut pas 
moins surpris de voir des personnes de qualité faire les 
chiens couchants devant lui... » (p. 217). | 

« L’archevèque de Besançon regardait aussi forte- 
ment devers la France... À l’exemple de ce pasteur, 
il ne manqua pas de curés .qui dans leurs prônes 
préchèrent le nouveau règne, avec abaissement et 
mépris du précédent... C’est une étrange chose que la 
peur, et encore plus étrange l’aveuglement qui la 
suit... » /p, 226) 

« Les français en gagnèrent aussi par la vaine gloire, 
comme le doyen rural Patouillet qui, ayant été envoyé 
au roi de France, allant alors à Gray, par le clergé de 
la ville de Salins déjà prise, fut applaudi de sa harangue 
par 12 prince de Condé et par M. de Guise qui furent 
d'avis qu'il suivit la cour, comme :ül fit. Mais ayant 

expérimenté la faim devant Gray, il retourna à Salins 
ct fut depuis à Paris pour cucillir le fruit de ses flatte- 
rics de cour... » (p. 228). | 

Et le mémorialiste ajoute un peu plus loin: « le sieur 
Patouillet, coadjuteur du doyenné de Saint-Michel à 
Salins, qui avait... pris la route de Paris dans l’espé- 
rance d'y faire fortune, commençait déjà d’y monter 
en chaire et de faire enregistrer en la Gazette des 
sermons de parade qu il allait faisant partout pOur 
entrer en crédit » (p.253: 

Ces vicux auteurs sont vraiment intéressants à lire. 
Leur témoignage jette sur les évènements du passé un 
jour inattendu de ceux qui n’ont confiance qu'en les 
historiens officiels, et, d'abondant, ils nous apprennent 
que la vie est un perpétuel recommencement:je ne dirai 
pas cependant qu’on trouverait dans notre histoire pra- 


Google 


— 155 — 


vinciale beaucoup de gens qui aient échangé leurs 
principes contre les faveurs d’un parti triomphant, 
mais il s'en est liouvé et, même, il peut s’en voir 
encore 

Patouïllet se trouvait peut-être déjà à Paris quand 
Louis XIV y revint, c’est à-dire le 28 février, à moins 
qu'il ait attendu quelques jours pour n’y arriver qu'avec 
les envoyés de l'archevêque de Besançon et du magis- 
trat de celte ville, avec ceux de la Commission perma- 
nente des États, de la Chambre des Comptes ct du 
Parlement. 

« Tous venaient faire leur cour au vainqueur ; au 
lendemain de l'annexion, sans plus songer à l'Espagne, 

sans sc demander si la conquête était définitive, tous 
venaient au nom de leurs corporations, ou de leurs 
villes, solliciter un regard de leur nouveau maitre, 
briguer la faveur de ses ministres surtout de Louvois, 
et prendre date pour la série de bienfaits et de grâces 
qui allaient de toute apparence pleuvoir sur la province 
nouvellement conquise (1). 

Ils produisirent une certaine impression à la cour 
« où l'en tenait, dit Cnirrcer, les gens de notre pays 
pour des ostrogoths, et on y vit que cette province 
produit des gens d'esprit capables d'aborder des têtes 
_couronnées ; aussi remportèrent ils une certaine estime 
de leur assurance à parler ». | 

Cela ne leur servit pas à grand chose. Avant la fin 
d'avril,la paix était faite et la Franche-Comté rendue à 
l'Espagne. 

De Mesmay, l’envoyé du Daslerents reprit la route 
de Dole avec la plupart de ses compagnons ; quelques- 
uns; cependant, ct pour des raisons diverses dont la 
principale pourrait bien être qu'ils se sentaient 

(4) Perraun. Un mission franc-comtoice à Paris'en 1668, dans 
Mémoires de la Société d'Emu'ation du Jura, 1871-1879, 


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— 156 — 


d'avance génés pour se retrouver en face de leurs 
compatriotes, .quelques-uns donc restèrent à Paris afin 
d'assurer par leurs bons offices les effets de la paix. 

Etienne Patouillet en fut, et le plus remuant, sinon le 
plus utile. Il ne ménageait ni son temps ni ses 
peines (1). 

« Il pratiquait, écrit-il le 1” juin, de très hauts 
personnages ; surtout 1l est en de irès bons termes 
avec trois ambassadeurs étrangers, qui lui donnent 
place au carosse... » C'est le nonce du pape,le ministre 
d'Angleterre et celui de Hollande Il va de lun à 
l’autre, les harcelant pour qu'ils intercèdent en faveur 
de la Comté rendue mais non évacuée, couverte par le 
traité de paix mais rançonnée et dépouillée comme en 
pleine guerre. Les deux derniers des personnages cités 
ont été les médiateurs de la paix ; il veut qu'ils en 
surveillent l’exécution, qu'ils aillent faire au besoin 
leurs plaintes au roi Il tente d'entraîner dans les 
intérêts de la Province les ambassadeurs de Danemark 
et de Suède ; il voit déjà se former par ses soins une 
ligue qui va des Pyrénées jusqu'au nord. 

Le 7 juin, il écrit que, sur ses instances, l'ambas- 
sadeur de Hollande est allé faire au roi des représen- 
tations, « les ministres n'ont répondu que des 
épaules. » M. de Turenne qui était présent a dit bien 
haut qu'on devrait être assez content de recouvrer 
cette province en l’état où clle est, sans faire tant de 
plaintes. Sur les exactions reprochées à l’intendant et 
aux commandants français en Comté, un ministre aurait 


répondu, par manière d’excuse, que, voyant leurs 


fonctions prêtes à finir, «ces ofliciers avaient voulu 
faire leur bourse pour s’apaiser de leur chagrin. » 
Puis, Patouillet répondant à une question du Parlement, 


(1) Archives du Doubs: Parlement de F.-C. Leltres de 
Patouillet,8, 13, 14, 21 et 22 juin 1668, 


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c— 157 — 


l'informe que Lisola,ministre de. l’empereur à Londres, 
est en ce moment à Bruxelles ; il s’offre obligeamment 
à lui porter des lettres de la Cour « qui est maintenant 
si Calomniée et qui trouverait en Lui un puissant 
appui (1). » 

Il eut mieux fait d'insister sur Î2s conseils que 
l'ambassadeur d'Angleterre donnait par lui au Parle- 
ment et à tous les comtois : oublier toutes les anciennes 
et les récentes divisions, relever les fortifications 
détruites en partie, réorganiser les finances du pays,se 
concilier l'amitié de cantons suisses. C'était déjà ce 
que dom Jean de Watteville préconisait avant l'entrée 
de Louis XIV dans le pays et que, désespérant de 
l'obtenir, il en avait fini oi désespérer aussi du salut 
de la Province. 

Cependant la paix était signée depuis le 2 mai. En 
Franche- Comté, les Français en avaient non seulement 
caché la nouvelle, mais ils avalent continué à faire 
sauter les remparts de Dole, à piller les arsenaux, à 
emmener l’artillerie. Le 6 juin, le Parlement s’en sin 
de nouveau à Patouillet qui répond le 12 : « Il a encore 
fait la veiile tous ses soins auprès des trois ministres 
étrangers pour faire cesser les démolitions ; mais il y 
a des ordres rigoureux donnés pour notre entière 
ruine, eb cela par suite de la rage qu’on a ici de cette 
restitution, laquelle parait dans l'âme, le visage et les 
paroles. » Toutelois, avec son aide, cela va changer : 
il va faire agir ses amis, l’un surtout. 

Le lendemain 13,-1l écrit avec effusion la grande 
nouvelle : il tient de l'ambassadeur d'Angleterre depuis 
la veille à minuit où celui-ci le lui a rapporté de St- 
Germain, par un temps détestable, l'ordre de cesser les 
destructions arraché aux ministres par un de ses amis ; il 
l’envoie au Parlement par un courrier exprès qui est son 


(1) Perraun. Op. cit., p. 154 et 159, 


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=— 158 — 


cousin Patouillet, et il se félicite hautement d'avoir 
«contribué à briser plutôt la captivité des barbares 
sous laquelle la Province gémit contre la bonne foi. 
Dieu lui est témoin qu'il n'y à rien oublié, et quand ce 
serait pour gagner un empire on ne saurait faire plus de 
diligence ni montrer plus de zèle. Il sera bien à propos de 
remercier l'ambassadeur et ses autres amis... (1), » 

Malheureusemunt, les dates sont là. C'est le 12, dans 
la nuit, que Patouillet dit avoir vu entre les mains de 
l’ambassadeur d'Angleterre l'ordre si impatiemment 
attendu et si vivement sollicité ; et c'est le 10 que les 
_ Français ne trouÿant plus rien à prendre avaient 
entièrement évacué la Province. 


On s'était habilement joué de lui; peut-être même, et 
je le croirais assez volontiers, on ne l'avait pas pris 
au sérieux. Lui seul se croyait influent et tentait de le 
persuader à ses compatriotes. Cette supposition me 
semble d'autant plus vraisemblable qu'il voulut conti- 
nuer à tenir un rôle politique. Il partit pour Bruxelles, 
y fit un séjour de quelques semaines et revint à Paris 
pour servir d'informateur au marquis de Castel-Rodrigo 
demeuré en Flandres. ul 

Cette fois, cela menaça de tourner mal. On ne sait 
à la suite de quelle plainte ou dénonciation il fut un 
beau matin cueilli par la police ct conduit à la Bastille. 

Ravaisson, dans son ouvrage sur les Archives de la 
Bastille, cite les documents qu'il a retrouvés au — 
de cette affaire (2). 

Il donne d'abord la lettre d'un M. Petit à M. 
Williamson (3). 


(1) PERRAUD. Op. cit. p. 154 et suiv. 

(2) Ravaisson, Archives de la Bastille; Règne de Louis XIV 
(1681 et 1674), tome 7, pp. 301-304. | . 
(3) Ordres d'entrées du 18 décembre 1668, et de sortie eu 2 
avril 1669, contresignés : Le Tellier et de Lionne. 


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— 159 — 
. Paris, ce 18 ne 1658. 


fier, il y eut 8 jours que l’on mena à la Bastille un 
prêtre de la Franche-Comté, nommé M. de Patouillet (1), 
lequel fut ici pendant que duraient les traités de paix à 
Aix-la-Chapelle (2) pour ménager les intérêts du chapitre 
de Besançon et celui de toute la province, et pour cela il 
parlait souvent non seulement aux ministres de cette cour, 
mais aussi à ceux des princes étrangers, comme au nonce 
apostolique, à M. Benningen et au chevalier Trevor ; on ne 
sait pas encore la véritable cause de sa détention, je crois 
pourtant que, comme il n’y a guère qu'il est revenu de 
Flandres, il faut qu’il ait entretenu une correspondance 
avec les ministres d’Espagne, et n’ayant pas apporté toutes 
les précautions nécessaires, on en a conçu quelque soupçon 
ét arrêté ses lettres pour s’éclaircir du tout. 

Lu (State paper Office). 


Puis une lettre de Louvois au Procureur général de 
Harley. 
A Versailles, le 29 décembre 1668. 


Lorsque la lettre que vous avez pris la peine de. 
m'écrire le 26 décembre m'a été rendue, je croyais que 
vous eussiez reçu l’ordre du Roi qui vous était nécessaire 
pour aller à la Bastille lever le scellé de la valise de 
Patouillet, parcequ'il y a déjà longtemps que j'ai chargé 
M. Dufresnoy de vous le porter, et je lui mande présente- 
ment de vous le porter, 

Comme le Roï partira d'ici lundi prochain, je vous 


(1) Cet abbé n'était pas sans quelque notoriété, car le 30 
mars précédent la Gazette de France apprenait au public que 
Pabbé Patouillet, qui avait complimenté $S. M. devant Dole, au 
nom du clergé de Salins, sur la réduction de cette viile, avait 
été présenté à la Reïne par la duchesse de Montausier, et à 
Mer le Dauphin par la maréchale de la Motte, et qu'il les avait 
harangués pareillement au rom du même clergé,avec beaucoup 
d' applaudissements de la compagnie (Note de Ravaissox). 

-(2) La première paix d’Aix-la-Chapelle fut L conclue au mois 
de mai 1668 


- 


Google 


— 160 — 


entretiendrai le jour suivant sur le contenu aux lettres de 
Patouillet que vous avez trouvées, outre celles que je vous 
avais envoyées ; cependant je vous remercie de la part que. 
vous prenez à la grâce que le Roi m'a faite en me faisant 
pourvoir de la charge de général des postes. 


(A. G.). 


Et d’autres encor: ; enfin tout le dossier de l'affaire. 


Don Geronimo de Quinones, envoyé extraor- 
dinairement d'Espagne (1) à la HéBeRIe: 
d'Espagne, 


Paris, 29 janvier 1669. 


Par sa dépêche du 22 décembre V. M. m'accuse récep- 
tion de la mienne du 14 -décembre adressée à dom Pedro 
del Campo et des nouvelles dont j'ai dû rendre compte à 
M. V. et qui ont été confirmées avec plus de détail par 
celles que le confident a données au marquis de Castel 
Rodrigo. J'ai dit à V. M. qu'il avait été mis à la Bastille et 
j'ai avisé ceux qui étaient en correspondance avec lui de 
la cesser. On me dit qu'on a saisi chez lui les instructions 
et les chifires du marquis et du connétable. J’ai pensé que 
des démarches de ma part achèveraient de le perdre. 


Apostille de la Régente : 
Madrid, 9 février 1669. 


La Reine approuve, Faire le possible pour venir à son 
aide et par tous les moyens, sans laisser voir que les 
ministrés de S. M. le favorisent, ce serait ruiner son 
affaire. | | (A. N.). 

Traduit de l’espagnol. 


Le même à dom Pedro del Campo. 


(1) Quinones fut nommé Gouverneur de Franche-Comté 
en 1671. 


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— 161 — 


Paris, le 14 avril 1669, 


Le confident du Mis de Castel Rodrigo, qui était à la 
Bastille, est sorti il y a 8 jours et de la cour sans qu'on lui 
ait permis de voir et d'entretenir qui que ce soit. Il s'est 
acheminé pour la Bourgogne avec son frère. 


(A. N.). 


Traduit de l'espagnol. 


Une fois sorti de prison, Patouillet réva d’une 
compensation à ses ennuis et pour l'obtenir s’adressa 
à la reine régente d'Espagne. : 

C'est dans RavaissoN que nous trouvons encore sa 
supplique, d’après les Archives de la Bastille. 


1669. 


Je n'ose demander à Votre Majesté ni la pension qui 
m'a été accordée, ni le premier bénéfice vacant qui me fut 
promis suivant les ordres de LL. Exc. les gouverneurs de 
Flandres, le marquis de Castel Rodrigo et le connétable de 
Castille, parceque je suis en disgrâce et frappé par la main 
de mes envieux ; mais si V. M. veut bien considérer que 
par mes soins, mes efforts et mon activité, j'ai empêché la 
destruction des salines de Salins que la France avait 
ordonnée, et qui sont la seule propriété intacte qui reste à 
V. M. dans ce pays, que si j'avais tardé 24 heures à agir, 
tout était perdu, comme le certifieront à V. M. cinq ambas- 
sadeurs ; si elle me permet de lui dire que j'ai perdu beau- 
coup à Paris pendant l’année queje suis resté à la cour pour 
le service du Roi ; que j'ai souffert la prison et couru risque 
d'y laisser la vie si je ne m'étais courageusement défendu. 
que, malgré les ordres de me rendre mes effets, l’on m'a 
pris ma bibliothèque et le meilleur de mes coffres, j'ose 
espérer que V. M. honorera de sa royale bienveillance la 
très humble requête que je lui présente, de me donner en 
récompense la petite abbaye de Rosiers {1}, qui vaque en 


(1) Rosières (commune de la Ferté (Jura), était une abbaye de 
l’ordre des cisterciens, fondée en 1130, par Humbert III, sire de 
Salins; elle dépendait de celle de Noirmont, Sécularisée de 1766 à 
4778,vendue à la Révolution, il n’en reste aujourd’hui à peu près 
rien. 


Go gle 


— 162 — 

_ ée pays, et dont le revenu ne dépasse pas cent doublons, 
ainsi que le connétable pourra le certifier à V. M. Je la 
supplie très respectueusement de demander qu'on me la 
donne préférablement à tout autre ; je ne la demande pas à 
V. M. par intérêt, ma fortune est suffisante pour que j'aille 
la servir à mes dépens partout où elle l'ordonnera, mais 
afin d’avoir une dignité qui me donne l'entrée aux Etats de 
Bourgogne et un appui contre la France, et pour en 
imposer à la jalousie des Bourguignons par une récompense 


publique. | (A, N.). 
Traduit de l'espagnol. 


Il se fit enfin recommander à la Cour par l’ambas- 
sadeur d'Espagne. | 
Don Iturieta à don Diego de La Torre, 

| Quand je vins ici pour remplir ma charge, j’ai appris de 

 Geronimo de Quinones, du nonce et des autres ambassa- 
deurs les services importants rendus à Salins, dans le 
comté de Bourgogne par Patouillet ; il vint ici après la paix 
d'Aix -la - Chapelle solliciter l’évacuation complète des 
troupes françaises ; et je sais qu'ayant appris qu'on avait 
résolu à cette cour de détruire les salines, il fit de concert 
avec le nonce et l'ambassadeur d'Angleterre des démarches 
si actives et des insistances si efficaces, qu'il obtint sur sa 
demande qu'on abandonnerait ce dessein (1). 

Quand on sut iciceque ce personnage avait fait pour 
traverser leurs projets, ils l’arrêtèrent et le retinrent 
quelque temps à la Bastille, et sans les instances que le 
nonce et l'ambassadeur d'Angleterre firent pour sa liberté, 
il s’en serait fort mal trouvé, ayant perdu tout son équipage. 
C'est un homme fort utile par sa vivacité, son intelligence, 


(1) Pendant l'occupation française, les salines de Salins 
furent exploitées par les francais pour le compte du roi 
Louis XIV. Restituées en même temps que la Province, elles 
avaient pour fermier général M. de Vaulgreuans qui envoya 
son représentant, le sieur Cavaroz, à Bruxelles, pour faire 
valoir ses droits au baïl qui y avait été précédemment établi 


et signé. 


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— 163 — 
sa Connaissance de choses du monde, et surtout par soû_ 
zèle tout particulier pour le service de S. M. ; il a assez de 
biens pour vivre, mais il désire extrêmement qu'on lui 
donne une marque de gratitude pour prouver que l’on a 
apprécié ses bons services, il demande seulement pour 
l'honneur l’abbaye de Dassey (1) en ie LE qui est 
très petite et de très peu de valeur. 

Paris, 1° février 1671. 
| (A. N.). 
Traduit de l’espagnol. 


La reine renvoya la pétition au Conseil de régence 
qui fut d'avis de la rejeter tout simplement vu que 
Patouillet était un simple prêtre séculier et aussi parce 
qu’on le soupçonnäit d’avoir joué un double jeu, trahis- 
sant à la fois et l'Espagne et la France. 

Cependant, comme le doyen de Dole, Marin Boyvin, 
venait de mourir, et que son bénéfice en réalité était de 
peu de conséquence, on le lui accorda. 

Dire que cette nomination fut très bien accueillie 
serait excessif. CHIFFLET raconte que le prévôt du 
chapitre de Saint-Anatoile de Salins, Pierre-Louis 
Chaillot (2), recevant un jour chez lui le chanoine 
Gollut, et mettant la question sur table, celui-ci dit que 
Patouillet « étoit comme ces anciens empereurs qui 
portoient en leurs éloges et inscriptions les titres de 


(1) L'abbaye d'Acey, près de Vitreux (Jura). Fondée au vin 
siècle, dit-on, sous forme de prieuré dépendant de Saint-(‘laude, 
puis de Baume, en réalité en 1134 par Guy, abbé de Cherlieu, de 
l’ordre de Citeaux. Enrichie par les princes de Chalon ; ruinée 
par les bourguignons et les routiers au xive siècle, les français 
en 1477, 1595 ec 1636 ; incendiée en 1683 ; recontruite de 1759 à 
1768 ;: vendue comme bien national en 1791 ; rachelée au xix 
siècle par des béunédictins dont le plus connu est dom des 
Pilliers, elle est occupée aujourd’hui par des trappistes qui ont” 
rétabli les cloîtres et magnifiquement restauré l'église. 

(2) Pierre-Louis Chaillot, prévôt de Saint-Analoile, qui entra 
chez les cäpucins en 1676. | 


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— 164 — 


Hispanicus, Franciscus, Germanicus, et autres 
pareils, et que Patouillet avoit été bon espagnol, bon 
français comme ces princes » (p. 477). On raconte 
même que c'est à l’occasion de la nomination de leur 
nouveau doyen que les chanoines de Dole firent graver 
sur la porte de la maison du doyenné cette inscription 
qui s’y lit encore : Omnibus unus et unis (à tous et à 
chacun le même) ; c'était une spirituelle ironie, mais 
est ce bien sûr ? Et ne peut-on traduire autrement ? 

Le chanoine de Maranches qui voulait, lui aussi, 
être doyen de Dole et qui s'était transporté à Bruxelles 
pour attendre la mort du titulaire dans l'espoir de se 
faire plus facilement nommer à sa place, essaya bien 
d'un moyen dilatoire : il aurait voulu que le chapitre de 
la collégiale ne reconnût pas le nouveau dignitaire sur 
simple provision du roi, mais attendit des bulles de 
Rorie. Patouillet, pour plus de sécurité, avait fait éga- 
lement le voyage des Flandres, il répondit «que c’étoient 
des innocents. » Cette réflexion, à la vérité un peu 
sommaire, fit, dit CuiFFLer, r'oidir les membres du 
chapitre, qui appréhendèrent de trouver en Patouillet 
un maître difficile ; mais il fut mis officiellement en 
possession du bénéfice ; 1l n’y avait plus qu'à se sou- 
mettre (p. 477-479). 

En 1674, le nouveau doyen obtint de la cour une 
désignation pour l’abbaye d’Acey qu’il convoitait, on 
l'a vu, depuis quelque temps déjà. Mais il ne put 
jamais obtenir de bulles de Rome, ni se faire recon- 
naître des religieux. En effet, il y avait un autre 
ecclésiastique légitime propriétaire du titre : François de 
Croy, chanoine de Strasbourg, qui avait été régulière- 
ment nommé deux ans auparavant, encore qu’il n’eut pas 
reçu ses bulles. Il appartenait à une famille considérable 
des Flandres qui avait fourai un précepteur à Charles- 
Quinit -et il avait du crédit à la cour de Madrid, 


D 


Go gle 


— 165 — 

Patouillet crut, lors de la nouvelle invasion de la 
Comté par les Français, pouvoir profiter de leur bien- 
veillance et, à la faveur du trouble qu'occasionnaient 
les évènements, le déposséder en son absence : ilne 
résidait pas, et pour cause, et les revenus commenda- 
taires avaient été vendus en 1674 à la Direction des 
confiscations pour la somme de six cents livres 
. comtoises annuelles payables à Jean-Baptiste Varin, de 
Besançon. 

François de Croy reçut- il ses bulles de Rome ? fit- 
il- agir de son côté à la cour ? On ne sait. Mais il prit 
effectivement possession de son abbaye, et Patouillet 
protesta en vain ; il n'eut d'autre consolation que de 
s’arroger dans certains actes un titre sans valeur, dont 
au surplus ses héritiers crurent, quelques années 
plus tard, devoir encore orner son épitaphe (1). C'est 
ainsi qu'il figure dans l’acte de fondation d’une messe 
à perpétuité, pour tous les jours de la semaine, säuf 
le lundi, faite par lui en son église Notre-Dame 


de Dole (2). 


A cette époque, il habitait souvent Besançon où 
l'archevêque, Pierre-Antoine de-Gramont, le couvrait 
de sa protection. Après la conquête, des protestants, 
venus du Languedoc ou de Bresse, avaient été arrêtés 
et enfermés à la cidatelle ; on leur adjoignit quelques 
dissidents du voisinage, et les pères jésuites, ainsi 
que le doyen Patouillet, furent chargés de les convertir. 
Ils les cachétisaient dans l'église Saint- Pierre mise à 
leur disposition (3). 


(1) BLANCHOT. Histoire de l'abbaye d'Acey. Besançon, 1898, 
_in-80, p. 191 et 192. 
(2) Rance DE GuiseuiL. Les Chapelles dé l'église de Notre- 
Dame de Dole : 1912, in-8o, p. 193 : 
(3) FizssëAN. Antoine-Pierre Îer de Grammont, archevéque de 
Besançon. Besançon, 1898, in-12°, p. 442. 


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— 166 — 


Il préchait aussi volontiers des sermons d’apparat, 
comme il avait fait autrefois à Paris où il avait 
commencé d'acquérir une renommée d’orateur. Une 
occasion, j'allais dire inespérée, pour le moins inatten- 
due, s’offrit à lui de la porter à son apogée ; malgré 
quelques difficultés que nous voyons aujourd’hui plus 
clairement peut-être qu'il ne fit alors, il la saisit avec 
empressement. | 

Le roi Louis XIV, la reine Marie-Thérèse, le 
dauphin vinrent, au mois de juillet 1683, visiter la 
Franche-Comté définitivement rattachée à la France ; 
leur voyage fut triomphal, et Etienne Patouillet les 
reçut et les harangua, le 15, à la porte de son église 
de Dole, sans faire la moindre allusion à son séjour 
d'autrefois à la Bastille ; c’eut été peut-être importun. 

Puis, moins de trois mois après, Marie-Thérèse (1) 
était morte, et dans toutes Ics chaires de toutes les 
églises du royaume, les orateurs sacrés se levaient 
pour faire son éloge et pleurer son trépas, 

A Saint-Denis, devant les tombeaux des rois, en 
présence du Dauphin, ce fut la grande voix de Bossuet 
qu'on entendit, le 1°" septembre. | 

Notre chanoïine crut devoir prendre la parole à son 
tour, et vraiment personne peut-être n'était en Fran- 
che-Comté mieux qualifié que lui, si l’on considère non 
seulement le talent, mais aussi la bonne volonté. 

Le discours qu'il a prononcé deux fois, à quelques 
jours d'intervalle, a été imprimé à Besançon, chez 
Rigoine, imprimeur du Roi, du Parlement et de la 
Cité, en l’an 1684. Il occupe quatre vingt-quatre pages 
d’un petit volume in-12°, qui a pour titre : 


(1) Fille unique de Philippe IV d'Espagne et d’Elisabeth de 
France, née le 20 septémbre 1638, mariée à son cousin ger- 
main, Louis XIV, du même âge qu'elle, le 4 juin 1660, décédée 
_ le 30 juillet 1683, à l'âge de 45 ans. 


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— 167 — 


Oraison funèbre de lrès haute, très excellente et très puissante 
princesse Marie-Thérèse d’Austriche, Infante d'Espagne, 
Reine de France et de Navarre, FRERE de. Bourgogne, 
Dame de: Salins, 


Prononcée en lEglise royale de S.Maurice de Salins, 
le 18 novembre ; et en celle des R. Mères C'armélites de 
Dole, le 25. 1683, 


Par Messire Estienne Patouillet de Salins, Docteur en 
Théologie, Doyen du Royal Chapitre de Dole. | 


Une dédicace au Roy, de sept pages, précède le 
texte. | . | 
Il faut en citer quelques lignes, au moins les 
premières. 
Sire, 


2 


Ce n’est pas toujours l'amour seul qui attache les sujets 
à leurs Souverains, il faut encore que la douleur s’en mêle, 
et quand le cœur mesure ces deux passions à la grandeur 
de leurs objets, on ne scauroit le soupçonner de feindre ; 
la Bourgogne a rempli ces deux devoirs avec tant d'éclat, 
qu’elle se flatte d’une fidélité agréable à Vostre Majesté : 
Et comme elle a répandue toute sa joie à la veue d’un 
_ Monarque triomphant, son cœur est aujourd’hui fermé par 
la tristesse, à la mort de la plus grande de toutes les 
reines... Si quelque chose peut nous consoler d’une perte 
que nous Sbdrone rachetcr de toutes nos vies, c’est de voir 
Votre Majesté sur le trône montrer à ses peuples un cœur 
de Père ; à sès ennemis; un cœur de Conquérant ; à la 
Providence. un cœur de Chrétien ; à Luy-même, un cœur 
de Louis-le-Grand... Il est, Sire, de votre grand cœur, 
comme de la douceur et de la majesté répandue dans votre 
air, et dans vos manières. Tous les Peintres de l’Europe 
n’ont encore sçü vous tirer au naturel ; je ne m’en étonne 
pas ; lorsque la grandeur de l’âme fait tous les traits du 
visage, il faut nécessairement qu'ils “PARDReOE à la délica- 
tesse du pinceau... 


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, 


— 168 — 


Les esprits sont si bornés, qu’ils ne scauroient arriver à 
un [éloge] qui soit digne de Vous : presque tous ont dit, 
mais différemment, que Vous étiez dans l'Etat ce que le 
Soleil est dans la nature ; que la rapidité de vos victoires 
étoit comme la rapidité de sa course, que les ennemis se 
déroboient à l'éclat de votre Présence, comme la nue se 
dissipe aux Rayons du Soleil ; que Vous étiez. parmi les 
autres Monarques ce que cet Astre est parmi les étoiles, et 
que vous aviez autant de facilité à conquérir plusieurs 
mondes que le Soleil à répandre sa lumière sur différents 
climats. . | 


Et un peu après : 


Sire, Vous allez plus loin que l'homme : Vous montez 
plus haut que le Prince : se vaincre soy-même par la paix: 
quand on peut vaincre les autres par la guerre : comme 
il n'est pas naturel à l'homme de se vaincre, ni au Prince 
de se modérer, Votre Majesté s'étant surmontée en ces 
deux manières, cela s'appelle en Louis-le-Grand, ne tenir 
plus rien de l’homme, ct être quelque chose au-dessus du 
Roy. Voila, Sire,l idée que j'ay formée de mon Roy sur son 
Trône... 


Et c'est signé, en tous petits caractères, au bas de 
la page. | | 
Sire, de Vostre Majesté, 


Le très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et 
sujet, Estienne Patouillet, de Salins, Doyen de Dole. 


Dans la marge, des citations de l’Ecriture sainte 
appuient ces eee qui nous paraissent none 
mais qui étaient dans la manière de l’époque ; on n’a, 
pour s’en convaincre, qu'à relire les dédicaces : des 
écrits de presque tous 16e auteurs classiques du xvn° 
siècle. 


Le texte de l’Oraison funèbre est celui-ci, tiré du 
psaume 44 : 


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— 169 — 


Omnis Gloria ejus Filiæ Regis ab intus, que l’orateur 
traduit ainsi : « Toute la gloire de la fille d’un roi vient du 
fond de sa vertu et de la plénitude de son mérite. 


Le début est à connaitre. 


Les Astres s’éclipsent, le Soleil se couche, la Lune 
tombe en défaillance, les saisons passent, les années 
s’écoulent, les fleurs se fanent, les fruits se corrompent, les 
hommes vieillissent, et Jes Roys meurent... N'y a-t-il 
point de privilèges pour les Grands ?... Non... la mort 
entre sous le dais comme dans la cabane... Ce n'est pas de 
l'égalité de la mort pour tous que je me plains dans cette 
chaire (car la mort est la seule chose qui distingue les rois 
de Dieu), c'est de l'inégalité de la vie... 


La mort en effet moissonne les hommes à tout âge ; 
elle a enlevé 


comme au Printemps de ses jours... Marie-Thérèse 
d’Austriche, Infante d’Espagne, Reine de France et de 
Navarre, Comtesse de Bourgogne, Dame de Salins. Prin- 
cesse Royale ‘en sa maison, Petite-fille de quatorze 
Empereurs, de vingt-six Rois de Castille, de plus de 
‘soixante et dix Ducs, et Comtes de Flandres, de Brabant, 
et de Bourgogne ; Royale en sa race, Sœur d’un Roy ; 
Royale en son alliance, épouse de Roy ; Royale en sa 
ie mère d’un Dauphin né pour être Roy... 

. Mais à quoi suis-je réduit ? Il ya quelques mois que 
je receu cette Grande Reine dans mon Eglise (1) à l'éclat 
de tous les flambeaux, au son de tous les instruments, à 
‘l'harmonie de toutes les voix, aux acclamations de tous les 
Peuples, à la gloire de Dieu même, touché d’une piété 
vraiment royale qui charmoit les Anges en édifiant les . 
hommes. Et aujourd'hui... le son lugubre de nos cloches, 
l'appareil funèbre de cette Eglise, les murs de ce Temple 
revêtus de noir, les-flambeaux mourans de cette chapelle 
ardente, les larmes qui coulent à torrent de vos yeux, les 


(1) 45 juin 1683 ; pide supra. 


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— 170 — 


_soupirs qui s’échappent en foule de votre cœur, ces nobles 
désespoirs d'amour et de douleurs, tracés sur vos visages, 
m'apprennent que je suis destiné à chercher le beau feu.de 
la piété qui animoit cette Princesse jusque dans ces _ 
cendres... J’avois bien résolu de garder le silence et de ne 
pas paroître au grand jour, puisque le caractère des grandes 
douleurs est de se taire... Le Chapître de Saint-Maurice 
aussi illustre par sa piété qu'il est insigne par sa fondation 
de nos Rois, et aussi distingué par son mérite qu'il l’est 
par sa magnificence dans la cérémonie de ce jour, après 
s'être longtemps abandonné à sa douleur, satisfoit aujour- 
d'hui à son amour'et à sa reconnoissance envers sa 
Souveraine.…. 


Ayant terminé son pompeux exorde, le chanoine 
Patouillet divise son discours en trois parties ; il va 
montrer que Marie-Thérèse a été Grande par la piété 
qui l’a soumise à Dieu ; Grande par l'amour qu’elle a 
eu pour ses peuples quifl’ont uniquement aimée ; 
Grande par une égalité d'esprit qu l'a élevée au-dessus 
d'elle-même. 

Au début du premier point, il établit À double 
dépendance de l’homme vis-à vis de Dieu parceque 
celui-ci l’a d’abord créé puis racheté du péché, ce qui 
constitue une nécessité matérielle et morale de lui être 
soumis. Mais l’homme est libre pour le crime ou 
dépendant par la vertu, ce qui lui permet d’ajouter 
quelque chose de personnel et de plus méritoire 
parcequ’entièrement volontaire: 


La dépendance de Dieu par la vertu est l’état de la plus 
haute élévation où puisse jamais arriver la grandeur et la 
perfection du chrétien. 


C'est de cette manière que Marie-Thérèse a été 
grande par la Piété.' Ses autres avantages ne sont rien 
en comparaison, ni la grandeur de sa maison : 


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— 171 — | 


Je ne fouille pas dans les sépulcres de ses ancêtres pour 
tirer de ces ombres illustres ce fond de lumière qui a fait 
l'éclat de son auguste maison depuis tant de siècles, ce, 
n’est pas des rayons réfléchis de tant de Devanciers 
glorieux que je veux former le grand jour qui la couronne... 


Ni sa naissance, ni son éducation : 


Les Princesses de cette auguste Maison naissent gran- 
"des dez le berceau... C’est achever l'éloge de la Reine en 
disant qu'il faut qu'elle ait été bien parfaite et bien 
accomplie puisque le Roy qui ne voit rien de Grand que 
lui-même trouva en elle assez de mérites DORE ES faire 
l’objet de son estime. 

Je m’arrête uniquement à la piété de la Reine. 


C'est cette piété qui a fait la meilleure joie du Rotï et 
aussi sa force. 


Je n’ai garde de toucher icy à votre Eloge [de Louis XIV], 
la statue est trop haute pour la mesurer, j’ébauche simple- 
ment celuy de la Reine... | 

La Reine prie, le Ciel l'écoute... Elle demande à Dieu 
que tous les Peuples de son royaume soient réunis en une 
même Religion, et Louis-le-Grand des Temples des Hugue- 
nots renversés et démolis ‘en fera les monumens de sa 
Piété pour en faire des Trophées à l'Eglise : Que tant de 
milliers d’âmes dans le Poitou rachetées du sang de Jésus- 
Christ ne restent plus dans cet aveuglement autrefois si 
fatal à l'Etat, et si funeste à leur salut, et le Roy par le 
secours des Missionnaires les arrachant à leur erreur les 
raménera au grand jour de la vérité. 


Après cette allusion aux dragonnades, en vient une 
autre plus discrète à la conquête de la Franche-Comté, 
eton devine ce qu’en aurait dit le salinois no sl 
eut été dans l'assistance : 


On ne comptera plus les droits de la Reine, que par le 
nombre des victoires du Roy... 


C'est évidemment une manière de compter ! Il y en 
d’autres, 


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— 172 — 


Mais c’est aux communions de la Reine que ces 

victoires sont dûes et aussi les succès contre les 
Tures et la délivrance de Vienne assiégée. 
_ À Ja piété, Marie-Thérèse joint une humilité pro- 
fonde, qui en est le solide fondement. Soumise à son 
directeur de conscience, docile aux volontés du roi, 
respectueuse de la future dignité royale dans la per- 
sonne du Dauphin, son fils, elle ne regarde « les gran- 
deurs de la naissance que comme des grâces du Ciel », 
elle est généreuse dans ses aumônes, visite les hôpi- 
taux, console les affligés, fait deux heures d’oraison par 
jour, communie fréquemment, etc. | | 

Mais sa bonté égale sa piété ; c'est le second trait 
ds son caractère et le deuxième point du discours. 

Cette bonté dont elle a donné tant de témoignages 
particuliers .se manifestait surtout à l'égard des 
Peuples. | 


Cœurs des sujets, ne vous donnerés vous pas aussi à 
la Reine ? Oui, ils lui donnèrent tous leurs cœurs quand 
ils la virent apporter d'Espagne en France l'olivier de la 
paix à toute l'Europe... ; à son entrée si heureuse en 
Bourgogne que cette province ne goûta jamais rien de si 
doux... Peuples conquis et cédés, où êtes-vous ? Il y a 
longtemps que je voüs cherche... Ce que {je sais] c’est que 
cette Princesse, à son entrée en Bourgogne, avoit assuré- 
ment ordonné que son Carosse allât lentement par les rues 
de Dole se doutant bien que comme les Peuples ne se 
lasseroient jamais de voir Louis-le-Grand, aussi ne souhoi- 
teroient-ils rien tant que de pouvoir la contempler à leur 
aise : Ce qui fut de plus doux est qu’en recevant les 
hommages des trois Compagnies du Clergé, des hommes de 
Robe et des Magistrats, elle affecta si. peu de ‘grandeur 
qu’elle l’eut quitté volontiers, si Elle eut pu disposer 
d’'Elle-même, pour leur mieux marquer son amour, et ces _ 
trois Compagnies à leur tour, ne faisant paroître que leur 
cœur dans leur air et leurs manières, montroient assez 


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4479 


ue leur joye étoit si solide que la plus lâche envie n’auroit 
pas pu les soupçonner d’une joye superficielle : Ce qui fut 
de plus beau, est que tous les Peuples redoublèrent leurs 
cris de joye, quand ils virent le Roy et la Reine entrer dans 
la Grande-Eglise, qui se trouva être fort heureusement 
pour tous les deux l'illustre monument de la Piété de leurs 
Pères ; alors que toutes les Voûtes de ce Temple si magni- 
fique ne retentirent plus que de ce beau bruit qui enchante 
l'oreille bien loin de l'étourdir, l'air y fut d’abord épaissi 
par la fumée des encens, tous les autels y éclatèrent en 
lumière et en feu, et le Clergé et le Peuple arrêtans leurs 
yeux sur ces deux Augustes Personnes. furent charmés de 
voir au pied du Maître-Autel de si nobles victimes qui 
n'avoient de cœur que pour en faire un Sacrifice au Dieu 
des Miracles dans l’Eucharistie.… Ce qui fut de charmant 
est que la Reine étant contrainte de se retirer au Monas- 
tère des Carmélites pour fuir les honneurs des Peuples, 
leurs applaudissements,n’ayant plus d'égard à sa modestie, 
la suivirent jusque dans le Cloître... Ce qui fut de plus 
rare, est que le Roy et la Reine entrant en carosse pour 
aller à Besançon, les peuples montrèrent ce que peuvent 
des cœurs de véritables sujets dans l’éloignement de leurs 
Souverains, les uns s’attachèrent aux reines des chevaux, 
les autres aux roues de ce carosse, les autres aux portières, 
la douleur de les perdre de veue le retenoit ; l'amour et le 
plaisir de les voir toujours le suivoit : jusque là que ce 
Carosse n'étoit ny tout à fait arrêté, ni tout à fait libre à 
rouler et se trouvant dans cet état bien avant dans la plaine, 
où le Roy et la Reine firent de grandes profusions d'argent, 
soit pour remplir ce caractère de générosité qui leur est 
naturel, soit pour occuper ces peuples à le ramasser, afin 
de suivre dans une entière liberté, leur route et leur voyage; 
ce qui fut de singulier jusqu'au prodige, est que ces 
Peuples ne baissèrent ni les yeux ni les mains sur un métail 
qui fait l’ardeur de tous les yeux et de toutes les mains du 
monde, ce qui fit leur indifférence, c'est que tous ces 
Peuples ayans les yeux colés sur leurs Souverains, rien ne 
pouvoit entrer dans des cœurs qui étaient déjà tous remplis 


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TE 


de la joyé de les posséder, et il fallut leur témoigner qu'on 
étoit satisfoit de leur zèle pour les obliger à une séparation 
dont on ne scauroit concevoir la douleur qu’en la mesurant 
uniquement à l'excès de leur amour... Quand nous serions 
aujourd’hui à nous mêmes, après l’honneur d'avoir veu ces 
deux augustes têtes, il ne faudroit plus nous battre, comme 
on l’a fait en deux campagnes pour nous résoudre à être 
heureux,ne scachant qui goûte aujourd’hui plus de douceur, 
Ou le Roi par la Conquête qu'il a faite de cette Province, 
Ou nous par le plaisir qu'il y a d’être au Roy et par le 
souvenir qui nous reste d'avoir été soumis à l’obéissance de 
la Reine | 
Et c'est icy, Grande Reine, que l’on est fort surpris 
pourquoy vous vous êtes montré à Dole et à Besançon ? Et 
que vous n'avez pas patu dans Votre ville de Salins de 
laquelle vous êtes Dame ? Pourquoy vous avés donné aux 
unes le plaisir de vous voir, aux autres seulement le désir ? 
Beau mystère dont le dénouement et l'explication étoit 
réservé'à notre amour : c’est que vous scaviez bien que la 
Ville de Salins étant votre sujette à double titre, ce que les 
autres villes ne sont pas auroit un double désir de vous 
voir, pour goûter plus longtemps le double désir de vous 
avoir vue : aussi ce jour de votre entrée à Besançon qui fut 
un jour de triomphe pour la Bourgogne fut pour la Ville de 
Salins le jour de la plus éclatante et de la plus sensible 
de toutes les joyes. Ce qui y fut de surprenant et qui doit 
bien distinguer cette ville, c’est que contre tous les senti- 
mens de la nature et par une innocente cruauté, les femmes 
y laissèrent leurs enfants au berceau pour apprendre à la 
postérité que le désir de voir leur souverain et leur souve- 
raine l'emportoit sur la tendresse de la mère ; les Dames 
s’y oublièrent de leur rang, les Nobles de leur condition, 
les hommes privés de leurs affaires, les Peuples de leurs 
emplois, les malades de leur douleur, les vieillards de 
leurs années, les enfants de la tendresse de leur âge, et il 
n’y eut ni la chaleur brûlante de l'été, ni la longueur du 
chemin, ni la lassitude ordinaire aux voyages qui put les 
empêcher dans le manquement des équipages d’aller à pied 


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— 175 — 

à Besançon pour voir en vous sur le trône la douceur et la 
bonté dans une si grande majesté. Ce qui les distingua 
encore dans ce jour de cérémonie, ce fut l’empressement 
que chacun d'eux avoit de vous voir le premier, et vous le 
.sceutes si bien connoître que vous vous fites voir à tous à 
la fois et tout ensemble pour ne point faire de malheureux 
dans une joie qui étoit commune : à leur retour les uns 
méprisoient la vie, parce, disoient-ils, qu’il n’y avoit plus 
de plaisir à goûter après celuy d’avoir veu le Roy et la 
Reine, les autres l’estimoient beaucoup par le règne d'un 
Prince et d’une Princesse qui devroiïent être immortels pour 
la félicité publique. Les Dames charmées par votre : 
modestie, n’eurent plus d’autre soin que de s’en faire une 
étude pour nous charmer à leur tour par l’exemple de cette 
vertu : notre jeunesse gagnée par votre douleur se sentit 
de l’ardeur à servir Louis-le-Grand, scachant bien que le 
seul moyen'de vous plaire étoit de vaincre avec luy ou de 
mourir pour son service, et tous nos Peuples-enfin n'ayans 
plus qu'une voix à louer vos admirables vertus ne voulu- 
rent plus de leur souvenir que celuy de vous avoir veue, ne 
voulurent plus de tous les désirs de leur cœur que celuy de 
vous revoir encor en RU Mais hélas beaux jours 
qu'êtes vous devenus ?. | 


Le chanoine Patouillet se tairait si par un sentiment 
de reconnaissance 1l ne devait à sa Souveraine le 
dernier trait de son éloge. A toutes ses autres gran- 
deurs, elle x ajouté AT d’une égalité d'esprit qui l’a 
élevée au-dessus d'elle-même. 


Vous allez voir, mais c'est en deux mots que j'achève, 


Cette dernière partie a pourtant la longueur de cha: 
cüne des deux autres exactement 

La fermeté de Marie-Thérèse s’est montrée d’abord 
à l’occasion de la mort du Dauphin où elle fut semblable 
à celle d'Abraham invité par Dieu à lui sacrifier son 
fils Tsaac. Plus forte que David après la perte de son 


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22 4762 


Absalon. que Samuel qui s'est lamenté sur Saül, 
qu'Anne qui a pleuré l'éloignement de Tobie, la Reine 
a ressemblé à une armée en bataille, à la cavalerie de 
Salomon, elle a « été en ordre contre tous les traits de 
la mort comme les astres du firmament furent en ordre 
contre Sisarra: Stéllæ manentes in ordine suo adver- 
sus Sisaram pugnaverunt.….. 

Mais c’est surtout contre La violence des douleurs 
qu'elle a été forte, 


.. des douleurs qui lui donnent la mort en quatre jours. Ah, 
Providence que faites-vous ?. J'adore bien vos arrêts dans 
le silence et sans murmure:Judicia tua abyssus multa;mais je 
ne puis m'empêcher d’être surpris de voir un trésor si 
précieux renfermé dans un vase si fragile... Quoy la 
nature cache les perles dans le centre des abymes, l'or 
dans les entrailles de la terre, les pierres de prix dans le 
fond des précipices, et le corps de la Reine est exposé aux 
attaques inévitables de la mort ? Les astres qui éclairent 
l'univers sont d’une matière incorruptible : et cette grande. 
lumière de la France qui n’avoit pour ses peuples que des 
. regards bienfaisans est d’une si courte durée ?.. . Me voicy 
donc à cette mort sans que je sache ny comment j'y suis 
entré, ny comment jen pourray sortir. J'ai toujours 
appréhendé cet endroit parceque tout ce qui est à dire est 
un mystère bien plus propre au silence qu'à l'oraison 
funèbre. | 


Il se rassure cependant à la pensée que la reine est 
sauvée puisqu'elle est morte la veille de la fête de 
saint Ignace et « entre les bras d’un de ses enfants qui 
a la gloire de régler le cœur de son Prince sur la 
terre, de porter celuy de la Reine jusque dans le ciel », 
c'est-à-dire du P. de la Chaise dont Saint-Simon a 
laissé une peinture si vivante. 


Puis ce trait qui vaut d’être signalé DAIEgE 1l rappelle 


Malherbe : 


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177 


Et vous mourés dans le Louvre, grand exemple pour 
apprendre à tous les rois qu’ils sont à la mort aussi petits 
que des hommes et à tous les hommes qu'ils deviennent à 
la mort aussi grands que des Rois. 


La Reine est au ciel, le chanoine en cest sûr: 


Il n’est point de couchant pour les astres de la première 
grandeur : je ne verserai pas de larmes sur votre sépul- 
ture, ce sera le théâtre de vos triomphes qui mettra bientôt 
toute l'Eglise en feste par des miracles qui estant le fruit 
de votre Piété consommée sur la terre seront les marques 
de votre sainteté couronnée dans le ciel... 


Tous les éloges sont inutiles, sauf ceux que 


vous a donné Louis-le-Grand dans son conseil en disant 
que vous ne luy aviés jamais donné le mbindre chagrin 
durant toute la vie, et em cela il vous a fait justice, puis 
qu'étant née comme luy sous le signe de la balance au 
même mois et à la même année, vous ne pouvés qu'être la 
plus égale et la plus modérée de toutes les Princesses, 
comme le Roy est toujours égal à luy même et le plus 
modéré de tous les Princes : ambo justi quia nali in libra.… 

Après cela allés,belle âme, allés à celuy à qui vous avés 
toute été et de dessus ces lèvres qui ne s'ouvrent plus 
qu'aux derniers abois de la mort, passés au doux baiser de 
votre céleste époux, où vous serés à Jamais dans la jouis- 
sance du pur amour. Les intelligences qui président aux 
royaumes de France et d'Espagne, vous y recevront avec 
cette foule d’hérétiques qui par vos soins ont été convertis, 
d'Enfans que vous avés fait élever à la Piété, de Veuves 
dont vous avés essuyé les larmes par votre tendresse, de 
Pauvres que vous avés enrichis par la profusion de vos 
aumônes, de Malades que vous avés secourus par les 
ardeurs de votre charité, d’'Agonisans qûe vous avés 
consolés dans l’hôpital de Saint-Germain, de Malheureux 
dont vous avés rompu les chaînes dans tous les cachots du 
royaume, de Libertins que vous avez sanctifié à la Cour,de 
Dames que vous avez gagné à Dieu par la pureté de votre 


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— 178 — 


modestie (1), de Religieuses même que vous avez édifié dans 
les cloîtres par la sainteté de votre exemple. 
La Reine est donc morte, Messieurs, 


et sa mort montre bien le peu qu'est la vie en quelque 
situation qu'on se trouve. Et le chanoine FAIONIPes de 
conclure : 


Pour moy, Grande Reine, qu'un profond respect tient 
abaïissé à votre tombeau, où votre Grandeur est ensevelie 
dans un peu de ponssière, la Majesté de votre corps 
confondue dans un reste de pourriture, l'éclat de votre 
gloire terny dans l'obscurité des ombres, le beau feu de 


4 


votre vie terminé à un peu de cendres, je voudrois 
apprendre à tous ceus qui m'écoutent à bien vivre par la 
nécessité où vous avés été de mourir, je voudrois leur 
apprendre à bien mourir par ce fond de vertu et cette 
plénitude de mérites que vous avés laissé à tous comme un’ 
exemple et un modèle pour bien vivre. Omnis gloria ejus 


filiæ Regis ab intus. J’ay dit. 


Le succès de ce discours dut être grand, puisqu'ainsi 
que nous l’apprend Îe titre de son texte imprimé, il fut 
prononcé deux fois à quelques jours d'intervalle et dans 
deux villes différentes. Et vraiment il le méritait ; car, 
à côté de longueurs, d’énumérations fastidieuses, de 
traits d'esprit et de jeux de mots qui sont dans le goût 
de l’époque, il y a de bons morceaux et même de belles 
pages. [rai-je jusqu'au bout de ma pensée ? Sans 
établir avec celui de Bossuet sur le même sujet une 
comparaison que peu de choses justifient, je dirai quele 
discours de Patouillet se laisse tout de même lire après 
l'autre. Il est vrai qu'il contient des renseignements 
historiques qui ont pour nous leur prix. Mais les éloges 
que son auteur donne à la reine et au roi ne sont, ma 
foi, pas si différents de ceux du grand évêque, ni 
dans leur motif, ni dans ce qui nous paraît aujourd'hui 


(1) Serait-ce une allusion h Mile de la Vallière ? On n'ose le 
soupçonner,. 


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— 179 — 
leur exagération. Je dois avouer cependant que, pour uñ 


comtois récemment conquis et pour un ancien Er 
naire de la Bastille, le chanoine « allait un peu fort... 


De 1683 à 1696, année de sa mort, nous ne savons 
à peu près rien des occupations d’Etienne Patouillet. 
On le trouve de temps en temps à Besançon où il 
prononce des sermons, à Dole où les Archives du 
du Chapitre nous apprennent qu'il a mis sa signature 
au bas d’actes administratifs sans intérêt pour nous (1), 
à Salins où 1l vit habituellement et où il rédige, le 31 
décembre 1695, son testament, huit jours avant de 
mourir de la fièvre dans sa maison (2). Il fut inhumé, 
comme tous les siens, dans l’église des R. Pères 
Cordeliers, aujourd'hui disparue, et sa pierre tombale 
servit après la Révolution à la confection d'une fontaine 
où on la retrouva plus tard. 

Il avait d’ailleurs résigné le doyenné de Dole en 
faveur de son neveu Etienne Patouillet, né à Vers en 
1660, fils de Pierre-François Patouillet et de Margue- 
rite Thuresset. 

Une lettre d'un de ses petits neveux à Weis, écrite 
en 1858, alors que celui-ci préparait son article biblio- 
graphique sur le personnage pour le Dictionnaire édité 
par Michaud, nous donne quelques renseignements 
sur cette découverte et sur notre chanoine. On y voit 
aussi que le bon M. de Déserviliers se faisait quelques 
illusions sur la carrière de son parent. 

Cette lettre m'a été très obligeamment communiquée 
par M. G. Gazier, conservateur de la Bibliothèque de 
Besançon. Elle figure dans le dépôt confié à ses soins, 
section des Manuscrits, n° 1777. 

(1) Archives da Jura, série 4 (Lome 1°",p. 87) Ævlise col'ésiale 
de Dole : doyenné. 

(2) Testament d'Et. Patouillct, 31 décembre 1695, Registre 10, 
folio 117 des Testaments, aux Archives de Salins. 


Go gle 


— 180 — 
Château de Meslay, près Vendôme, le 28 janvier 1858. 


Monsieur, 


Je n’ai pas répondu plus tôt à la lettre si intéressante 
que vous avez bien voulu m'écrire parceque je voulois 
pouvoir vous envoyer l’épitaphe d'Etienne Patouillet dont 
vous avez découvert l'existence. Je savois de mon côté que 
la pierre de la tombe avoit été employée il y a une soixan- 
taine d'années dans un bassin de fontaine à Salins. Avec 
l’active et obligeante intervention de Monsienr-: Charles 
Gauthier, je suis parvenu à faire remplacer cette pierre qui 
est maintenant déposée à la Bibliothèque de Salins et 
Monsieur Gothier vient de m'envoyer la copie de ce qui est 
lisible de l’épitaphe et il me donne l'espoir qu'à l'aide de 
nouveaux lavages et en faisant passer un trait de peinture 
dans les creux des lettres on pourra presque la compléter. 
Telle qu’elle est, elle constate qu'Etienne Patouillet avoit 
été nommé Abbé d'Acey, le mot olim semble indiquer 
qu’il l’avoit été par l’empereur d'Allemagne, il est possible 
alors que la conquête de la Franche-Comté survint avant 
qu'il n'ait été institué. D’après le diplôme de l’empereur 
Léopold, on voit que ma famille a toujours été dévouée à la 
maison d'Autriche, tous les membres qui la composoit dans 
le dix-septième siècle, ont donc dû être attachés au parti 
autrichien pendant l’espace. de temps qui a séparé la mort 
de Charles II d'Espagne de la conquête de la Franche- 
Comté ou même encore de la paix de Nimèguc. C’est pro- 
bablement de 1671 à 1674 qu'Etienne aura été nommé 
Abbé d'Acey par l’empereur Léopold ; c’est pendant ce 
même temps là qu'il aura eu à accomplir üne mission qui a 
nécessité une longue absence à laquelle se rattache une 
histoirt que j'ai souvent entendu conter à mon père. 
Pendant son absence ïl n'aura pas été institué Abbé 
d'Acey quoique nommé, il n'avoit pas non plus touché les 
revenus de son doyenné de Dôle, les chanoines s’en étoient 
emparés. À son retour ils refusèrent de lui tenir compte 
du revenu de cette prébende, espérant peut-êtrele débouter 
de ses droits comme il l’avoit peut-être été de son abbaye 


Co gle 


— 181 — 


pendant son absence. Un procès s’en suivit entre Etienne 
et les chanoines. Etienne gagna et les chanoines furent 
condamnés à lui restituer une somme très importante, je 
crois avoir retenu le chiffre de trente mille francs. Ce qui 
m'a surtout frappé dans le récit de mon père,c'est le propos 
de notre arrière grand'oncle Etienne qui dit que cette 
somme venant de l'Eglise devoit retourner à l'Eglise. I 
commanda donc une chapelle en argent massif, qui 
consistoit en six grands chandeliers, un cn une Croix, 
etc., qu'il donnat à l'Eglise ‘de Saint-Michel ou de Saint- 
Anatoile, à la condition que la chapelle seroit apportée 
près du lit de tous les membres de la famille qui rece- 
vroient les derniers sacrements à Salins, cette clause a été 
fidèlement exécutée jusqu'à la Révolution. qui a brisé non 
seulement les traditions, les habitudes mais même aussi les 
contrats. La chapelle a été vendue et fondue comme bien 
d'Eglise. Voilà, Monsieur, mon histoire qui ne laisse aucun 
doute sur la position de Doyen de Dôle que Etienne aura 
eue jusqu'à sa mort. Quant à celle de l'Abbé d’Acey relatée 
sur sa tombe, il n’aura peut-être pas pu s’en emparer 
pendant les négociations dont il a été chargé et les évène- 
ments de la conquête auront permis au nouveau pouvoir 
d'en disposer. Cela du reste est une simple supposition que 
je ne peux appuyer sur rien. J'aurois vivement honte, 
Monsieur, de vous entretenir de ces détails de famille, si 
je ne savois combien vous, attachez d'intérêt à tout ce qui 
rappelle ce temps d'autrefois, qui a pu avoir, coinme 
toutes choses de ce monde, ses inconvéniens mais qui a 
eu des qualités bien regrettables. Par malheur ce n’est plus 
guère que dans l’histoire qu'on trouve cette simplicité de 
mœurs, ce respect de soi et des siens sans mélange de 
vanité, cet attachement au devoir, cette droiture et cette 
vérité dans tous les rapports de la vie. Je ne sais pas 
encore si nos institutions ont gagné quelque chase,mais ce 
que je sais c'est que quand je me reporte vers le passé et 
que je me mets en rapport avec les hommes d’autrefois, je 
trouve que les caractères ont perdu. Monsieur de la Porte 
que vous avez si bien connu et dont vous avez conservé un 


Google 


— 182 — 


si bon souvenir, appartenoit à ce monde que je regrette, il 


avoit l'esprit vif et naturel de l’homme qui n’a pas voulu se - 


laisser absorber par les calculs de la spéculation ou 
attrister par les rêves de l'ambition, la gaîté et la vérité de 
l'homme qui n’a rien à se reprocher et qui croit encore à la 
vertu d'autrui. Îl étoit comme le survivant d’un âge qu'on a 
calomnié et qui reste pour attester combien ceux qui nous 
ont précédés valoient mieux que nous. Pardonnez-moi, 
Monsieur, celte trop longue lettre et veuillez a gréer l'assu- 
rance des mes sentimens dévoués et distingués. 


P. de Déservillers (1). 


La dernière partie de cctte lettre n’a rien à faire dans 
cette monographie, c'est évident, mais il eut été dom- 
mage de ne pas la citer pour son charme de courtoisie 
et son parfum d’honnéteté. 


Quant à l’épitaphe du chanoiïne, la voici, telle ou à 
peu près qu'on la lit sur la pierre tombale conservée 
au Musée de Salins (2). Les mots ou les lettres en 
petits caractères sont une restitution des parties frustes 
ou brisées. 


hic requiescit — STEPHANUS PATOUILLET pbr 
. ABBAS D'ACEY A BReve — apostOLICO 
NOMINATUS -- ECCLESIAE DOLANAE B. — 
MARIAE VIRGINIS DECANUS — salinis DOMI 
SUAE FEBRi — defuncTUs ECCLESIASTICIis — 
sacris RITE MUNITUS — CHRISTIANAM COELO 
ANIMAM — tranSMISIT VIII IDUS — jansarias 
ANNo SALUTIS — M. D. C.X. C. V.I. AETATIS — 
SUAE LXII — MORTALES HIC EXU VIAS deponi 
— VOLUIT AD secundum — christi ADVENTum. 


(1 Bibliothèque de Besançon ; Ms. 1777, folios 27%, 275. 276. 
(2) La pierre a 1 m. 10 de hauteur et 0 m.80 de largeur 
et l'inscription n'est accompagnée d’aucuns ornements, 


CELL + à 


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G. BLONDEAU 


rec >2- 


| A DE TRANSEBRT DU PARLEMENT 


de Dole à Besançon 


AU QUINZIÈME SIÈCLE 


4» Google 


ESSAI DE TRANSFERT DU PARLEMENT 


de Dole à Besançon 


* 


AU QUINZIÈME SIÈCLE 


L'intérêt étant le mobile principal des actions 
humaines, il n'est pas rare de voir un homme poli- 
tique soupçonné d'avoir poursuivi la réalisation d'un 
projet d'intérêt général et public dans le but d’en 
retirer un avantage personnel. Et l’accusation devient 
plus précise si, une fois le projet réalisé, les circons- 
tances et la valeur de cet homme ont été la cause de 
son élévation. | | 

Tel est le cas du célèbre Président Guy Armenier 
qui joua un rôle important dans l'administration des 
deux Bourgognes au commencement du xv° siècle. 

Issu d'une ancienne famille franc-comtoise de Mon- 
tigny-les-Arbois, il était né, dans ce bourg, à une 
date inconnue, mais que l’on peut placer entre 1355 
et 1360. Licencié, puis docteur en lois de l’Université 
de Dole, il s'était établi, comme avocat, à Besançon. 
Conseiller-d’Etienne de Montfaucon, comte de Mont- 
béliard, de 1394 à 1397, puis de Louis II de Chalon- 
Auxerre, comte de Tonnerre, son habileté l’avait fait 
choisir comme conseil des gouverneurs de la cité libre 
de Besançon. Ces évènements furent l'origine de sa 
fortune politique et du projet hardi qu'il conçut 
bientôt. 

En 1401, la duchesse de Bourgogne le désigna pour 
être l'un de ses conseillers et le fit entrer au Grand 


Go gle 


— 186 — 


Conseil du duc Philippe-le-Hardi. Celui-ci l’envoya, 
dès l’année suivante, avec deux autres de sés conseil- 
lers, à Chatillon-sur-Saône, puis à Jonvelle, pour 
traiter, avec les plénipotentiaires de Charles Il-de 
Lorraine, au sujet d’une délimitation de frontière ; 
cette ambassade n'eut aucun résultat par suite de la 
carence des lorrains. 

Pourvu, en 1404, de la charge de Pardessus de la 
saunerie de Salins, Guy Armenier se démit bientôt de 
cette fonction pour suivre les séances du Cônseil ducal 
à Dijon. Après la mort de son père, Jean-sans-Peur le 
maintint au nombre de ses conseillers et le chargea 
de négociations laborieusces auprès des gouverneurs de 
Besançon, des abbayes et des villes de la Comté pour 
obtenir des subsides destinés à payer ses dettes ct la 
dot de sa sœur, la duchesse d'Autriche. Pour la première 
fois, Armenier siègea au Parlement de Franche-Comté 
qui se tint à Dole en juillet et août 1407 (11. 

Dès avant cette date, le conseiller ducal avait été 
mêlé à une entreprise qui attira sur lui l’attention de 
toute la province. 

Guy Armenier avait compris que la politique des 
comtes-ducs de Bourgogne destinait, tôt ou tard, la 
_ ville de Resançon à devenir la capitale de la Franche- 
Comté, de même que Dijon était: celle du duché. Ce 
vaste projet comportait, à sa base, le transfert au 
nouveau cheflieu du Parlement (2) comtois qui se 


(1) C. f, notre biographie de : « Guy Armenier, président aux 
Parlements de Paris et de Troyes, chef du Conseil ducal, pré- 
sident des Parlements des duché et comté de Bourgogne. » 
Manuscrit à la Bibliothèque municipale de Dole et copie à celle 
de Besançon. 

(21 G. BLonprau. — « Les origines du Parlement de Franche- 
Comté, premières sessions...,et Le Parlement de Franche- 
Comté durant la deuxième moitié du xive et les premières années 
du xve siècle ». Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 
1925 et 1926. 


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— 187 — 


réunissait presque toujours à Dole depuis presqu'un 
demi-siècle. Il réussit, provisoirement du moins, et le 
sage conseiller ducal cn fut nommé le Président. Il 
n’en fallait pas plus pour attirer sur lui la haïne et la 
jalousie des envicux. Sapant le monument élevé par ses 
mains avec tant de peine et de persévérance, ses 
ennemis le renversèrent et, avec lui, la haute magis- 
trature .que la confiance d’un prince versatile avait 
posée sur la tête d'Armenier. 

« Au milieu de la comté de Bourgogne, écrit Jules 
GAUTHIER (1), était enclavée une ville d'Empire qui, 
« par son importance, primait toutes les villes de la 
« province, comme par sa situation sur un rocher 
« presqu'inexpugnable, au dire d’un contemporain (2). 
« Ancienne capitale de la Séquanie, Besançon, rési- 
« denceet jadis domaine de l’archevèque, était restée 
« la métropole religieuse d'une province dont elle ‘était 
« depuis longtemps isolée. Une commune s’y élait 
« constituée dès la fin du x1r° siècle et, dès lors, des 
« luttes constantes entre l'archevêque et les chefs de la 
« commune avaient fini par équilibrer ces deux 
« pouvoirs qui vivaient côte-à-côte sous la surveil- 
« lance lointaine des empereurs d'Allemagne (3). 


CS 


(1; Le récit des événements qui vont suivre a été écrit suc- 
cinclement par le président Clerc ; mais l'ordre strictement 
chrono'ogique que s'est imposé l’auteur de l’ « Essai sur l’his- 
toire de la Franche-Comté », tome II, p. 287 et suivantes, n’en 
donne qu'une relation assez décousue et incomplète. La thèse 
manuscrite de J. GAuTHIER, p. 33, recto à 36, verso, contient au 
contraire un récit alerte et intéressant que nous nous faisons. 
un devoir de suivre aussi ponctuellement que possible. Nous y 
ajoutons les développements et les renseignements complémen- 
taires dus à nos recherches personnelles. 

(2) Jean Langret, évêque de Bayeux, que nous avons déjà 
rencontré lors de puSIeurs sessions du Parlement.—G.BLoNDEAU, 
op. cit. 

(3) Aug. GasTAN. — « Les origires de la commune de Besan- 
çon, » Thèse de l'Ecole des Chartes, 1856. 


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— 188 — 


« Située au centre du pays, Besançon eût été pour la 
« comté une merveilleuse capitale; dès son avènement, 
« le duc de Bourgogne (Jean-sans-Peur) avait médité 
« cette pensée en renouvelant le traité de garde conclu 
« par son père avec la cité de Besançon » 

C'est dès le milieu du xrve siècle que les gouver- 
neurs bisontins avaient fait des avances aux ducs de 
Bourgogne et leur avaient proposé de se mettre sous 
leur sauvegarde. Le 6 mars 1386, Jean de Ville-sur- 
Arse, bailli d'Amont, était venu leur rappeler leurs 
promesses antérieures. Malgré lopposition de l’arche- 
vêque Guillaume de Vergy et du vicomte Hugues de 
Chalon qui pcssédaient des droits seigneuriaux dans 
la ville, le traité avait été eonclu à Chatillon, près 
Besançon (1). Le comte-duc s'était engagé à « donner 
« aux habitants tous les secours dont ils pourraient 
« avoir besoin pour la défense et conservation de leur 
« ville, droits et privilèges. » De leur côté, les citoyens 
de Besançon avaient promis « par reconnaissance, de 
«€ payer au duc,chaque année, une somme de 500 livres 
« le jour de la Purification de Notre Dame. » (2) Le 
traité définitif, signé à Argilly,le 23 mai 1386, fut 
juré en présence des ambassadeurs bisontins par 
Philippe le-Hardi qui envoya le maréchal de Bourgo- 
gne, Guy de Pontailler, pour recevoir le serment des 
gouverneurs de la cité. | 
À la mort de Philippe-le-Hardi, et sans attendre 
l'invitation du nouveau duc, les gouverneurs avaient 
dépéché auprès de lui Jean Bonvalct, Erard de 
Montjustin et Guy Armenier afin d'obtenir la ratifi- 
cation du traité de gardienté, Jean-sans-Peur avait 
juré aussitôt, le 28 juillet 1405 (3), et vraisembla- 

(1) Ed Crerc — « Essai... », tome IT, p. 219 et 220. 


(2) Dom Prancaer.— « Histoire de Bourgogne »,tomelIT, p.91. 
(3) Ed, GLerc. — Zdem., tome II, p. 287. | 


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CE 

blement avait attiré l'attention de son conseiller sur leg 
conséquences que cet acte important pouvait avoir,dans 
la suite pour l'intérêt de sa politique. « Il fallait, 
continue J. GAUTHIER, qu'une occasion favorable se 
‘présentât pour -que les -vues du duc pussent se 
« réaliser et que, maître de Besançon, il pût exécuter 
« un projet qui. aboutissant, eût fait de cette cité la 
« capitale des deux Bourgognes (1). Cette occasion se 
« présenta à la fin de l’année 1407 : voici dans quelles 
« circonstances. À la suite d'une lulte entre les offi- 
« ciers de l’archevêque (Thiébaud de Rougemont) et les 

citoyens de Besançon au sujet de juridiction, le 
« peuple s'était soulevé cet le prélat, obligé de quitter 
« la ville, avait, du haut de son château de Gy, lancé 
« sur elle les foudres de l'excommunication, Depuis dix 
« mo:s, l'interdit pesait sur Îa cité ; tout commerce y 
« avait cessé, la situation devenait chaque jour plus 
« critique, le découragement commençait à se mettre 
« parmi les citoyens qui cherchaient en vain un moyen 
« de sortir d'embarras. » Le gouverneur de la Province, 
Jean de Vergy et le chancelier Regnier Pot avaient 
fait quelques démarches officielles mais peu pressantes 
pour arriver à une conciliation, tandis que la diplo- 
matie ducale agissait de son côté en sens inverse.« Le 
« duc Jean avait de nombreuses intelligences dans le 
« conseil de la commune ; un de ses conseillers les plus 
« habiles et de ses confidents les plus chers, Guy 
« Armenier, était de Besançon (2) ; ses conseils et son 


CS 


(i) L'auteur va peut-être un peu loin dans ses prévisions. Il 
suffisait, à notre sens, à l'ambition du duc et aux intérêts des 
gouverneurs que Besançon devint la capitale de la Comté seu- 
lement. | | 

(2) Nous avous dit, autre part, les raisons qui combattent 
l'opinion émise ici par J. GauTkiIER : « Guy Arménier, président 
aux Parlements de Paris et Troyes...», biographie manus- 
crite, 


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= 490 = | 
« irons. surent, dans sa ville natale, BRÉpeReE les 
« évènements. » 

Le président Clerc, qui aime à entrecouper la 
sécheresse d’un récit historique par de petites anec- 
dotes fantaisistes, raconte la séance qui se tint à l'Hôtel 
de Ville, comme s’il en avait été le spectateur ; malheu- 
reusement pour la vraisemblance, le style n’est pas de 
l'époque : « J’y sais bon remède (à l’interdit) si l'on 
« m'en veut croire, beaux seigneurs, s'écria l’un des 
« gouverneurs. Puisque la régalie est en nos mains, 
« offrons hastivement et sans tarder la souveraineté et 
« le gouvernement temporel de la cité à Monseigneur 
« de Bourgogne ; nostre. très redouté empereur ne 
« refusera pas de ratifier ce don à un si haut et si 
« puissant prince. Monscigneur saura bien forcer 
« l'archevêque à lever la sentence d’excommunication ; 
« jusque là, tenons-nous serrés et fermons bien les 
« portes du chapitre Oui, oui, s’écrièrent les gouver- 
« neurs frappés de cette pensée inattendue, nous deman- 
« derons en retour que Monsieur de Bourgogne donne 
« à la cité le Parlement et la Chambre des comptes, et 
« Besançon, remis en grant paix et amour, deviendra 
« tête et chief de Bourgogne. » (1) 

Cette argumentation spécieuse ne manquait pas 
d’habileté ; mais ses prémisses étaient moins que 
certaines et un point capital restait obscur : Thiébaud 
de Rougemont,en montant sur le trône archiépiscopal,. 
avait-il fait himmage à l'empereur de son fief bisontin? 
Dom Plancher (2) affirme que « l’évêque avoit satisfait 
« aux devoirs de fief, ainsi qu'il le prouvoit par le 
« certificat qu'il en avoit et qu'il montroit » ; cependant 
la suite des évènements parait d'autant mieux prouver 


(1) « Essai sur l'Histoire de la Franche-Comté % tome II, 
p. 297-298. | 
(2) « Histoire de Bourgogne », tome IIF, p. 274. _$ à 


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L — 191 — 


le contruire que le président Clerc reconnait que 
«- l'archevêque n'avait pas fait hommage à un prince 
« qu’il ne reconnaissait pas. » (1) D'autre part, l’empe- 
reur avait-il déclaré l'archevêque déchu de ses droits 
féodaux ? Rien n'est moins certain. Enfin, à supposer 
que la régalie füt tombée en commise ou qu’elle ait été 
confisquée au préjudice du prélat, ce bénéfice ne 
pouvait en revenir qu'au suzerain de ce dernier, c'est-à- 
dire au roi des Romains. Dans aucun cas, la cité de 
Besançon, vassale elle même de l'empire, ne pouvait y 
prétendre aucun droit. En offrant au duc de Bourgogne 
de lui céder la régalie, c’est-à-dire une chose qui ne 
lui appartenait ni en droit ni en fait, elle se disposait à 
signer un traité que la législation romaine aussi bicn 
que le droit coutumicr considéraient comme cntaché 
d’une nullité radicale. Cinq ans plus tard, il ne manqua 
pas de juristes pour faire valoir cet argument devant 
le duc désireux de déchirer le contrat sur léquelil avait 
fait apposer le sceau de ses armes. 

-On tourna la difficulté en promettant d'obtenir, le 
cas échéant, la ratification de l'empereur Wenceslas. 
Les gouverneurs bisontins rédigèrent sur le champ un 
projet de traité qui porte non seulement la marque de 
la pensée d’Armenier mais celle de son style, et dont 
il fut vraisemblablement le principal rédacteur. Dans 
ses trente cinq articles, ce traité rappelle les franchi- 
ses et les libertés octroyées à la cité par les empereurs 
et les comtes-ducs ainsi que les circonstances qui mo- 
tivèérent la saisie de la régalie. Il propose au duc de 
Bourgogne de devenir bénéficiaire de celle-ci sous la 
réserve que ni lui ni ses successeurs ne pourraient 
l'aliéner jamais. En échange, la ville demande le trans- 
fert dans ses murs du Parlement, de la Chambre des 
comptes et de la Chancellerie, « Les gouverneurs de 


(1) Opere citato, p. 291. 


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— 192 — | 


« Besançon », dit Jules GAUTHIER, « croyaïent ainsi 
« ménager leurs intérêts, tandis qu’en réalité ils ser- 
« vaient ceux du duc de Bourgogne qui, par dessous 
« main, avait dirigé les démarches. » Cependant il est 
incontestable que ce traité était favorable à la. ville 
dont l'intérêt évident était de voir le fief de la régalie 
passer de l'autorité de l'archevêque, avec lequel elle 
ne cessait d'avoir des difficultés, en celle du duc gar- 
dien de ses libertés. 

Ces stipulations furent transcrites sur un grand par. 
chemin dont l'original existe encore aux archives 
municipales de Dosancon ). Ce document fut remis 
‘aux commissaires choisis par les gouverneurs « Pierre 
« de Clervaulx, Pierre Malmissert, Thibaut de Char- 
« ceigne (Charcenne) licentiez en lois et décretz, 
« Jehan Pourcelot écuyer, Jehan Michiel (Michel, 
« Henry Bourgeois et Girard de Rosey. » Ceux-ci 
étaient chargés de le porter au duc, qui se trouvait 
alors à Paris (2). 

Jean-sans Peur accepta avec oo ces pro- 
positions. Le 12 octobre 1407, à l'hôtel d'Artois, il fit 
sur le bois de la Vraie Croix et les Reliques le serment 
d'exécuter fidèlement toutes les clauses contenues au 
traité, sous la seule réserve « d’avoir et obtenir du roi 
« des Romains et de Bahaigne (Bohème) don et octroy 
« de la régalic de Besançon étant présentement en ses 
« mains. À quoy faire ct procurer devers ledit roy, les- 
« dits de Besançon seront tenus d'envoyer à leurs frais 


(1) Série AA, 11-4, layette 6 ; la Bibliothèque de Besançon en 
possède aussi une copie sur papier du xvine siècle. — Cf. Aug, 
Casrax. « Catalogue général des manuscrits de la Bibliothèque 
de Besançon », n° 1002, [° 177, verso. Une partie seulement du 
texte a été publié par le président CLErc, op. cit. tome IÏ,p. 298 
et 299. 

(2) Aug. CasTax.— v Notes sur l'administration municipale de 
Besançon », p. 432. 


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= 498 — 


« leurs ambassadeurs notables, avec les siens. » Cette 
acceptation fut inscrite sur le parchemin à la suite du 
texte du traité et scellé le « douzième octobre l’an de 
grace mil quatre cent et sept. » 

Heureux de la réussite de leur ambassade, les députés 
bisontins reprirent de suite la route de Franche-Comté 
et présentèrent aux gouverneurs le traité qui leur avait 
été confié, suivi de la promesse jurée par le duc. Immé- 
diatement ceux-ci firent apposer sur le parchemin la 
formule de leur propre serment « prêté sur les Saints 
« Evangiles. » Enfin ils chargèrent leurs députés 
d'aller quérir la ratification impériale, condition essen- 
tielle de l'exécution du traité. Des sept ambassadeurs 
revenus de Paris, trois seulement acceptèrent cette 
mission : Pierre de Clervaux, Jean Bourgeois et Jean 
Michel, La cité leur adjoinit Arnaut de l’Hopital. De son 
côté, le duc ayant désigné pour son représentant 
Regnier Pot seigneur de la Roche-Nolay, l’un de ses 
conseillers, l'ambassade se mit en route, malgré les 
rigueurs de l'hiver. 

Elle trouva Wenceslas dans son château de Tocnitz 
ou Trunitz en Bohème. Celui-ci ratifia le traité, autorisa 
le duc de Bourgogne à s emparer de la régalie, à saisir 
le temporel de l'archevêque, mais se réserva l’hommage 
par celui-là de la nouvelle seigneurie ; enfin il accorda 
aux citoyens de Besançon d'importantes concessions 
au détriment du chapitre métropolitain. Les deux lettres 
écrites en latin, portant toutes deux la date du 28 
février 1408 (n. s.) sont également conservées aux 
archives de Besançon (1). Il n’y est nullement question 
de l’hommage que Thiébaud de Rougemont prétendait 
avoir fait à l’empereur. Le président CLerc dit que 
celui-ci signa « sans se rappeler qu'il venait d'accorder 
à l’archevêque l'investiture de ses régales. » Cette 


_ (1) Série AA, 11, layette 5. : 
1 


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_— 194 = 


explication paraît d'autant moins vérifiée que le même 
auteur relateles termes dont l’empereur se sert à l'égard 
du prélat : Fils d’orgueil et d’ingratitude, méconnais- 
sant son seigneur à l’exemple des mauvais anges révol- 
tés contre Dieu! (1). 

La cité bisontine fut telfement satisfaite de la réussite 
du piojet conçu et exécuté par Guy Armenier que, dès 
le retour de l'ambassade, mars 1408, elle accorda au 
conseiller ducal un don de cent écus d’or pour le récom- 
penser de ses bons services (2). 

Mais elle n’avait gagné que la première manche de la 
partie. L’archevêque informé de ces évènements 
aggrava, par lettre du 13 mars 1408, l’interdit jeté sur 
la ville et le maintint malgré l'appel au pape formé par 
les gouverneurs. De son côté, le duc Jean ordonna, le 
12 avril, aux baillis d’Amont et d’Aval ainsi qu’à 
Armenier de faire lever l’interdit et, en cas de refus, 
de mettre sous sa main tout le temporel de l’archevé- 
que et celui du chapitre métropolitain. Ces menaces ne 
réussirent point à ébranler la résistance de Tiébaud de 
Rougemont qui fit chasser de son château de Gy les 
sergents chargés de lui notifier la décision ducale, dans 
la journée du 30 avril. 

Le 29 septembre 1408, Jean-sans-Peur envoÿa son 
fils, le comte de Charollais, pour prendre possession de 
la régalie en son nom. Parti de Dijon avec une suite 
brillante de seigneurs et de conseillers (3), le jeune 


(1) « Essai... », tome IT, p.300, texte latin et français, et 301. 

(2) Ed. Czerc. — Op. cit, tome II, p.308, à la note. — 
« Original de la quittance aux archives municipales de Besan- 
çon », AA, 11, 5, layette 6. | 

(3) Parmi ces derniers, on remarquait Jean de Saulx,seigneur 
de Courtivron, qui venait d'être nommé, par lettres du 9 avril 
1405 (n. s.), chancelier de Bourgogne ct dont le successeur fut 
Jean de Thoisy, évêque de Tournai, nommé le 7 décembre 1419. 
Arch. dép. de la Côte-d'Or, 1605, fo 47.— J. n'ARBAUMONT. « La 


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— 195 — 

prince passa par Pesmes; il était à Marnay Île 30, à 
Châtillon le 1°" octobre et fit son entrée à Besançon le 
lendemain. Après avoir juré de sauvegarder les fran- 
chises de la cité, le prince Philippe se rendit à l'hôtel 
consistorial où furent lues les lettres du duc et de 
l’empereur. Puis le cortège entra à l'église St-Pierre 
où le comte de Charollais renouvela sur l'Evangile le 
serment de son père et jura l’accomplissement fidèle du 
traité. Ensuite il installa Pierre de Clerval, l’un des 
ambassadeurs bisontins à Paris et en Bohême, dans Îles 
fonctions de juge du tribunal de la régalie et d'avocat 
fiscal près la chambre du conseil dont l'établissement 
avait été projeté. Le lendemain, 1l offrit à diner aux 
gouverneurs et aux conseillers de la ville, et le 4 octo- 
bre 1408 sortit des portes de Besançon, aux acclama- 
tions de la foule massée sur la route de Quingey (1). 

Entre temps, afin de se conformer à ses promesses, 
Jean-sans-Peur avait, dès le 19 juillet 1408, rendu à 
Gand une longue ordonnance établissant le Parlement 
de Franche-Comté à Besançon et instituant dans cette 
ville une chamibre du conseil, une chambre des comptes 
et la chancellerie du Comté. Le texte intégral de cette 
ordonnance importante est donné par Dom Plancher ; 
en voici succinctement les principales clauses : 

« Jean duc de Bourgogne, etc... (2) Savoir faisons 


vérité sur les deux Maisons de Saulx-Courtivron ». Mémoires de 
l'Académie de Dijon, 1881, p. 91 et suivantes. | 

(1) Ed. CLrerc. — Jdem, p. 305. —- Dom. PLANCHER, idem, 
tome III, p. 243 et 244, place par erreur ces événements à 
l’année 1407. Voir la relation de cette prise de possession aux 
archives municipales de Besançon, AA, 11,5, layette 6. 

(2) « Histoire de Bourgogne », tome III, ‘preuve CCLIX, 
p. CCLVII et suiv. L'auteur date ces lettres du 29 juillet 1408. 
Elles sont conservées en copie du temps aux archives dép. de 
la Côte-d'Or, B 1055, Voir aussi E. ChAmMPEAUX, « Ordonnances 
franc-comtoises », p. 78 à 86. 


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— 196 — 
que pour certaines convenances faictes entre nous et 


n0z bien amez les habitans de la cité de Besançon, 
passées et confermées par nostre trez chier seigneur 


et cousin Vanceslin roy des Romains et de Bahaïgne ; 


et aussi pour les proffits et utilitez évidens de nous 
et de nostre comté de Bourgoigne au milieu duquel 
est située ladite cité qui est la plus notable ville de 
tout le païs et des petits païs voisins et en laquelle 
les habitants de nostredit conté ont accoutumé d’an- 
cienneté recourir en faiz de conseils, de marchandises 
et de plusieurs autres choses à eux proufitables et . 
mesment pour gouverner et tenir en bonne justice noz 
vassaulz et subjiez de nostre dite conté... Nous avons 
ordonné et par ces présentes ordonnons que nostre 
Parlement de nostre dite comté de Bourgoigne, que 
nous et nos prédécesseurs soulions faire tenir à 
Dole, se tiendra doresnavant en ladite ville de Besan- 
çon et commencera icellui Parlement seoir audit 
Besançon le quatriesme jour du mois de novembre 
prouchainement venant, lequel nous tendrons en nos- 
tre personne ou ferons tenir par certains nos commis 
et députez. 

« Et aussi avons institué et par ces présentes insti- 
tuons nostre chambre de conseil (1) audit lieu de 
Besançon et pour icelle governer et exercer illec, 
avons commis et député, tant qu’il nous plaira, cer- 


1) CHevazter pense qu'il existait déjà une chambre du 


Conseil pour le Comté de Bourgogne et dit : C'étoit une com- 
mission élablie pour régler principalement les affaires doma- 
niales, dont les juges inférieurs ne cognoissoient pas.Les baillis 
prenoïent aussi l'avis de ce Conseil dans les affaires de consé- 
quence qui pouvoient intéresser l’ordre public ou la souverai- 
neté. L'auteur ajoute que, sans avoir de résidence fixe, ce 
Conseil siégeait à « Poligny le plus ordinairement. » « Mémoires 
historiques sur la ville et seigneurie de Poligny », tome Ï,p.212 


et215. Cette assertion qui n'est appuyée sur aucun texte nous 


parait inexacte. 


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— 197 — 


« taines personnes nommées en nos austres lettres, 
« auxquelles et aux successeurs en ladite chambre 
« donnons puissance de pourveoir auxdits de Besançon, 
« des choses qu'ils auront à faire avec nous... et aussi 
« connoiïstre de tous abus de justice faits par les baiïllis 
« et austres officiers de nostredit conté, de pourveoir - 
« à tous complaignants par requestes.... 

« Et aussi avons institué et instituons audit lieu de 
« Besançon nostre dite chambre des comptes pour ycelle 
« reudre compte par nos trésoriers.et receveurs de nos- 
« tredit conté.... oir, clorre et affiner lesdits comptes, 
« y donner arrest sur yceulx.... 

« Et aussi avons institué et par ces présentes insti- 
« tuons nostredite chancellerie pour laquelle gouverner 
« et exercer nous avons commis et député, tant qu'il 
"« nous plaira, certaine personne nommée en nos autres 
« lettres, à laquelle nous avons donné et donnons puis- 
« sance de connoiïstre et décider quelconques causes 
« qui sourdront directement ou indirectement pour 
« cause et occasion des lettres faites soubz nostre 
« séelle en tout nostre dit conté de Bourgoine.... » 

Enfin le dus ordonne la confection de « grands séelz 
« et contre séelz pareils, esquelx seront les armes de 
« la conté de Bourgoine et en la circonférence d’yceulx 
« sera escript : S. Cancellerie comitatus Burgundiae. » 
Ils seront confiés à la garde du gouverneur de la Chan- 
cellerie dont les pouvoirs importants, spécialement 
indiqués, comprennent entr'autres droits celui de 
« faire et créer tant de notaires comme il voudra tant 
« audit conté comme en la cité de Besançon pour rece- 
« voir lettres, instruments et testaments soubz ledit 
« séel, en la matière que l’on a accoutumé. » 

Le personnage dont il est question plus haut et sur 
lequel le duc porta son choix, comme étant le plus capa- 
ble et le plus digne de remplir ces-hautes fonctions, 


Go gle 


— 198 — 


fut Guy Armenier. Par trois lettres-patentes du même 
jour, 16 juillet 1408 (1), Jean-sans-Peur créait « son 
_« amé et féal conseiller et maitre des requestes, prési- 
« dent et chef du Conseil et Gouvernement de Chan- 


(1) Arch. dép. de la Côte-d'Or, série B 1055, cahier de copies 
du temps ; non folioté.— Pencené. Recueil, tome I, p. 754. 
Voici le texte de la première de ces commissions, d'après le 
manuscrit n° 61 de la collection des Cinq-Cents de Colbert, 
p. 428 à 430, à la Bibliothèque nationale. | 

« Jean, dur de Bourgogne, comte de Flandres, de Artois et de 
Bourgoigne, Palatin, seigneur de Salins et de Malines. A nostre 
amé et féal conseiller et maître des requestes de nostre hotel, 
messire Guy Armenier, docteur en loys, salut et dilection. 
Comme nous avons en propos et volonté de tenir, au plaisir de 
nostre Seigneur, le quatriesme iour de novembre prochaine- 
ment venant ou faire de nous servir et tenir nostre parlement 
de nostre conté de Bourgongne en la ville de Besançon et pour 
ce, par nos lettres palentes,avons mandé à nos baillis deAmont 
et de Aval en nostre dite conté ce faire sçavoir et publier par 
leurs baiïlliages en la manière accoustumée, et il soit ainsy que 
pour l'expédition et décision des causes d'appeaux et autres 
causes, faits et besongnes que nostre parlement séan y servient 
trailler en In manière d'ancienneté accoustumée, soit besoïing et 
expédient pourveoir et conseillier icelles, et pour tenir iceluy 
nostre parlement de v avoir on président et plusieurs autres 
_ conseillers et gens de bon conseil et advis. Nous confians à 
plain de nos sens, preudommie, discrétion et grant souffisance, 
vous mandons et par ces présentes commettons que vous vous 
transportiés aud. lieu de Besançon ledit quatricsme jour de 
novembre prochginement venant, et illec de par nous ct iceluy 
nostre parlement comme président que vous instituons par ces 
mcsmes présentes, vaqués et entendés diligemment tan à audi- 
tion, consultation, délivrance, expédition et décision desdites 
causes d'appeaux et autres faits et besongnes des susdites, 
avec nos autres gens et conseillers à ce ordonnez, comme à 
donner arrests et faire tous appointements appartenans et con- 
venables et avec ce que vous recensés requestes en cas de 
réformalions et de nos fiefs ou arrière-fiefs aliénés sans nostre 
consentement, et des nouveaux acquets faits indeüement par 
gens d'église et autres de nostredite conté preslors et apparte- 


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— 199 — 


« cellerie». A. propos de ces évènements, M. CHam- 
pAuUx écrit avec raison: « L'esprit de décision était tra- 
« ditionncile chez les Armenier. Guy Armenier paraît 
« avoir joué un rôle important dans le projet de trans- 
« fert du parlement, de la chambre du conseil, de la 
 « chambre des comptes.et de la chancellerie à Besan- 
« çon. Il devenait d’ailleurs le plus haut dignitaire des 
« postes importants qu’amenait cette création, Ce cumul 
.« montre qu’en lui était :’âme de la nouvelle combinai- 
« son qui ne tendait à rien moins qu'à une réorgani- 
« sation judiciaire complète du comté. (1) » 

En attendant qu'il prit possession de ces offices, 
Guy Armenier prêta serment à Dijon entre les mains 
du chancelier ducal, Jean de Saulx, seigneur de Cour- 
tivron, le 4 septembre 1408 (2). 

Quelques jours auparavant, 31 août 1408, le duc 
avait envoyé de Courtray un mandement au sergent 
général du bailliage d'Amont, Perrenot Bidaul, l'avi- 
sant de la création d’une nouvelle chancellerie en la 
ville de Besançon et de la nomination de Guy Arme- 
nier comme gouverneur de cette cour. Il a donné 
l’ordre, ajoute-t-il, de confectionner de nouveaux 
« seaulx semblables en figure et armoyez de noz armes 
« de nostre conté de Bourgogne et plusieurs contre 


nances non ayant nostre consentement, appointiés sur icelles et 
faire toultes autres choses à cé appartenans et accoustumées de 
faire oudit parlement de ce faire et les appartenances, vous 
donnons puissance, autorité et mandement espécial, mandons 
et commandons à tous nos justiciers, officiers, vassaulx et 
subiets que à vous en ce faisant obéissent et entendent dili- 
gemment. Donné à Gand, le XIXe jour de juillet, l’aa de grâce 
mil quatre cent et huict. Signé par le duc en son conseil. 
J. de Sauls. » 

(1) Ordonnance. franc-:omtoises, p. XXXIV et XXXV. 

(2) Arch. dép. de la Côte-d'Or, B 1055. — GAUTHIER, op. cit, 
P. 34 verso. 


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— 200 — 


«_seaulx pour séeller doresnavan les testamens et lettres 
de contracts. » Il défend de se servir des sceaux du 
temps passé et ordonne à Perrenot Bidaul de remet- 
tre les grands sceaux au gouverneur et de déposer les 
autres chez des gardiens spéciaux qu'il choisira dans 
les villes de Vesoul, Gray, Jussey, Dole, Poligny, 
Salins, Montmorot, Montréal, Orgelet, Pontarlier, 
Arbois ct Besançon, sièges des vingt-deux justices 
principales du comté (1). 

D'autre part, dans un conseil tenu à Dijon le 14 no- 
vembre 1408, auquel assistait Guy Armenier, le duc 
Jean donna mandement à son « amé et féal conseiller 
« et gouverneur de la chancellerie au comté de Bour- 
gongne » de prendre possession de ces anciens sceaux, 
réunis par le sergent général Bidaul en vertu de l’or- 
donnance précédente. Il ajouta « vous mandons et 
« commandons que dedens le jour de la Nativité de 
« St Jean Baptiste prochain venant, vous baillez et dé- 
« livrez tous iceuls viez sceaulx par vous receuz, cloz 
« en un Coffre, à nostre amé et féal conseiller maistre 
« Aubry Bouchart garde de nosdiz trésor et chartes 
« de Pouligny (2) en prenant de lui lettre de récépissé 
« et descharge. » Le gouverneur s'acquitta de sa 
mission ; mais Aubry Bouchart ne donna quittance 
et décharge des 60 grands sceaux et des 53 petits que 
le 4 juillet 1409 à « Guy Armenier docteur en lois, 
« conseiller et maistre des requestes de mond. sei- 
« seigneur. » On remarquera qu’à cette date, Armenier 
n'est plus qualifié de gouverneur de la chancellerie ; 


(1) 4rch. dép. de la Côte-d'Or, B 1055. — Cunawupeaux, Ordon- 
nances franc-comtoises, p. 93 et 95. | 

(2; Fils de Jean Bouchart, de Poligny, licencié en lois, con- 
seiller ducal, lieutenant général du bailliage d’Aval, qui siégea 
à plusieurs tenues antérieures du Parlement. — CHEVALIER, 
Mémoires historiques..., tome II, p. 289. 


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— 201 — 


la suite des évènements postérieurs devait en founir 
la raison (1). | - . 

Dès le 31 août 1408, Jean-sans#Peur avait donné, 
de Courtray, l’ordre à ses gens des comptes de Dijon 
de délivrer tous les titres et registres relatifs aux 
affaires de la Comté à Jean Brenot établi maître des 
comptes dans la nouvelle Chambre instituée à Besan- 
çon (2). | 

Enfin, d'après les ordres du duc, le chancelier de 
Bourgogne avait envoyé à Besançon le conseiller Hu- 
gues Morel, doyen de Beaune et chanoine de la cha- 
pelle de Dijon, pour essayer de rétablir l’accord entre 
le chapitre métropolitain et les gouverneurs, Le doyen 
demeura quinze jours à Besançon, au mois d'octobre 
1408 ; mais ses démarches D'OUBNTeR aucun résul- 
tat (3). 

À partir de cette époque, il n'est plus possible de se 
conformer aux récits décousus des évènements qui 
vont suivre, tels qu'ils sont relatés par le président 
Clerc et par Dom Plancher. Ce dernier historien sur- 
tout se fait le défenseur du duc parjure et, pour les 


besoins de la cause ou involontairement, il intervertit 


(1) Arch. dép. de la Côte-d'Or, ibidem. E. GHAMEAUE Op. cit., 
p. 96 à 100. Arch. dép. du Doubs, B, 58. 

(2) Caevazien. — Mémoires historiques..., tome I, p. 211, 
dit : «Il (Jean-sans-Peur) s’étoit encore proposé un autre établis- 
sement qui eût été avantageux pour notre ville (Poligny} c'étoit 
celui d’une chancellerie au comté de Bourgogne, telle que celle 
qu'il avoit établie dans le duché. » L'auteur a évidemment mal 
interprété les ordonnances dont il vient d’être question. Elles 
ont trait à l'établissement d’une chancellerie près le Parlement 
de Besançon et non à Poligny.Dans la dernière, le duc ordonne 


le transport des sceaux hors d'usage à Poligny parce que les 


archives de la Comté se trouvaient! depuis longtemps réunies 
au château de Grimont, qui dominait cetle ville. . 

(3) Dom Ausrée.— Mémoires pour servir... Etat des officiers 
de Jean, duc de Bourgogne, p. 99, noteG, | e 


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— 202 — 


la suite des dates et des évènements. On peut au con- 
traire, tout en se reportant aux titres originaux eux- 
mêmes, suivre pas à pas la narration claire, précise et 
impartiale de Jules GAUTHIER, qui continue ainsi : 


« Tout semblait fini pour Dole, à qui le Parlement 
venait d’être brusquement enlevé. Besançon avait vu 
s’accomplir les promessés du duc. En quelques mois, 
tout ce que demandaient les gouverneurs leur avait 
été accordé : Parlement, Chambre des comptes et 
du Conseil, Chancellerie dn comté ; tout cela leur 
semblait définitivement acquis. Les titulaires des 
nouveaux offices etaient nommés et, à leur tête, au 


licu d'un étranger dont la présence eût répugné, à. 


l’orgueil des bisontins, le duc avait institué un 
enfant de la cité (on a vu plus haut que Guy Armen- 
tier n’était pas bisontin de naissance, mais seule- 
ment par l'octroi de la bourgeoisie) comme chef et 
président de tous ces conseils. » 

« Rien n'était pourtant moins assuré que le main- 
tien à Besançon de toutes ces institutions nouvelles. . 
Depuis l'ordonnance du 19 juillet 1408, bien des in- 
fluences avaient été mises en œuvre auprès du duc 
pour le faire revenir sur sa décision. D’un côté, l’ar- 
chevêque Thiébaud de Rougement, dépouillé naguères 
de son temporel, n’était pas resté inactif, et avait 
fait parvenir à Jean-sans-Peur des plaintes amères 
sur la faveur et le secours qu'il accordait à ses sujets 
révoltés. De l’autre, les sujets des villes de la pro- 
vince avaient, par la bouche de leurs baillis et de ceux 
de leurs enfants- admis au Conseil du duc, protesté 
avec énergie contre un déplacement qui sacrifiait à 
une ville étrangère Dole (1) et les places fidèles de 


(1j Dom PLANCHER, op. cit., tome III, p. 272, dit avec raison : 


« Il (le duc) n'étoit pas fort touché des plaintes de la ville de 
Dole, le Parlement ne lui étant pas plus dû qu'aux autres villes 


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— 203 — 


« la comté, Les baillis étaient jaloux sans doute de la 
« faveur qui venait d'élever leur collègue Armenier à 
« de hautes dignités (1, et les conseillers bourgui- 
« gnons, voyant dans Besançon une rivale redoutable 
« pour Dijon, ne cachaient pas leur mécontentement. 
« Le duc était déjà ébranlé ; les conseillers, convoqués 
« à Besançon, furent contremandés ct le Parlement 
« du 4 novembre ne fut point tenu. L'inquiétude com- 


% 


« mença à se répandre dans la ville ; le Parlement 
« n'avait pas été, il est vrai, restitué à Dole ; on pou- 
« vait encore espérer. » (2) 

Cet espoir fut vain, car jamais le Parlement de Fran- 
che Comté ne se tint à Besançon avant la conquête 
française. 
| G. BLONDEAU. 


de la Franche-Comté. » On a vu, d’après l'ordonnance du 19 
juillet 1408, que les ducs avaient l'habitude de réunir le Parle- 
ment à Dole : « nostre parlement de nostre dite conté de Bour- 
goigne que nous et nos prédécesseurs soulions faire tenir à 
Dole. » Aucune ordonnance n'avait encore établi le Parlement 
. Sédentaire dans cetie ville et, de fait, il s'était déjà réuni dans 
d'autres villes de la province, durant le demi-siècle précédent. 

(1) IL serait plus exact de dire « les conseillers franc-com- 
tois », car Guy Arménicr ne fut créé baïlli d’Aval qu'en 1409. 

(2) M. CHamPEaux.— Ordonnances franc-comtoises, p. CCXX, 
. émet cette opinion qui. est exacte, contrairement à celle de 
Beaune et d'Arbaumont dans « La noblesse aux Etats-généraux 
de Bourgogne », verbo Chancey, qui affirment qu'un mande- 
ment ducal nomma Richard de Chancey, président d'un Parle- 
ment à Besançon. Ce personnage ne fut que chef du Conseil 
pour la Comté. 


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LES HUIT ANNÉES 


DE LA 


Grande Mivère à Lons-e-Vaunier 


(1637 à 1644) 


CONFÉRENCE faite au Théâtre de Lons-le-Saunier, 
le Mercredi 21 janvier 1925, sous les auspices de la 
Fédération lédonienne des Lettres, Sciences et Aris, 


PAR 
ÉMILE MONOT 


Vice-Président de la Fédération, 
Président de la Société d’Émulation pour 1925, 


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AVANT-PROPOS. 


Voici les pages d'une conférence consacrée à la 
période la plus douloureuse de l'histoire de Lons. 
Donnée au Théâtre municipal le 91 janvier 1925, 
elle faisait partie d’un programme que s'étaient tracé, 
pour l'hiver de 1924-1925, les conférenciers de la 
Fédération lédonienne des lettres, sciences et arts, sur 
l'initiative de son président et animateur, M. Santelli, 
alors inspecteur d'Académie du Jura. J'avais d'abord 
songé à la refondre, pour lui donner la forme d'une 
étude historique, dans la tradition de nos Mémoires. 
Mais j'ai réfléchi qu'en conservant son caractère 
parlé, elle parattrait plus vivante (1). En tout cas, en 
devenant une étude historique, elle n'eût pas été plus 
scrupuleusement conforme aux sources. Fondée, pour 
une part essentielle, sur des documents d'archives, et, 
pour l’autre, sur le témoignage de Girardot de Noze- 
roy, et sur .des travaux comme ceux du président 
Clerc, de M. Philippe Perraud mon maitre, de Louis 
Lautrey mon ami, et du savant M. E.Longin, je sou- 
haite qu'elle mérite, par l'inédit en particulier 
qu’elle apporte, de retenir pendant quelques instants 
l'intérêt de tous ceux que touche le passé lédonien. 


Décembre 1926. 


(1) J'ai seulement mis en note toutes mes références. 

(2) J'ai dépouillé, aux Archives communales de Lons, des 
liasses singulièrement émouvantes qui m'ont donné bien des 
détails qu'on trouvera ici pour la première fois. 


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e LES HUIT ANNÉES 
. DE LA | 


Grande Misère à Lons-le-Saunier 
(1637 à 1644) 


Mesdames, Messieurs, 
- Mes jeunes amis, (1) 


L’an dernier, j'ai eu l'honneur de traiter devant vous” 
un point d'histoire littéraire. Je voudrais celte année 
(et l'an prochain, si, à mon âge, il n'y a pas quelque 
présomption à anticiper l'avenir), je voudrais, dis-je, 
vous parler d'histoire locale. Mon affection pour ma 
ville natale ne m'éblouit pas sur l'importance de son 
rôle historique. Maisil m'a paru bon de saisir l’occasion 
que me donnent la Fédération et ses campagnes de 
conférences pour faire connaître un peu plus notre 
histoire lédoniennc. Lédoniens de naissance ou d'adop- 
tion, vous ne serez sûrement pas surpris, vous ne serez 
pas mécontents peut-être d'entendre, à Lons, un peu 
de l’histoire de LORS, dans la bouche d'un vieux 
Lédonien. 


. 
# 

Je-vous parlerai de la période la plus douloureuse de 
cette histoire. Vous verrez cette pauvre petite ville. 
assiégée, prise d'assaut ct brûlée ; ses habitants tués 
ou emmenés prisonniers ; les horreurs de la peste 


(1) Les élèves des deux Lycées de Lons, des deux Ecoles 
normales et des écoles primaires. | 


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— 510 — 

neuf mois durant, en attendant les horreurs de la 
guerre ; la contagion arrêtée par l'incendie de toutes 
_les demeures et par la disparition des humains ; puis la 
solitude, le silence, l'herbe sur les ruines. Et je sais 
bien que tout cela est d’une tristesse profonde ; et 
moi-même, quand j'analysais les délibérations du 
Conseil de ville ; quand je dépouillais les liasses’ des 
Archives communales ; quand je lisais les Mémoires 
contemporains ou les livres de nos historiens comtois, 
— je me suis demandé plus d’une fois si javais bien 
fait de prendre pour matière d’une conférence un sujet 
aussi douloureux. Mais ma promesse était donnée, mon 
titre affiché. Et puis, mon Dieu ! j'ai réfléchi que, si je. 
pouvais, en vous exposant Îles souffrances de ceux qui 
nous ont précédés ici, en vous faisant connaître la 
vaillance, l'énergie de. leurs chefs, civils ou militaires, 
— si je pouvais, dis-je, vous donner une raison parti- 
culièrement émouvante d'aimer ce sol, ces maisons, 
ceux qui y vivent aujourd’hui, le fruit amer que je 
vous offrirai ce soir ne sera pas tout à fait inutile à 
vos cœurs... Et c’est pourquoi, malgré mes hési- 
tations, malgré la lristesse momentanée que je ferai 
descendre en vos âmes, je vous parlerai, en toute 
vérité historique, et sans la moindre part de fantaisie, 
des huit années de la grande misère à  Lons, de 
. 1637 à 1644. 


La Comté est un de ces pays-frontière qui, par leur 
situation même, sont un objet de convoitise et un enjeu 
de guerres ; un lieu de passage ou un champ de 
bataille qui ne laisse pas longtemps dormir ses morts. 
Certains de ces pays sont éternellement disputés : 
l'Alsace. D’autres sont comme le raisin de nos vignes, 


Cor gle 


— 1 — 

qui, dans les pluies froides de certains de nos étés où 
sous les brouillards prématurés de septembre, mürit 
péniblement sur nos coteaux. On croit inutile de 
préparer ses tonneaux ; on va voir quand même : le 
raisin est là, avec quelques grappes mal venues, avec 
d'autres grappes encore vertes ; maisla vigne attend 
le vendangeur. C'est le symbole de notre Comté. Sa 
destinée était de devenir française ; elle le fut à deux 
reprises, pour un temps, sous Philippe le Bel et sous 
Louis XI ; elle devait le devenir pour toujours, malgré 
la mauvaise volonté des hommes : elle le devint. Mais 
la France dut s’y reprendre à trois fois dans un siècle, 
le xvri°, pour faire sa vendange. | 

C’est de sa première tentative que je parlerai 
ce soir. : 

Il y avait en France (nous, Bourguignons du Comté, 
Comtois, nous étions Espagnols), il y avait donc en 
France, depuis 1614, un grand ministre, Richelieu. 
Vous avez appris à l’école qu'un des points essentiels 
de ce que nous appellerions son programme, c’était 
l'abaissement de la maison d'Autriche. Habsbourg de 
l'Europe centrale, Habsbourg d’Espagne, tous deux 
descendants de Charles-Quint et chefs de son empire 
partagé, l’un et l’autre éloignés dans l'espace, mais 
rapprochés par la parenté et la haine de la France, 
étaient donc une menace redoutable pour une politique 
qui voulait la sécurité et la grandeur de ce pays. 
Richelieu devait faire la guerre : il saisit le double 
“prétexte de l'hospitalité accordée, en Comté, par le 
Parlement de Dole, à un prince français et à un prince 
lorrain, et il déclara la guerre à l'Espagne en 1635. Et 
c'est ainsi que la Comté, province espagnole, fut 
englobée dans la guerre. | | 
_« Espagnole », ai-je dit, mais « par la communauté 
de souverain seulement. Car, malgré les apparences ct 


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— 519 — 


le préjugé contraire, il n’y a jamais eu entre les deux 
pays le moindre lien intime. » (1) | 

Rattachée administrativement aux Pays-Bas, mûrie, 
élargie pendant des siècles au contact de leur vie 
ardente et riche (2), l'influence que la Comté subit 
surtout, ce fut l’influence française. Française pendant 
tout le xrv° siècle, elle garda ensuite, pendant ce long 
exil qui devait se terminer en 1678, au traité de 
Nimègue, son esprit tout français, sa langue, ses 
constitutions de chez nous. D’ailleurs sans frontière 
naturelle du côté de la France, sinon pendant quelques 
lieues, sur le front de la Saône. Mais la Comté ne 
voulait pas être conquise par les armes de sa puissante 
voisine. Au reste, deux traités de neutralité la rassu- 
raient, actes bienfaisants et régulièrement renouvelés à 
chaque échéance, qui lui permettaient de vivre en paix 
et de se développer dans une véritable autonomie : 
ligue héréditaire avec les cantons suisses, neutralité 
entre France et Empire, celle-ci particilièrement 
bienfaisante, négociée par la tante de Charles Quint, 
| Marguerite d'Autriche, une de ces grandes et bonnes 
dames. qu'on aime tant à voir paraître dans notre 
histoire comtoise : Laure de Commercy, Mahaut 
d'Artois, la reine Jeanne, Marguerite de Flandre, 
Margucrite d’Autriche, Philiberte de Lusembourg, 
mère du héros lédonien Philibert de Chalon. 

Cette conquête, contre laquelle la Comté se croyait 
protégée, Richelieu la voulut puissamment, comme tout 
ce qu'il voulait. Le Parlement de Dole ayant rompu 
la neutralité, en accordant l’hospitalité à des princes 
que Richelieu poursuivait de sa haine, Richelieu 
saisit, comme j'ai dit, le prétexte et déclara la guerre. 
Il allait trouver devant lui de rudes adversaires. .. 


(1} Boussey.—-La Franche-Comté sous Louis XIV, p. 28, n° 1, 
(2) L. Fesvre.— Histoire de la Franche-Comté, 7e édit., p.187, 


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- — 213 — 


Ce qui entretint en eux la foi au milieu des pires 
tempêtes, ce fut d'abord la haine d'une race fonciè- 
rement catholique contre une nation alliée d’un prince 
protestant, Gustave-Adolphe, roi de Suède. Ce furent 
aussi le sentiment de l'honneur, un attachement cheva- 
leresque à leurs princes légitimes, l'amour et le souci de 
leur indépendance et de leurs libertés (1). « Quelques 
« prisonniers, dit un contemporain, ont mieux aimé 
« expirer dans les derniers supplices et par la main 
« d’un bourreau que de crier : « Vive le roy de 
« France ». « Plût à Dieu, disait Richelieu, que les” 
« sujets du roi de France fussent aussi affectionnés 
« que ceux-là le sont à l’Espagne ! » (2). 

Et cette race était une race de soldats : « Ce pays, dit 
Girardot de Nozeroy (3), est naturellement martial ». 
« L'on aurait plustot miné Montméliant et sappé le 
« Havre de Grace, disait, à l’époque, un officier français, 
« que changé l’humeur de ces sauvages : ils se 
« battent partout, dans les villes, dans les chasteaux, 
« dans les villages, dans les clochers, dans la campa- 
« gne et dans les bois ; et, quand ils sont nos prison- 
« niers, encore nous font-ils la guerre » (4). 

Et quel amour du sol natal ! Quand on demandait à 
des prisonniers comtois « pourquoy ils vouloient 
« retourner au comté de Bourgongne qui alloit péris- 
« sant de jour à jour »,ils répondaient « que, tant 
« qu'il y resteroit sept pieds de terre, ils vouloient les 
« aller deffendre et en toute extrémité y faire leur 
« sépulture » (5). 

(1) Boussev.— ZLoc.cil., p. 25. 

(2) Papiers d'Etat de Richelieu, t. V, p. 983. 

(3) Histoire de dix ans, p. 27. 


(4) Cité dans le Manifiste d'Antoine Brun, édition Ed. CLerc, 
dans Mém. Soc. Emul. du Jura, 1880, p. 200 ; édit. Emile 


Loncin, p. 66. 
(5) Id., édition CLerc, p. 199 ; édition E, LonGiN, p. 65, 


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— 214 — 


Ecoutez-le maintenant, ce patriotisme comtois s’ex- 
primer, par Ja plume du procureur général du 
Parlement de Dole, Antoine Brun, dans une admirable 
page qu’anime le souffle des grands anciens, et qui vous 
rappellera, mes jeunes amis, Démosthène ou les ora- 
teurs de votre Contiones : « Plus [les Français] se sont 
« pressés d'avancer notre ruine par toutes sortes 
« d’actes inhumains, plus ont-ils redoublé en nous les 
«_ soings et les volontés de nous garantir de la dernière 
« oppression. L'’effronterie qu’ils ont eue de nous 
« vouloir tanter n’a fait que d’eschauffer davantage nos 
« cœurs et nous outrer par la mauvaise opinion. qu’ils 
« avoient osé prendre de nous. En cette mesme 
« fermeté pour la conservation de la patrie, pour 
« l'honneur de nostre nation, pour l’intérest de la foy, 
« pour la deffence de la religion, pour le service de 
« nostre grand monarque, nos pères sont descendus 
« tout sanglants dans le tombeau : nos frères, nos 
« enfants, nos compatriotes se sont volontairement 
«a dévoués à la félicité et réputation publique de cette 
« province ; nous les blesserions en l’autre monde plus 
« cruellement que nos ennemys ne les ont blessés en 
« celui-cy, et les ferions sortir de leurs sépulcres pour 
« nous injurier et poursuivre en tous lieux, si nous ne 
« tenions bon sur les traces honorables qu’ils nous ont 
.« marquées et ne remplissions les pas qu'ils ont 
« imprimés devant nos yeux » (1). 

Cette page vous expliquera les horreurs de cette 
guerre. D'un côté, un peuple guerrier, opiniâtre, qui 
Line mieux mourir en masse sur sa terre que de se 
rendre. De l’autre; un ennemi fort, riche, qui échoue 
cependant, et qui se venge, en faisant de ce pays un 
désert, pour que, à la paix, l'Espagne en fasse plus 
facilement l'abandon. 


(1) Manifeste.,.., éd. CLerc, p. 208 ; éd. E. Loncin, p. 78. 


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— 215 — 


Mais il est temps, après ces préliminaires indispen- 
sables, de vous raconter cette douloureuse histoire et le 
martyre de cette petite ville. 


* 
* * 


À la fin de mai 1636, le prince de Condé {le père du 
grand Condé\ mettait le siège devant Dole. Richelieu, 
dit un contemporain français, Montglat (1), « croyait les 
« places si mal munies (2) qu'il ne pensait pas que la 
« meilleure püt durer plus de huit jours. Il avait résolu 
« de prendre Dole en passant...». ‘lrois mois après, 
Condé devait lever le siège et rentrer en France : la 
ténacité comtoise avait triomphé de la volonté fran- 
çaise. Mais à.quel prix ! De l’héroïsme sans doute, 
chez le gouverneur, l’octogénaire archevêque de Besan- 
çon, Ferdinand de Rye, chez les parlementaires, chez 
les femmes, et chez ces autres bons et braves Comtois, 
les capucins (ils servaient Partillerie et combattaient 
parmi les soldats, à coups de marteaux pointus (3) ). 
« Jamais gens, dit encore Montglat, ne se sont si 
« vaillamment défendus et n’ont témoigné tant de zèle 
« pour le service de leur prince. Aussi ce peuple méri- 
« te une éternelle louange d’être sorti si glorieusement 
« d’une affaire si difficile, dans laquelle il a acquis un 
« honneur immortel. » (4) (N'oubliez pas, je vous prie, 
que cest un Français qui parle ainsi de ces vieux 
 Comtais). Donc, de l’héroïsme sans doute, mais aussi 
. d'énormes dégâts, la famine, et l’affreuse peste... 

Mais Richelieu ne pouvait pas s'’avouer battu. L'an- 
née suivante (1637), trois armées à la fois se ruèrent 
sur la Comté, par le pays de Montbéliard, par la Saône, 

(1) Mémoires, coll. Petitot, 2e série, t. 49, p. 115. 

: (2) Fortifiees. 
(3) Mémoires, pp. 117 et 118. 
(4) Zd., pp. 119 et 120. | 


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—— 216 — 


- par la Bresse : c'était l’attaque sur nos trois bailliages, 
bailliage d’Amont (Haute-Saône et Doubs), bailliage 
de Dole, bailliage d’Aval (la région dont Lons est 
le centre). Une armée impériale, venue trop tard au 
secours de Dole, était restée chez nous, dans le bail- 
liage d'Amont, — une de ces armées allemandes qui : 
_trainaient avec elles des femmes, des valets, un bagage 
interminable. Avec les Impériaux, une armée lorraine, 
de laquelle le Parlement de Dole disait « [Avec eux] la 
province est plus désolée qu'entre les maïns des enne- 
mis ». Nos défenseurs, ces hommes-là ? Un contem- 
porain disait d'eux : « Cette armée qui ne la défend 
. pas, maïs luy faict une guerre plus cruelle, que celle de 
l’ennemy. » (1) — Nous eûmes, de chez nous, nos mili- 
ces, avec un bon chef militaire, le marquis de Conflans 
un Watteville), et nos terribles partisans, le baron 
d'Arnans (2), La Courbière (3), et La Cuson (4). A la 
tête de la province, comme gouverneur, le marquis de 
Saint Martin, qui avait de. à l'archevêque de Besan- 
_ çon, mort de la peste après la levée du siège de Dole, 
. le 20 août 1636 (5). A côté de lui, quelques parlemen- 
taires, le président Boyvin, le procureur général Antoine 
Brun, Île conseiller de Beauchemin (Girardot de Noze- 
_ roy) administraient, ordonnaïent les dépenses. Ils 
avaient la confiance de la population et cntretenaicnt 


(1) Cf. E. Loncis — Relation du Voyage de Saavedra, p.12,21, 
86, 40 (et note 2), 41 (« Cette armée qui ne la défend pas, mais 
luy faict une guerre plus cruelle que celle de l’ennemy ») Cf. 
_ aussi E. Loncin, Jean Boyvin, pp. 59-60. 

(21 Sur le baron d’Arnans, voir E. Ccerc, Notice historique 
sur le baron d'A., dans Mém. Soc. d'Emul. du J., 1875. 

(3) Sur La Courbière, une biographie de M. ‘Emile Loxcin, 
dans Mém. Soc. d'Em. du Jura, 1919, p. 43 et suiv. 

(4) Sur La Cuson, cf. Phil. Pernaup, dans Mém. Soc. Emul. 
du Jura, 1866, p. 361 et suiv. ; Louis Laurrey, Vie du capitaine 
La Cuson, Paris Champion, 1913. | 

(5) Girardot de Nozeroy, p. 132. 


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= 217 — 


fa flamme sacrée en circulant dans le bailliage d'Aval, 
| séjournant à Lons malgré la peste, allant — ces gens de 
robe — parmi les soldats] jusqu au contact de l'ennemi. 
On avaiteu le temps de munir les places du bailliage 
d'Aval. Blétterans, Bornay, Saint Laurent Ja-Roche 
_ avaient encore leurs châteaux : on y avait mis de bon- 
nes garnisons. Lons était ainsi bien gardée à l'Ouest 
- et au Sud. Mais la ville même n'était guère FHIOUESS 
_ par ses propres fortifications. . 
Qu’était Lons à cette époque ? Il convient que de 
vous le dise maintenant. 


* 
x + 

Tracez, sur un plan moderne de Eons, un carré 
délimité : à l'O., par la rue Tamisier ; au S , par la 
ligne des façades sur la Place et sur la rue de Ronde, 
puis par l’immeuble de l'Ancien Séminaire. (autrefois 
couvent des Cordeliers) ; à l’E., par une ligné qui 
irait rejoindre le quartier de Balerne ; au N. enfin, 
par une ligne passänt derrière Îles maisons de la 
rue de la Comédie ; fermez ce carré par les murailles 
d’un grand château fortifié construit au XIV®* siècle 
par les princes de Chalon, et où Philibert était né en 
1502 (notre Mairie en occupe l'emplacement}: voilà 
l'emplacement de la ville proprement dite. Tout 
autour de ce carré, des murs en mauvais état, vieux 
de près de trois siècles : des fossés peu profonds, 
où coule une dérivation de la Vallière ; autour du 
* château, des fossés plus profonds et constituant une 
meilleure défense, puisqu'ils étaient « à fond de cuve » 
"et avaient leurs parois maçonnées : ils recevaient 
les eaux du Solvan et de la Vallière. — Quelques 
tours, dont une à l’entrée de notre rue Perrin, la 
‘our des Mussillons, et une près de la chapellé du 
Séminaire, la {our des Cordeliers. — Quelques por- 


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— 218 — 


fes. Une, la porte de Perrigny, s’ouvre en haut de - 
notre rue Sebile. Une autre est au débouché de notre 
rue du Commerce sur la place Perraud : la porte 
Saint-Michel. (Dans une tour qui l’accoste est la plus 
ancienne salle des réunions du Conseil de ville. Il 
devait se transporter ensuite dans une maison sise au 
coin de la rue de l’Agriculture et de la rue Sebile, et 
qu'a remplacée celle qui appartient aujourd'hui à Mme 
Pitolet). La troisième porte, et la plus importante, est 
à l'entrée des Arcades en venant de la Place, un peu à 
droite de l'emplacement actuel de notre beffroi munici- 
pal (lequel ne date que de 1759) : c’est la porte de 
l'Horloge. Chacune de ces portes a un pont-levis sur 
le fossé. Et voyez comme les noms peuvent survivre 
aux choses dont ils sont les signes : si vous entendez 
ici quelqu'un parler du Pont de l'Horloge pour dési- 
gner le beffroi, alors que la vieille porte, le fossé, le 
pont sur Île fossé ont dès longtemps disparu : si, 
quand retentit la cloche municipale, vous entendez 
cette personne dire : « On sonne au Pont» ; soyez 
sûrs que vous avez affaire à un bon Lédonien, fils de 
Lédoniens. — Dans ce carré, une seule rue impor- 
tante : la Grande Rue, notre rue du Commerce ou des 
Arcades ; un quartier populaire et populeux, et 
malsain : Balerne. | 

En dehors de ce carré, quatre faubourgs, habités 
par une population totale aussi nombreuse que celle du 
bourg. Au Nord, entre la rue des Dames (c’est notre 
rue de Besançon, ou Georges-Trouillot) et le Puits- 
Salé, d'une part ; la porte Saint-Michel et l'Abbaye, 
d'autre part (l'Abbaye : encore un vieux vocable lédo- 
nien pour c'ésigner les maisons de la place de la Paix, 
aujourd’hui place Bichat). — le faubourg des Dames. 
Au sud, entre notre rue du Jura et la Vallière, le fau- 
bourg de la Fusterie (ou des Chantiers de bois). A 


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— 29 — 


l'Ouest, entre l’entrée de la rue Lecourbe sur la Place 
et l'entrée de la rue Regard au coin de l'Hôpital (si vous 
saviez combien j'ai de mal à ne pas dire la rue Neuve 
et la rue des Charrons!...),le faubourg du Louvatan. 
Au Sud encore, entre la Place et l’église, le faubourg 
le plus important, celui de Saint-Désiré, fermé par deux 
portes peu so des: Courbouzon, à peu près en face de 
l’école communale, et Saint-Lazare, au croisement de la 
rue des Ecoles avec notre rue des Salines. Entre le 
Louvatan et le faubourg Saint-Désiré, là où est la 
première partie de notre rue Lecourbe, s’ouvre une rue 
assez étroite, qui s'arrête à un moulin (le Moulin d’en 
haut) : le passage de la rue Lecourbe, en face de 
l'impasse Saint-Antoine, vous en marque à peu près 
l'emplacement. 

De Besançon et de Conliège, on arrivait à Lons comme 
aujourd'hui; de Chalon, par le Pontot et la rue Regard ; 
de Lyon, soit par la vieille route qui, près du passage 
” à niveau de Messia, prend Montciel à flanc de coteau, 
passe près de la sortie actuelle de la source de l’Ermi- 
tage et aboutit au grand carrefour devant l'octroi, — 
soit par une route meilleure, qui devait suivre la direc- 
tion dé notre route de Lyon, et arriver entre les ruines 
d'un ancien hospice de lépreux, la Maladière, et une 
vieille chapelle de Sainte-Madeleine dont l'emplacement 
est indiqué à peu près par le bâtiment de l'octroi (1). 
On prenait ensuite la rue des Ecoles (la rue des Sa- 
lines n'existait pas : ce n'était encore qu’un vague 
chemin entre des prés, dont le plus grand, à gauche, 
appartenait à l’abbaye des Dames). On passait devant 
les Gapucins (ils occupaient l’emplacement du lycée 
Rouget-de-Lisle ; la cave du Proviseur renferme une 
inscription qui rappelle la date de la fondation du cou- 


(1) Cf. Emile Monor. — Histoire des hépitaux de Lons-le- 
Saunier, 1923, p. 9. | 


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— 290 — 


vent, 1613 {1)) : puis on tournait devant l'église, et, 
par la rue Saint-Désiré et le pont en dos d'âne de Ia 
Vallière, on descendait vers la Place et le bourg. (H y 
avait un chemin qui longcait la rive gauche de la Val- 
lière. Plus court pour Fo au faubourg, mais trop 
voisin de la Vallière, qui n'avait pas de quais, il ne 
devait être qu'un sentier). 
Telle était notre ville en 1637. Admirablement située 
à la descente des montagnes et à l'entrée de la plaine, 
lieu de croisement de deux grandes voies de communi- 
cation, entre Chalon et la Suisse par Bletterans, d’une 
part, entre Lyon et les Flandres, d'autre part, Lons 
‘était, comme nous dirions, un centre commercial im- 
portant. En 1552, Gilbert Cousin (2) la déclarait « par- 
ticulièrement jolie ». 
” Les rues, ajoute t-il, « en sont assez es et droi- 
tes ; beaucoup de maisons sont élégantes et luxueuses », 
Mais il regrette la mauvaise odeur qu exhale se des 
fossés. | 
. Un manuscrit de la bibliothèque de Lons fait une 
‘ charmante description de notre ville vers 1630. C’est la 
” copie d’une supplique des environs de 1640, ayant pour 
objet la reconstruction de Lons après l'incendie de 1637. 


Ecoutez : 
. «Ge petit lieu est aimable en toute façon, ne se pou- 
- « vant abandonner ny fuir pour ses désastres qui luy 
« sont si fréquents et comme héréditaires... ,.. C’étoit 
« [avant sa destruction] une ville, le territoire de 
« laquelle étoit bon, beau, délectable, dans une plaine 
_« entourée de bonnes collines, de fréquents châteaux 
« sur les pointes des rochers, de quantité de patura- 
.« ges, boccages, bois... ct de quantité d'arbres frui- 
« tiers ; les vignes y étant d’une étendue de plusieurs 


(1) Vieux Lors, 1911, p. 101. 
(2) Trad, Emile Moxor, p. 170. 


Go gle 


— 221 — 
« lieues, et toutes en bon estre, avec quantité de fruits 
« excellents en réputation et mérite, et en vins exquis. 

« Les hommes s’addonnoïent aux arts libéraux, et, 
« par certaines inclinations naturelles, ils ont été cupi- 
« des (1) des sciences et tels ont été toujours tenus 
« entre tous ceux de la province. Les étrangers même. 
« de mérite.et de qualité charmés du seul abord de ce 
« lieu, et pour (2) l'humeur douce des habitans, ont ou- 
« bliés les naturels attraits de leur patrie (3). 

« Les demoiselles mêmes....estoient d’un beau 
« coloris et teint agréable, ce que l'on tenoit provenir 
« de la bonté des eaux qui prenoient leur source du 
« mont de l'hermitage.... 

« Il y avoit aussy bon nombre de riches marchands, 
« lesquels y exerçoient le trafic avec toute sureté et 
« loyauté... ; même plusieurs de qualités y vivoient. 
« honorablement de leurs revenus... 

« Etant ce sité de Lons-le-Saunier d’un accès et 
« passage ordinaire et fréquent de tous états voisins, et 
« sur les frontières et avenues dé la France » (4). 

Eh bien ! faites sa part — aussi grande que vous 
voudrez — à l'illusion que donne toujours le passé, et 
aussi à la tendresse des survivants à l'égard d’une 
chère morte, n'est-il pas vrai qu'il y là les traits d’une 
bien attrayante figure ? 

Lons avait en 1636, d'après un document de cette 
‘année même, 389 feux, ce qui. représente une popu- 
latiou totale d'environ 2200 âmes (5). 


(1) Amoureux. 

(2) En raison de. 

(3) Cela n’est-il pas resté vrai ? 

(4) Kieux Lons 1908, p. 65-66. | 

(5) Le chiffre de 389 feux est donné par Tissor dans sa 
Chorographia manuscrite de 1636 qui est à la bibliothèque de 
Vesoul. Pour trouver la population, M. BUE LoNGIN SL 
le nombre des feux par le coefficient 6,5. | 


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* L'attaque française sur le bailliage d’Aval avait été 
prévue aussitôt après la levée du siège de Dole. On 


l'attendait — comme elle eut lieu — l’année suivante 


(1637). On savait qu’elle viserait tout d’abord notre 
ville, comme mal protégée et bien plus facile à enlever 
que Bletterans, — et aussi comme d'une possession 
indispensable à qui voulait marcher sur Poligny, 
Arboïs et Salins. Aussi est ce à Lons que le marquis 
de Conflans, « gouverneur des armées du Roy d'Es- 
pagne » en Comté, concentra ses troupes. 

= Il arrive ici au début de décembre 1636, avec tout son 
état-major. Il y trouve l'état-major et 150 hommes du 
régiment du sieur de Goux, mais sans aucure provision 
de plomb, de poudre et de mèche. Quelques jours après, 
il est rejoint par le conseiller de Beauchemin et le 


procureur général Brun. Le premier désapprouve le 


choix de Lons, ville à peu près ouverte et toute voisine 
de la frontière. Brun, très actif — même un peu 
remuant, si je le juge bien — songe à tout,'écrit tous 
les jours au Parlement. | 

Décembre 1636 se termine dans les préparatifs et 
l'examen des moyens de défense de la petite ville. 

Voici 1637, l’année terrible, C’est avec cette année 
que commence le premier registre des délibérations du 
Conseil de ville. Les registres antérieurs ont été brûlés 
dans l’épouvantable incendie dont je vous parlerai 
tout à l'heure, Le registre suivant ne commencera 
qu’en 1645 : ce vide, ce trou entre 1637 et 1645, c'est 
l'histoire même de Lons à cette. époque : la nuit, la 


mort... Celui-ci va nous faire assister aux séances 


inquiètes que tinrent presque Jusqu'au dernier jour les 
bourgeois qui composaient le Conseil ordinaire. Ils 


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— 923 — 


avaient à leur tête un mayeur, l'avocat Bussenet {1}, 
et quatre écheviris, MM. Duplan, Glanne, Tabel et 
Jouffroy. Honorons ces braves gens, et, en particulier, 
le maire, modèle de courage civique, de dévouement à 
ses concitoyens, d'attachement à ses fonctions, d’intré- 
pidité sans faste, qui, en pleine peste, sous la menace 
de la guerre de plus en plus resserrée autour de la 
ville, présida, sans défaillance, les cinquante deux 
séances que tint le Conseil, du 7 janvier au 15 juin. Je 
ne veux pas entrer dans le détail de ces six mois de 
vie municipale (2) et militaire, ni mettre en œuvre 
toutes les notes que j’ai recueillies aux sources. Les 
faits ne seraient pas sans intérêt Dors: mais cette 
conférence s’allongerait trop. Je m'en tiendrai à ce qui 
me paraît indispensable. 

Ant Brun, Girardot de Nozeroy et Conflans étaient 


(1) M. l'abbé Perron a publié, dans le Vieux Lons de 1912, 
p. 26 à 28, la Prière el le Vœu que je donnerai plus loin. Il a 
donné au mayeur le nom de Bussenot. Il faut lire Bussenet, 
L'e est très visible dans toutes les signatures du mayeur au 
registre des délibérations.— Autre preuve : parmi les conseillers 
figure un sr Amyot. La syllabe finale y est bien différente 
d'aspect de celle qui termine le nom de notre mayeur. L'o y 
forme un rond absolument isolé de l'y et du £ ; tandis que, dans 
le nom du maire, la voyelle finale est toujours jointe par une 
ligature au £. — D'ailleurs, dans le répartement de 1632 que j'ai 
publié dans le Vieux Lons de 1910, figure, à la p. 68, un « sr dr 
Busseney », qui, étant dit docteur, est sûrement Claude-François 
Bussenet, docteur es-droits. 

(2) Le successeur de Bernard Prosr au dépôt d’Archives du 
Jura, À. VAayssiÈRE, a donné, dans une collection publiée, de 
1882 à 1890, sous le nom de Petite bibliothèque lédonienne, un 
travail de 58 pages intitulé : Le siège et l'incendie de Lons-le- 
Saunier en 1637. Ce travail a été fait, lui aussi, sur des docu- 
ments des archives municipales ; mais quelques-unes des liasses 
les plus intéressantes ont échappé à l'auteur ou ont été négligées 
par lui, et j'ai relevé, d'autre part, dans son travail, quelques 
erreurs. 


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= 994: 


allés sans retard étudier les moyens de défense de la : 
ville. Le mauvais état de ses remparts et de son. 
château.les frappe tout de suite. Ils appellent de Dole 
« le sieur ingeniaire » Tissot (1). Ce Jean-Maurice 
Tissot était un assez triste sire. Brutal, violent, il 
devait, quelques mois plus tard, par lâcheté ou par 
trahison, amener la capitulation de Bletterans et. 
donner ainsi aux Français. le succès définitif au 
bailliage d’Aval. Bon ingénieur d’ailleurs, et digne,par 
ses connaissances, d’être le beau-frère du savant Pierre 
Vernier, d'Ornans, l'inventeur de lingénieux instru: 
ment de calcul qui porte son nom, le vernier. Très 
habile en matière de fortifications, Besançon, puis 
Gray avaient. déjà fait appel à ses connaissances 
spéciales ; vous venez de le voir appelé à Lons par 
Antoine Brun. Le Parlement l'y envoie. 

Dès son arrivée, il visite les fortifications, indique 
les réparations urgentes, veut qu’on refasse le pont de 
l'Horloge et qu’on abatte sur certains points (sans 
doute pour les remonter en bon état) les murailles de la 
ville, Le Conseil accepte tout, sauf la démolition de 
ces murs, qui, si mauvais qu'ils soient, sont encore 
une protection. Brun permet de prendre à l'intérieur du 
château des matériaux peu utiles, pour les employer 
aux réparations des murs (2) ; et celles-ci commencent 


(1) Le volume des Mém. de la Soc. d'Emul. du Jura pour 1926 
renferme une analyse détaillée de la Chorographica Synomilia 
de Jean-Maurice Tissor, par notre éminent confrère M. Loxcix. . 

(2) La pièce est en original aux Archives de Lons (chap. IE, 
cote 2, n°4). Tout entière de la main d’ Antoine Brun, et signée 
de lui, elle est ainsi conçue : : | 


Les vicepresident et gents tenants la cour souueraine de 
Parlement a Dole commis au gouucernement du Comité de 
Bourgongne scachant les dangers auxquels est exposée la ville 
de dionlesaunier et desirant la faire reparer ont permis et 
permettent aux maires, escheuins et Conseil du dict l'eu de se 


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— 995 — 

aussitôt, sous la surveillance de conseillers de ville 
qui reçoivent chacun un secteur ; procédé excellent, 
que j'ai vu souvent,dans nos vieux registres, appliquer 
à toute sorte d’affaires municipales : en donnant à la 
personne une responsabilité, il lui donne de l’activité et 
de l’émulation, et il est bien regrettable que nos habi- 
tudes de centralisation l’aient fait à peu près disparaître 
de nos mœurs municipales. | , 


Cependant, les troupes de défense arrivent dans la 
ville. Le gros a pour chef Christophe de Raincourt (1). 
Comtois (il était né près de Villersexel), alors dans 
toute la force de ses trente-six ans, habitué à la œuerre, 
Raïncourt était un de ces chefs énergiques qui font 
3 devoir jusqu’au bout. I1 le fit même trop bien 

, puisque, pour priver les Français de la place 
piste que ceux-ci voulaient faire à Lons, 1l ruina 
pour plusieurs années une ville qu’il avait pour mission 
de conserver à l'Espagne. Sitôt arrivé, le 15 mars, !l 
jette sur les défenses militaires le coup d'œil du soldat, 
et.1l parle en soldat. Eñtre l’église des Dames (elle 
était au milieu de notre place Bichat) et le mur de la 
ville (à peu près dans l'axe du porche de la Mairie qui 
s'ouvre devant le café des Halles ct le marchand de 
paniers), donc entre ce mur et l’église des Dames, il y 


seruir des pierres et matériaux moins [les moins] utiles au 
chateau de la diète ville, pour les faire employer aux menus 
emparements et fortifications desseignées par le s* Tissot 
conseiller de Sa M et Meïstre en sa Chambre des Comptes en 
ce dict pays. Faïct à lionlesaunier ce 5 mars 1637. 
Comme ayant charge et pouuoir | 
le procureur gencral de Sa M' 
À. BRUN 


(1) Sur Christophe de Raïncourt, il faut lire la belle biogra- 
phie de M. Emile Lonain, Besançon, Jacquin, 1904. 


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cm 926 — 


à des maisons dont les dernièrés touchent presque le 
pont- -levis de la porte St-Michel. (Ces maisons, c'est à 
peu près le côté gauche de la rue de Besançon, à partir 
de la maison Giguet, autrefois de Vanoy, qui fait le coin 


de la rue et de la place Perraud, — jusqu’à notre place 


Bichat). Ces maisons, trop voisines des murailles et du 
pont-levis, rendent, de ce côté, l'attaque facile à l'ennemi 
et redoutable aux défenseurs. De-même, tout le faubourg 
du Louvatan, c'est-à-dire le quartier entre notre rue 
. Lafayette et l'impasse St-Antoine, prolongée (comme 
autrelois) jusqu'à la rue Regard. Il faut tout démolir 
au plus vite. Le Conseil s’alarme et députe à Rain- 
court. Celui-ci ne veut rien entendre ;‘il ne consent à 


garder que les maisons de bois et permet de remplacer 


au besoin les maisons de pierre par des baraquements. 
Il faut se résigner, et les gens des deux faubourgs 
mettent en sûrcté, derrière les pauvres murailles,leurs 
personnes et leurs nippes. Imaginez la peine de ces 
malheureux, et leur inquiétude! Ce déménagement, c'est 
la guerre qui approche : sa menace s'impose et devient 
visible... Et joignez à cela les ravages de la peste. 
Car il faut parler maintenant de cette hôtesse de 


mort, et vivre quelques instants parmi des visions qui 


font frissonner. 


x 
x + 


La peste est la compagne sinistre de la guerre et de 
la misère (1). Si la funeste grippe espagnole, qui, dans 


les derniers mois de 1918, a fait tant de victimes, si 


cette terrible queue de la Guerre de 1914 n’était, 
comme le croient certains médecins, qu'une forme de la 
peste, songez à ce que pouvait être une queue de 
guerre dans des temps où on ne connaissait pas 


.(1) Il y a sur les pestes d’autrefois en Fr.-C. une bonne étude 
du Dr PErRoN dans Mém. Soc. d'Emul, du Doubs, 1861, 


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“ 


— 97 = 


l'hygiène, où les petites gens vivaient dans la misère ! 
Songez, en particulier, à ce brassage de peuples que 
détermine, dans l’Europe centrale, la Guerre de Trente 
ans ; à ces armées hétérogènes venues en partie de. 
Hongrie, de Croatie, de Pologne ; à ces cortèges de 
valets, de femmes, d’enfants, de bêtes, que les armées 
allemandes venues en France traînaient après elles ; 
imaginez, pour vous en faire une idée, d’interminables 
convois de Bohémiens sur nos routes d’aujourd’hui ; 
songez à la malpropreté de tous ces gens-là : vous 
comprendrez qu'ils devaient porter avec eux et semer 
sur leurs chemins bien des germes morbides. Repré- 
sentez-vous maintenant le quartier de Balerne, bien 
avant que les chaussées y aient été refaites et des 
façades recrépies. Voyez ces rues étroites, ces petites 
fenêtres, ces maisons sans soleil. Et dites si la peste,’ 
apportée par tous ces soudards allemands et hongrois 
ne trouvait pas, dans de tels quartiers, un lieu 
d'élection. Elle avait déjà sévi à Lons en 1629, apportée 
par un potier ambulant. Elle ne disparut plus ensuite 
du Comté de Bourgogne. Uñhe famine, en 1635, en’ 
augmenta la virulence. En 1636, elle apparut à Dole, 
en juillet, pendant les derniers jours du siège (1). On 
mit dehors les pestiférés et où les installa dans des 
baraquements : et ce furent, à chacune des portes de 
Dole, de nouveaux faubourgs, infects et horribles (2). 
La contägion se développa et se répandit dans les bail- 
liages de Dole et d’Aval avec une rapidité effrayante. 
Il y eut, à Dole, certains jours, de 100 à 120 morts : en 
six. mois, il y en eut, à Poliguy, plus de 2.800 ; 3.000 : 
à Arbois et dans les environs (3). A Clairvaux, 


(1) À Clairvaux, le 20. Voir Mém. Soc. d'Emul. du Jura, 
1898, p. 279: Le manuscrit de Jacques Cordelier, de Claireaux, 

(2) Girardot de Nozeroy, p. 145. 

(3) Mémoires de la Société d'Emul. du Jura, 1878, p. 332 et 
notes. 


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— 228 — 


qui avait 135 ne: c'est-à-dire de 7 à 800 habitants, 
il y-eut 350 morts (1). A Saint-Laurent-la Roche, à 
Bornay, les soldats « tombaient les uns sur lé 
autres » (2). Quand Longueville prit ces deux places, 
il les trouva, dit Girardot de Nozeroy, « comme cime- 
tières de pestifferez » (3). 

= La peste éclata à Lons le 14 ou le 15 ue (4), 
dans la maison de deux prêtres, les frères Mareschal. 
Ils habitaient rue du Commerce, à gauche en venant 
de la Place, à peu près au milicu de la rue (5). 

Quelles mesures prenait-on contre le redoutable 
mal ? On consignait chaque maison où s'était déclaré 
un cas de peste. On la fermait même par des leviers, 
des barres ou de bons crampons (6). C’est ce qu'on 
appelait la barre, et elle était étroite et sévère. Ceux 
qui ne pouvaient pas se soigner chez eux,on les mettait 
aux logés : c'étaient des D araqueniente qu'on dressait 
dans les prés de .Chaudon, c’est-à-dire dans le terroir 
que traverse le chemin de Villeneuve, et qui s’étend au 
Nord du clos de l'Hôpital à gauche et au Nord du 
couvent des Carmélites à droite. (IL y a encore là un 
grand pré appar tenant aux héritiers de Mme Picheney). 
Il y avait aussi un isoloir à a l’ Abbaye, les dames Urba- 


(1) Mém. de la Soc. d'Emul, du Jura, 1878, p. 280 et notes. 
(2) Girardot de Nozeroy, p. 276. | 
(3) Girardot de Nozeroy, id. 

(4} Arch. communales de Lons, chap. II, cote 2. Etat som- 
maire des fournitures... faites par la ville pendant les années 
1636 et 1637. La pièce hésite entre les deux dates du 14 et du 45 
décembre. — L'Inventaire des titres de la familiarité de Saint- 
Désiré, dressé en 1786, donne {fo 4, verso) la date précise du 14 
septembre, d'après une enquête faite le 49 septembre 1650 par 
le lieutenant général au bailliage de Montmorot, et qui a malheu- 
reusement disparu. 

(5) Voir le répartement que j'ai donné dans le Vieux Lons de 
1910, p. 63. 

(6) Mém. de la Soc. d'Em, du Doubs, 1861, p, 329, 


< 


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— 2929 — 


nistes quittant leurs logements quand la contagion 
éclatait. De pauvres diables montaient la garde aux 
loges et distribuaient les vivres : par jour, une livre 
et demie de pain, deux litres dé vin aux hommes, et un 
chauveau aux femmes (1). D’autres pauvres diables 
enterraient les morts : les dépouilles — chose horrible 
à dire — étaient pour eux (2). Des nettoyeurs « capa- 
bles et jurez » (3) (on les appelait ici malgognets ou 
bousserands ; à Clairvaux, magougnets ou bourse- 
rans) (4j désinfectaient les maisons au moyen de 
fumigations aromatiques (genevrier, soufre, encens). Et 
il y avait des malheureux et des malheureuses qui 
allaient ensuite séjourner dans les maisons désinfectées 
pour essayer Si le travail des nettoyeurs avait été 
bien fait: on les appelait les essayeurs et les 
essayeuses (5). Tous, gardes des loges, enterreurs, 


(1}.0a recouvrait la dépense « sur ceulx qui avoient moiïen » ; 
pour les autres, la ville faisait le: frais. (Délib. du 15 avril 
1637). | 

(2) Les sieurs Mareschal, de la Grande Rue, avaient voulu 
brûler les dépouilles de feu honorable Jehan Mareschal leur 
neveu et d'autres personnes de la famille qu'on avait mises aux 
loges. Les enterreurs réclamèrent par devant le mayeur, qui 
soumit la question au Conseil. Celui-ci délibéra (13 mars 1637) 
que les dépouilles appartiendraient aux enterreurs, « pour avoir 
esté usagé ainsi par escrit le temps passé ». 

(3) Délibération du 28 mars 1637. 

(4) Mém. de la Soc. d'Em. du Jura, 1898, p. 280. — Le mot 
malgognet ne figure, comme synonyme de bousserand, qu’au 
dos d'une requête adressée au Parlement de Dole par deux net- 
toyeurs (Arch. commun., If, 2). — J'ignore d'où vient ce mot 
de malgognet. Quand à bousserand (ou bosserandi, il vient peut- 
être de bosse, nom courant du bubon. (Dr Perron, art. cité, 
Mém. Soc. d'Em. du Doubs, 1861, p. 326). 

(5) Dans le compte rendu par honorable Jäcques Rouge « au 
faict de la peste » de 1629 (Annexes. — Arch. de Lons, II, 2), 
je ne vois figurer que des cssayeuses. Elles sont parfois nommées 
ressayeuses. 


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230" 


_nettoyeurs, essayeurs, étaient aux gages du Conseil, 
qui passait marché avec eux. Un capitaine de la santé 
(ou commis de la santé), payé, en 1637, à raison de 
quatre, puis six écus par. mois (1), avait la direction et 
la surveillance de tout le service. Il y avait encore, 
comme nous dirions « un médécin des épidémies », 
rétribué, lui aussi, par le Conseil de ville (2). 

Quand on venait chercher les malades ou les suspects 
pour les conduire aux loges, les pauvres gens, en 
disant adieu à leur maison, remettaient à des voisins 
ou à des amis leur argent et leurs bijoux. Un orfèvre 
avait la charge de les « repurger et netoier » (3). 


* 
x * 

Associons nous, par l'imagination et par le cœur, à 
l'angoisse de nos aïeux. 600 soldats sur le pied de guer- 
re tiennent garnison dans leur ville ; d’autres soldats 
la traversent ; des blessés reviennent, qu'on hospita- 
lise. Des manœuvres (4) réparent en hâte les murailles 
et les portes. On mure un portail qui fermait l’étran- 
glement de notre rue Lecourbe (5). Au faubourg Saint- 
Désiré, à l'entrée de la Fusterie et du Louvatan, on 
creuse des fossés qu’on munit de palissades (6). 


(1) Délibérations du 26 mars et du 25 mai 1637. 

(2) A raison de 30 fr. par dizaine de jours. (Compte de Jacques 
Rouge pour 1629. Annexes Arch. de Lons, IT, 2). 

(3) Compte de Jacques Rouge pour 1629. — On « bouillissoit » 
aussi dans la rue même l'argent que les « suspects de peste » 
« conferoïent » à des voisins. 

(4) Dix-huit vignerons (Délib. du 20 av vil 1637). 

(5) 11 fut rouvert en 14645 (Délib. du 5 mars) «pour rendre le 
passage libre ». 

(6) En 1667, Marc de Boutavant, envoyé par le Parlement 
« pour faire une enquête», voit encore en ces lieux « quelques ves- 
tiges de fossés palissadés ». (Arch. de Lons, chap. IT, cote 2, 
n° 11). Le 


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— 231 — 


fortifie le couvent des Capucins. C'est partout l’image 
sinistre de la Guerre.... 

Et la peste s’étend. Le 27 et 28 mars, il meurt six 
personnes (1). En mai, la contagion, dit au Conseil un 
des échevins, « se rengrège et croît de jour en 
jour » (2). Plus des deux tiers de la ville sont atteints, 
est-il dit le 27 mai. 

C'est à ce moment-là qu’on apprend la prise par les 
Français du château de Chevreaux, à cinq lieues de Lons 
(17 mai). Décimés par la peste, l'oreille tendue au rou- 
lement du canon sur les routes, nos ancêtres se tournent 
vers Dieu (3). Le dimanche 17 mai, le maire, les éche- 
vins, le syndic et le secrétaire du Conseil se réunissent 
dans l’église du couvent des Cordeliers et rédigent un 
vœu à Notre-Dame de Gray. Puis,le dimanche suivant, 
dans l’église paroissiale de Saint-Désiré, à l’offertoire 
de la grand-messe, le maire, assisté de ses quatre éche- 
vins, du secrétaire et du syndic, en fait à haute voix 
la lecture solennelle. Il est bien touchant, ce vœu, et le 
plus sceptique n’en saurait écouter sans émotion le 


début : 


« Seigneur des Seigneurs, Dieu tout puissant, père 
de misericorde, qui benissez les desseings de ceulx 
qui ont volonté de vous serutr, qui estes toute bonté 
a ceulx qui vous inuocquent, qui rendez le bien pour 
le bien, et le bien encores pour le mal quand le pe- 


(1) Délib. du 28 mars. IL y avait eu quatre morts dans Îa 
maison de Denys Guichardet, rue de la Croix (rue de l’Agri- 
culture), et deux dans la Grande Rue (rue du Co nmerce), dans 
les maisons Mareschal. 

(2) Délib. du 13 mai. 

(3) Déjà, le 12 janvier 1637, le Conseil de ville avait prié 
« les sieurs venerables de l' eglise Saint-Desiré, les RRPP Cor- 
deliers, capucins et hermite de ce lieu de faire prieres en leurs 
eglises pour les necessitez de lad ville ». Le 8 mars, on avait 
demandé des prières de Quarante heures. 


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== 999 


cheur se conuertit a vous de tout son cœur, Nous 
Claude François Bussenct, docteur es droit, mayeur 
de Lonslesaunier, et escheuins, scindicque et secre- 
taire de lad ville icy presens pour et au nom de lad 
ville, paroisse, habrtans et residens en icelle, pros- 
lernez en esprit et en corps deuant votre diuine 
bonté et maiesté, auec le repentir au cœur pour nos 
faultes passées, à l'effect d'implorer, comme nous 
faisons très humblement, votre saincte grace et mise- 
ricorde sur tant de crimes, et pechez qui ont irrité 
Justement votre maiesté a l'encontre de nous, pour 
lesquelz nous ressentons les effectz de votre justice 
au moien des fleaux de gucrre et de peste qui nous 
affligent à présent, estdns menacez d'un troisième (1) 
si ce n'est que votre bonté paternelle et misericorde 
le detornent, à bon droict nous confessons nos faul- 
les, et que nous auons merité de plus grandz chastt- 
mentz, et nous confians neantmoings a votre douceur 
et benignité, nous vous AE tres hkumblement 
jecter votre œil pitoyable sur notre misere et vous 
souuentr, Seigneur, de votre sainct nom qui est 
inuocqué en ce sainct lieu consacré a votre honneur 
et gloire, soubz l'inuocation de sainct Désiré (2) 
notre glorieux patron et protecteur tutelaire, nous 
resignons (3\ de plus & votre protection notre ville et 
fauxbourgs, nos ames et noz corps, notre honneur et 
nos biens: supplians tres humblement voire sacrée 
majesté de detourner son tre (4), et nous rendre 
libre de ces fleaux....» (5). 

(1) Le siège de la ville. 

(2) Le vœu avait été rédigé aux Cordeliers, mais pour être lu 
à l'église de paroisse, Saint-Désiré. 

(3) Nous remettons. 

(4) Sa colère. 


(5) Le vœu a déjà été publié par M. Emile Loxain dans son 
| Raincourt et par ] M. l'abbé Perron, dans le Vieux Lons de1912,, 


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— 233 — 


Hélas ! ce tragique appel ne devait pas être entendu ! 

Rappelez-vous maintenant le spectacle qui, à Lons. 
avec le canon d'Alsace, nous a donné comme la sensa- 
tion matérielle de la guerre. Remémorez-vous les 
évacués de Belfort avec É paquets, le lundi 10 août 
1914, sur la place de la Petite Chevalerie ; et, plus 
tard, tous ces convois si douloureux de réfugiés. Nous 
étions à leur égard pleins d'une sympathie agissante. 


p. 26-28. Il me parait néanmoins nécessaire, pour rendre cette 
étude à peu près complète, d'en donner ici la suite et la fin, 

collationnées très soigneusement sur le Registre des délib. 

de 1637, fo xx1 et verso, «... de ces fléaux. À l'effect de quoy 
nous supplions en humilité la glorieuse vierge, advocate des 
pauures affligez, les glorinur sainct Roch, sainct Sebastiain et 
sainct Charles de nous interceder ceste faueur par leurs prie- 
res ; implorans aussy toute la cour celeste a notre ayde et leur 
intercession «a mcsme effect, ct particulierement encores celles 
des glorieux sainct Desiré et sainct François {!}, afin que, par 
leurs prieres joinctes ils puissent obtenir pour nous les;lut et 
conuersion de nos ames et la conseruation de noz honneurs, 


corps et biens, et en recongnoissance de ces faueurs que nous 


attendons de votre clemence, nous faisons vœu solennel a votre 
maiesté qu'estant la peste et la guerre cessez ct les chemins 
libres, deux des sieurs familiers de ceste eglise de Sainct Desiré, 
austant des R.P Courdeliers, deux des reuerendz peres Capucins 
de ce lieu et deux du magistrat ou Conseil de cette ville quiseront 
pour lors feront le voyage a pied en l'eglise des rcuerends peres 
capucins de Gray, et y feront dire une messe en l'honneur de 
votre saincle maiesté sous l'inuocation de la glorieuse Vierge 
Marie, et y feront ouffre d'ung tableau a platte peinture en va- 
leur de douze escus pour souuenance de notre deliurance, com- 


ne aussy nous promectons de au plus tost faire celebrer une 


grande messe en ceste eglise parrochialle afin de supplier la 
bonté immense de vous qui estes le Dieu des armes, de nous 
exempter d'ung siege, et en cas nos pechez ayent faict arrester 
dans vos jugemens le contraire, ou il pläiroit a votre saincte 
maiesté nous en deliurer,a tel jour de chacune année pour ce luy 
promectons de nous abstenir de viande (?) de chair, ou la veille 


(:). Le « patron » du mayeur, François Bussenet. 
e) On reconnaît bien ici l’ancien sens du mot viande, nourriture, 


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— 234 — 


Mais la guerre, qui, en 1914, aurait pu être sur notre sol 
(il s’en est fallu de si peu !) la guerre était alors loin de 
nous. Figurez-vous, au contraire, l’état d'esprit de nos 
ancêtres voyant se presser dans leurs murs à peine 
réparés, les habitants des villages voisins qui fuient 
après la prise de Chevreaux. Ils arrivent, lamentable 
défilé, poussant devant eux leur bétail, ou montés sur 
des chariots chargés. de leurs meubles et de tonneaux 
de vin. On les accueille, et on les loge où l’on peut. Le 
couvent des Cordeliers en héberge une partie, et il 
reçoit dans ses cours les chariots chargés. Quant au 
bétail, on l'envoie aux prés, en champ, comme on dit 
ici. Mais 1l fait du dégât, et, le 16 juin, le Conseil de 
ville prend des mesures de préservation. C’est sur cet 
acte de bonne administration communale que se termine 
sa dramatique et inquiète mission civique. Neuf jours 
après, la petite ville mourait dans les horreurs de 
l'incendie et du pillage. .… 


* 
# + 


Revenons en arrière de quelques semaines. A la fin 
d'avril 1637, le duc de Longueville, apprenant qué 
l’armée comtoise tenait son front de Château-Chalon à 
Arlay par Toulouse, s’était retiré vers la Saône, au 
pied des collines du Mâconnais. Le gouverneur du 


dud jour si c'est un dimanche ou autre principal jour dont la : 
solempnité ne le permecte pas. Ainsi voire saincte matesté nous 
soit en ayde Amen. Ainsy signé C F Bussenet, G Duplan, 
N Tabel, D Jouffroy ; comme commis procureur scindique Bre- 
gand, et comme secrétaire Varat. 

Aud Lonslesaulnier en l'eglise parochialle sainct Desiré dud 
Lonslesaulnier, à l'ouffertoire de la messe celebrée le dymanche 
vingt quatrieme de may mil six cens trente sept at esté led vœu 
solempnellement emis a haulte et intelligible voix par le sieur 
mayeur d2 lad ville, assisté des sieurs Duplan, Tabel et Jouf- 
froy. coescheuins, de Jacques Bregand commis procureur scin- 
dique et Vincent Varat serretaire ordinaire de lad ville, 


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— 235 — 


Comté, marquis de Saint-Martin, et le commandant 


des troupes du roi d'Espagne, marquis de Conflans, 
avaient profité de cette retraite pour mettre bonne 
garnison à Bletterans, Saint-Laurent-la-Roche,Bornay 
et Orgelet. Conflans était venu se loger au château 
du Pin. À 

Mais, stimulé par Richelieu, Longueville se remet 
en marche sur le bailliage d’Aval. Il a 8.000 fan- 
tassins et 2.000 chevaux. Parti de Branges le diman- 
che 21 juin, il vient camper près du Fay (1) et envoic, 
dans la direction de Lons, une reconnaissance de 
cavalerie. Arrivés à Montmorot, ces éclaireurs durent 
monter à Sivagna, contourner le coteau de Pymont, 
au Nord, par le chemin de Villeneuve, et descendre 
entre les prés de Chaudon. En tout cas, ils parurent 
subitement au-dessus de l'abbaye des Dames (2). Les 
Dames s'étaient, comme je l'ai dit, dès longtemps 
enfuies. Raincourt prend cette reconnaissance pour 
l'avant-garde de l'ennemi, et il fait mettre le feu au 
faubourg. Puis il écrit sans retard au Parlement pour 
réclamer du secours (3). 

Le gros de l'armée française, qui, le 21, était au 
Fay, campe le lundi 22 près de Courlaoux. Le même 
soir, Longueville investit le château, qui capitule le 
mardi matin « à vie sauve » (4). 

Longueville emploie toute la journée du mardi à 
mettre garnison dans ce château et à en tirer toutes les 
provisions qui y étaient accumulées. Le mercredi, il 


s'arrête à Montmorot et va lui-même reconnaître la 


position de Lons. Il monte sur le vieux chemin qui vient 
de Messia par le flanc de Montciel. Il a avec lui 


(1) Gazette de France, n° 97, p. 432. 

(2) Mém. de la Soc. d'Emul. du Jura, 1875, p. 348. 

(3) Emile Longin, Christophe de Raincourt, p. 60 et n° 1. 
(4) Gazette de France, n° 97, p. 433. 


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— 236 — 


plusieurs officiers de divers régiments, et, parmi eux, 
un des capitaines du régiment de Normandie, Henri 
de Campion. Dix-sept ans plus tard, rédigeant ses 
Mémoires (1), Campion sc rappelle ce spectacle, et 
il écrit : « Après cela, nous fûmes assiéger Lons-le. 
Saunier, assez jolie ville » (2). Oh! le précieux témoi- 
gnage, surtout de la part d’un ennemi, et en un temps 
_oùles yeux ne s’ouvraient guère sur le charme des 
choses ! Mais sans doute Longueville, en bon chef 
d'armée,n’a pas de préoccupations esthétiques ou senti- 
mentales. Il distingue des barricades non loin de lui, 
à l’entrée de la rue des Ecoles. Plus loin, il reconnait la 
forte position ‘du couvent des Capucins (à la place de 
notre lycée, vous ai-je dit) qui, à la fois, commande 
la plaine, et, placé sur le bord de la grande route, 
la garde solidement. Longueville voit qu'il faut faire 
donner le canon. Il appelle à lui ses artilleurs .et fait 
hisser des pièces près de la source de l’Ermitage (3). 
(A l'époque, elle se déversait plus haut). Six coups de 
canon, et la brèche est faite dans les murs du couvent. 
Longueviile lance le régiment de Normandie; il est 
reçu avec vigueur. Mais,sur l'ordre de Raïincourt, la 
garnison du couvent abandonne une résistance qui 
pourrait lui coûter cher. Elle se retire ; mais, avant 
de céder la place, les soldats mettent le feu à la 
paille qu'ils ont entassée dans les bâtiments, et ils 
les brûlent presque entièrement. 

Dans la nuit du mercredi au jeudi, le vicomte 
d’Arpajoux reçoit de Longueville l'ordre de préparer 
une attaque pour enlever, au point du jour, le faubourg 


(1) Publiés pour la première fois en 1807 par le général de 
Grimoard, ces attachants Mémoires ont été réédités en 1857 
dans la Biblinhèque elzévirienne de Jannet. 

(2) 1re éd., p. 96.— Ed. de la Bibl. elzév., p. 73. 

(3) Mém, de la Soc. d'Em. du Jura, 1875, p. 344, 


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— 937 — 
Saint-Désiré, ainsi qu’une redoute au-dessus des 
vignes, « à l’opposite » de ce faubourg. Je crois qu'il 
faut la placer, non pas, comme le disent VAYSSIERE et 
M. LonaIN, à l’entrée du faubourg de la Fusterie, lequel 
n’est guère à l’opposite, mais en Richebourg, à droite 
de l’entrée-de la. visille route de Pannessières, à peu 
près là où vous voyez une tour qui est un ancien 
pigconnier.. Elle surveillait la route de Conliège, 
dominait Lons, et devait être visible du haut de 
l'observatoire de Longueville, par-dessus le faubourg 
et l’église de Saint-Désiré. L'attaque commença au 
petit jour. La redoute fut enlevée assez vite. Il n’en 
fut pas de même du faubourg : la résistance y fut 
sanglante et désespérée. Enfin, il fallut céder. Mais, 
en se retirant, Raincourt reste fidèle à son impitoyable 
système de défense : il ne veut pas que l'ennemi 
s’établisse tranquillement au faubourg, s’y repose et 
‘y fasse sa maïn : et il fait mettre le feu aux maisons ! 
Il souffle un vent violent du midi: le faubourg est 
bientôt tout en flammes. L'église, bien qu'un peu 
écartée, a sa charpente atteinte. L'hôpital, presque au 
coin de la rue et de la Valière (1) (il était séparé de 
la rivière par une maison), est consumé. C’est entre 
deux murs de flammes que les Comtois, suivis pas 
à pas par les Français, reculent lentement jusqu’à deux 
barricades qui devaient fermer, sur la place, la rue du 
Faubourg. Elles sont prises d'assaut. L’erreux (ou 
le bief des moulins) qui, aujourd’hui, coule sous les 
maisons de la rue du Jura et de la rue Lecourbe, et 
que vous voyez se jeter dans la Vallière à côté du 
pont de la rue des Salines, l’erreux coulait à découvert 
à l’entrée de la rue Saint-Désiré. Il ne peut être une 
protection ni contre l'ennemi, ni contre le feu. Nos 
soldats rentrent dans le bourg par la porte de l’Horloge 


(1) Voir mon Histoire des hôpitaux de Lons, p. 13, 


| Co gle 


— 238 = 

et lèvent le pont-levis. Mais des flammèches, emportées 
par le vent, ont sauté par dessus la place, et elles 
commencent à embraser le bourg. Les Comtois ont 
derrière eux, dans l'intérieur des murailles, le feu qui 
s'étend et l’affolement des femmes et des enfants qui 
crient et ne savent où fuir. Mais ils ne capitulent pas ! 
. Devant cette résistance héroïque, qui lui coûte beau- 

coup de soldats et d'officiers et l'oblige à relever le 
régiment de Normandie, Longueville fait amener le 
canon. D'ailleurs, le feu est son allié, et, comme dit 
sauvagement la Gazette de France dans son n° du 6 
juillet 1637 (1), le chef français veut « se servir de cette 
occasion ». Il est huit heures du matin : jusqu’à trois 
heures après midi, trois pièces envoient deux cents 
boulets. Pendant ce temps, on prépare tout pour 
l'assaut, et, entre les: décharges, on.eamble de fascines 
le fossé. « Ce qui n'estoit pas encore achevé, dit le 
« correspondant de la Gazette (2), ni la brèche de tout 
« point raisonnable, lorsque l’impatience des soldats, 
« se servant de l’occasion de l’embrasement qui 
« gagnoit par toute la ville, ils forcèrent cette brèche ». 
Mais Raïincourt a ramené toutes ses troupes vers le 
château (vous vous rappelez qu'il occupait l’empla- 
cement de notre Hôtel-de-Ville). Il y fait entrer ses 
hommes, et, avec eux, dit Campion, « les personnes les 
plus considérables » (3). Sur le pont-levis du fossé, la 
bousculade fut terrible. Les femmes se pressaient. Les 
hommes se retrouvèrent alors tels qu'ils sont souvent 
en de telles circonstances, tels qu’ils furent le 4 mai 
1897, dans l’épouvantable incendie du Bazar de la 
Charité. Des femmes tombèrent dans le fossé, et 
comme il était, ainsi que je vous l'ai dit, « à fond de 

(A) N°97, p. 433. 


“{2) Id., p. 434. | | 
(8) Mémoires, 1° éd., p. 9%; Ed. de la Bibl, elzéo., p,.73. 


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— 139 — 


4 


cuve » (1), avec des parois à pic et maçonnées, les 
malheureuses ne purent remonter le long des bords et 
se noyèrent. Ainsi mourut, nous dit Campion, « la plus 
belle fille de la ville » (2j. Mort affreuse sans doute, 
mais qui, du moins, la laissa intacte... | 
D’autres habitants, en particulier des jeunes filles et 
des femmes,s’étaient réfugiés au couvent des Cordeliers. 
Il abrituit aussi ce que les bourgeois de Lons avaient 
tenté de mettre en sûreté : bijoux, linge, dentelles. 
Imaginez leur angoisse : les charpentes craquent, les 
maisons s’écroulent, les fumiées obscurcissent le ciel, 
les soldats hurlent. Ecoutez maintenant le barbare qui 
envoie son récit à la Gazette de France : c'est sur ce 
ton-là que les Allemands devaient, en 1914, annoncer 


à leurs femmes et à leurs fiancées, le sac de Dinant et 


les horreurs de Nomeny. « Comme les soldats ne sont 
« oisifs en telles rencontres (3), les nôtres furent 
« advertis que la plupart des habitants, dès le com- 
« mencement du siége,avoient porté de leurs meïileures 
« nippes dans le convent de$ Cordeliers. Ce qui fet 
« cause que voyant le feu s'attacher à ce convert, les 
« soldats aimèrent mieux piller ce qufestoit dedans 
« que le laisser brusler. » Ils entrent donc en furieux : 
Ce ne sont plus des hommes, mais des bêtes. J'épargne 


à vos oreilles — et à mes lèvres — le récit de leurs 


abominations. C'était la licence déchaïînée, à laquelle 
nulle autorité ne pouvait plus mettre un frein. Le 
mémorialiste français, que j'ai déjà cité, le témoin 
oculaire si précieux à l'historien, l’ennemi si humain, 
qui, tout à l’heure, déplorait la mort tragique de la 
plus belle Lédonienne, Henri de Campion écrit : « Les 
« soldats, ne trouvant point de résistance, firent tous 


(1) Gazette de France, p. 431. 
(2) Bibl. elzév.. p. 73. 
(3) Circonstances. 


Go gle 


— 0 — 
« les maux dont ils se purent aviser ; et le feu qui 
« s’étendoit de tous côtés les rendoit encore plus licen- 
« cieux. Toute sorte de violence furent exercées, et les 
« biens échappés au feu, pillés. Tout cela me fit une 
« pitié que je ne puis exprimer ; mais l’on ne pouvait 
« rien empêcher... J'avoue n'avoir jamais vu faire 
« tant de mal. Ce n’est pas que le duc de Longueville 
« ne füt bien fâché de tous ces désordres ; mais son 
« manque de sévérité ne laissoit pas de les causer» {1). 
Quant aux malheureux habitants qu’on n'avait pas 
tués, ils furent faits prisonniers de guerre, et on exigea 
d'eux « des rançons si exorbitantes, dit une requête, 
« adressée en 1650 au Roi d’Espagne, qu’il fut impos- 
« sible à la plupart de les payer, après la perte de 
« leurs biens, en telle sorte qu’ils sont decedez en 
« captivité ou après leurs élargissements, de misère et 
« de pauvreté » (2). | 
Le château capitula une semaine après. 

Après cela... Oh ! mon Dieu! c’est bien simple.’ 
Après cela, Longueville s'én alla continuer sa conquête, 
dans l'incendie et le sang des hommes. 

Cependant les décombres de Lons faisaient encore 
un peu de fumée. Quelques rares maisons demeu- 
raient debout, les baies des fenêtres ouvertes sur le 
ciel ; et c’est tout ce qui restait d’une jolie petite ville. 
Le silence de la mort s’étendait sur des cendres chaudes 
et sur des flaques de sang. 


* 5 = 
x + 
Plus prudents, ou moins attachés à une ville où 
sans doute ils ne possédaient pas de maison, des 
Lédoniens, voyant le danger approcher, avaient fui à 
temps. Certains avaient passé à l'étranger. D’autres 
(1) Edit. de la Bibl. elzév., p. 73-74. 
(2) Le Vieux Lons, 1908, p. 68. 


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ju — 


étaient allés moins loin, et ils s’étaient réfugiés, comme 
des hommes de la préhistoire, dans des grottes et des 
cavernes. Celles de Revigny avaient déjà des hôtes du 
village, et de Conliège, Saint-Maur, Poids-de-Fiole, 
Publy, Vincelles, Macornay, Courbouzon, Vernantoïis et 
Courlaoux. Des fugitifs de Lons vinrent les rejoindre. 
On se fit des « baraques » en dressant des cloisons; et, 
pendant plusieurs années, dans ces taudis malsains, 
sans air ni lumière que proche des entrées, à peine 
séparés les uns des autres par quelques planches, des 
femmes enfantaient dans la douleur, des enfants vagis- 
saient, des moribonds agonisaient, et le curé de la 
paroisse de Revigny-St-Maur, M'° Simon Conduit, de 
Lons, baptisait, confessait, administrait les malades et 
mettait par écrit leurs dernières volontés (1). 

Et le cœur humain est tellement le même partout, en 
tout temps, dans les pires misères comme dans la pros- 
périté, que le curé bénit jusqu’à quatre couples, le 12 
janvier 1637, et un autre le 13 ! (2). 

En quittant les ruines de Lons pour aller piller et 
brûler Orgelet, Longueville ayant appris que des mal- 
heureux étaient là, vivant comme des troglodytes, fit 
tirer quelques boulets sur l'entrée des grottes (3). 
Quelques soldats tentèrent même l'assaut ; mais ils 
furent repoussés et laissèrent entre les mains de nos 
_vaillants Comtois de « mémorables dépouilles » (4) ; et 


(1) J'ai raconté cette lamentable existence dans Le Vieux Lons 
de 1912, p. 157 et suiv., d'après deux documents singulièrement 
émouvants, le registre paroissial de St-Maur et Revigny, que 
m'avait communiqué le bon M. Buffet, ancien instituteur à Saint- 
Maur, devenu maire de la commune, — et un testament de 1637 
avec enquête, qu'avait mis entre mes mains M. César Bidot, 
alors maire de Revigny. 

(2) Vieux Lons, 1912, p. 160. 

(3) Girardot de Nozeroy, p. 185. 

(4) Le Manifeste d'Antoine Brun (1638), publié par M. Emile 
Longin, Vesoul, Louis Bon, 1905, p.24. 


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= 942 — 


c'est en commémoration, de cette heureuse résistancé 
que fut instituée la fête qui se célèbre, chaque année, 
le 16 juillet, par une procession à l’oratoire qui est au-- 
dessus des Monts de Revigny, près de Chez la Marie. 
Une curieuse tradition locale, qui m’a’été contée par 
l’ancien curé et l’ancien maire de Revigny, M. César 
Bidot, rapporte même que la fuite de l’ennemi aurait 
été précipitée par un essaim d’abeilles sortant brus- 
quement de l’une des grottes (1). 


* 
# *% 


__ 1638, 1639, 1640. La guerre s'était portée aux bail- 
liages de Dole et d’Amont, où Richelieu, poursuivant 
avec sauvagerie sa conquête, envoyait le marquis de 
Villeroy faire la Guerre des blés....Oui ! ce général 
français prenait avec lui en Bresse (la Bresse était de 
France) des centaines de paysans armés de faux, les 
gastadours ; et, sous les yeux des malheureux qui 
avaient fait, sur l’horizon de Comté, quelques semai- 
nes auparavant, le geste auguste du semeur, il venait 
couper les blés en herbe, et déchaîner une épouvanta- 
ble famine où l’on allait voir, chose horrible à dire, 
des hommes manger la chair des hommes (2). 

Les quatre villes importantes étaient là : Dole, Gray, 
Besançon, Salins. C'était le quadrilatère sacré des 
derniers espoirs et de la résistance suprême. Là aussi 
devait se porter tout l'effort de l'ennemi. Que faire, 
pour lui, au bailliage d’Aval ? Les villes étaient brû- 
lées ;et, dans les villages, quelques paysans vivotaient, 
PA et vendangeant quand il plaisait à Dieu et 
aux Français. Ceux-ci occupaient quelques points ‘soli- . 
des où ils tenaient garnison : Bletterans, Gourlaoux, 


(1) Vieux Lons, 1912, p. 157, n. 1. 
(2) Cf. Girardot de Nozeroy, p. 212, et l’annaliste des Copècias 
dans Mém. Soc. Em. Jura, 1875, p. 348. 


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— 243 — 
Saint-Laurent-la-Roche. À tout moment ils en partaient 
pour aller battre l’estrade, arrêtant sur les chemins un 
pauvre tonneau de vin que les gens de la plaine rame- 
naient de Conliège (1), imposant de lourdes contribu- 
tions (2), se mariant au pays, y vivant en maîtres, et 
s’y voyant déjà propriétaires (3). 

Cependant, les ruines de Lons retournaient à la natu- 
re. Ce n'étaient plus, dit une supplique des environs 
de 1640, que « des trous et des nids de serpents, et 
une batardière (4) de sauvageons ». (5) 

Lons semblait bien morte... 

Alors parut La Cuson. 


* 

# «+ 
Vous avez entendu parler de La Cuson. La tradition 
de vos pères, le roman vous l’ont rendu familier. Et il 
en est plus d’un parïni vous qui, à côté de sa légende, 
connaît son histoire, pour l’avoir lue soit dans leslivres 
de mon maître M. Philippe Perraud (6), soit dans celui 
de mon vieil ami et condisciple le capitaine Louis Lau- 
trey (7).— Héros sans peur, qui, s’il tremblait à la veille 
de la bataille, se mordait la main en disant : « Ah 
chair, il faut que tu pourrisses : qu’as-tu peur ? » (8), 
La Cuson ne fut pas sans reproche. Mais les affaires 


(1) Mém. de la Soc. d'Emul. du Jura, 1866, p. 507. 

(2) Sur ces contributions qu’il fallait ainsi payer, cf. id. p.532, 
et Emile Longin, Notes sur le Château de Grimont, 2° partie. 
dans Mém. de la Soc. d'Emul. du Jura, 1906. EF 

(3) Mém. de la Soc. d'Em. du Jura, 1866, p. 503 et 535. 

(4) Une friche à sauvageons. 

(5) Vieux Lons, 1908, p. 68. | 

(6) Lacuzon, d'après de nouveaux documents, dans Mém. de La 
Société d'Emul. du Jura, 1866. 

(7) Vie du capitaine La Cuson, dans Mém. Soc. d'E Emul. du 
Jura, 1912 et 1913. Publication en vol,, en 1913; à . libr. 
+ Honoré Champion. 

(8) L. Lautrey, p. 82 du vol. 


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— %4h — 

de sa conscience ne nous regardent point. Ce qu'il faut 
dire, parce que c’est de l’histoire vraie, cest qu'il fut 
le protecteur de la région lédonienne : que Perrigny, 
Revigny, Saint-Maur, Cressia, Arthena, Alièze, Bor- 
nay, Courbouzon doivent à lui seul — leurs habitants 
l'ont proclamé (1) — leur « restablissement » ; que 
ceux de Bornay et d’Alièze le mettent tout de suite . 
après le bon Dieu (2); et que c'est à l’ ombre de son bras 
que les Lédoniens vinrent, petit à petit, reconnaître, 
défricher et habiter leurs ruines. | 

La Cuson avait été installé le 4 octobre 1640, par le 
baron d’Arnans, capitaine au château de Montaigu, 
« affin que, dez ledit Montaigu, il peut (3) descouvrir 
« les partis que les ennemys pourroient faire tant 
« sur la montagne que par le val » (4). Un an après, 
le 14* novembre 1641, il reprend aux Français le 
château de Saint-Laurent-la-Roche ; et alors, maître 
de ces deux sommets, il ne laisse aucun répit à son 
ennemi. Ce sont des courses incessantes sur le plateau 
et dans la plaine. Les Français viennent-ils picorer 
près de Perrigny ? il les bat sous Saint- Etienne-de- 
Coldre. Guettent-ils les charretiers sur la route de 
Conliège ? il les surprend à Vatagna, les met en 
déroute et les reconduit tambour battant jusqu'auprès 
de Montmorot (5). Son lieutenant Andressot, le neveu 
du président Boyvin, pouvait bien dire plus tard: « Il 
ne s’est jamais passé occasion de combattre qu’il ne 
l'ait fait ». Et aussi : « Il en a autant fait que de fois 
il a veu l’ennemy » (6). 


(1) Mém. de la Soc. d’Emul. du Jura, 1866, p. 504. 


(2) id., p. 512. 

(3) il pét.…. 

(4) Conre-enquét de 1659, dans Mém. Soc. FEmul. du Jura, 
(5) id, p. 532. a | , 


(6) id., p. 537° 


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— 245 — 


Aussi l'espoir revient-il -au cœur des pauvres 
Lédoniens. Maintenant qu'il y a là-haut un rude 
Comtois qui fait la vie dure aux Français, on peut 
reprendre le chemin de ses ruines. 

C'est en 1641 qu’arrivent les plus hardis, et les plus 
malheureux (1). Ils visitent le château : il leur sera une 
forteresse encore solide. Il a bien une grande brèche 
que les Français y ont faite en s’en allant (2). Mais on 
la bouchera, et, entre les quatre murs clos, on sera à 
peu près en süreté. Des baraques se montent. On 
s’enhardit. D’autres viennent rejoindre les premiers 
arrivés. Bientôt le château ne peut plus les contenir 
tous. On se hasarde alors au dehors, parmi les 
décombres du bourg. Les remparts, d’ailleurs, restent 
debout, dans quel état il est vrai ! Ouverts en trois 
endroits, n'importe ! ils sont encore une protection. On 
aménage les décombres ; on se construit d’autres 
baraques. Ne me demandez pas où l’on prend les 
matériaux : je serais obligé de vous répondre que ces 
chrétiens ont oublié leur catéchisme : 


Le bien d'autrui tu ne prendras 
Ni retiendras aucunement. 


Autrui, c'est la ville. Dans les ruines des moulins, 
de la Maison de ville (vous vous rappelez qu’elle était 
dans une tour de la porte Saint-Michel, à l’autre entrée 
de notre rue du Commerce), dans la tour des Mussillons 
(à l'entrée de notre rue Perrin), à Saint-Désiré, à 
l’ancien hôpital des Arcades, dans des coins obscurs 
de sacristies, il est resté des planches, des poutres, 
des barreaux de fer, des gonds, du plomb, des bancs, 
de vieux meubles. Les vantaux de bois de la porte de 
Perrigny sont encore intacts. On arrache partout les 


(1) Archives de Lons, chap. II, cote 2, nos 5 et 12, 
(2) id. chap. IT, cote 2, n° 5, 


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— 246 — 


clous et les gonds, on fend le bois, on enlève les plan- 
ches, on prend les bancs, les coffres ; on transporte 
tout cela dans le château et les masures du bourg. Et, 
ce qu’on a de trop, on le vend à un recéleur de Con- 
liège... (1). Et, sans donte, c’est un procédé condam- 
nable que d’entrer en affaires avec ces gens-là. Mais, 
quand il faut abriter de la pluie, du froid et du vent, ses 
enfants et sa femme, quand il faut loger ses pauvres 
provisions, et qu’on trouve quelque part, en allant à la 
quête, du‘ bois, du fer, des coffres qui, en fait, sinon 
en droit, ne sont à personne, comment résister à la 
tentation d'en faire usage ? Et peut-on les blâmer bien 
sévèrement ? 


En juillet 1642, un armistice vient augmenter la 
sécurité. Les anciens habitants continuent à revenir. 
L'année suivante, ils sont environ 50 ou 60 chefs de 
famille, ce qui représente à peu près 300 person- 


(1) Je tire tous ces détails d’une liasse des Archives de Lons 
(Chap. IL, cote 2). Dès que la vie municipale eut repris à Lons 
son cours régulier, c’est-à-dire, comme on le verra plus loin, 
dès le début de 1645, le Conseil voulut faire restituer à la ville 
tout ce qui lui avait été enlevé au retour des premiers habitants. 
Il eut recours à une procédure souvent employée autrefois dans 
les causes graves. Il s’adressa à l'archevêque de Besançon pour 
en obtenir un monttoire obligeant tous ceux qui Connaissaient 
les coupables à les dénoncer sous les peines ecclésiastiques. 
L'archevèque accorda le monitoire le 28 février 1648. J'ai lu 
toutes les dépositions : certaines sont bien curieuses. On voit 
le capucin Bregand emmener dans son couvent des matériaux 
enlevés à une guérite des murailles et à la porte de l'Ecole ; 
Etienne Clément met du blé dans un coffre de noyer, qui était 
dans la sacristie des Cordeliers ; le s' de Chissey « a eu la 
croisade fle grillage] de fer de la planchette du pont de l’Horo- 
loge », ainsi qu'une pièce de bois, provenant de Saint-Désiré, 
« où il y avoit plus de mille clous » ; on l’a vu aussi fendre le 
bois « où on avoit baptisez les cloches, que [qui] estoit dessus 
les chapiteaux [les combles] de St-Désiré ; » etc, 


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— 247 — 


nes (1). Tous sont logés dans le bourg (2). On se met 
un peu plus à l'aise parmi les ruines. On aménage un peu 
_ mieux les baraques ; on en construit de nouvelles. On 
songe à loger plus décemment le bon Dieu. Les églises 
n'ont plus que les quatre murs ; la charpente de Saint- 
Désiré, attaquée par l'incendie, est en mauvais état ; 
on la répare à pra frais (3). On revient aussi à la 
vie sociale. | | 
Les juges reprennent leurs séances à la porte du 
château (4). Les transports étant plus sûrs, le prix des 
choses diminue (5). Le Conseil de ville, reconstitué, 
reprend officiellement, le 26 janvier 1645, ses séances 
interrompues depuis le 16 juin 1637 (6). Il est probable 
que, depuis 1641 ou 1642, les habitants les plus 
instruits avaient pris l'initiative de se réunir pour 
régler les affaires de la communauté renaissante, et 
prendre des décisions pour elle : conseil de famille, 
plutôt que conseil de ville. C’est peut-être à la suite 
d’une réunion de ce genre que quatre notables, MM. 
Amyot, Millin, Domet et Benetrus, adressèrent au roi 
d'Espagne Ferdinand une supplique pour qu'il fit 
reconstruire la ville sous le nom de Ferdinande 
royale (7). Mais les: délibérations du Conseil avant 


(1) Archives de Lons, chap. II, cote 2, n° 9. Requête de 1643, 
adressée au Parlement pour être remis en possession d'un canon 
prêté à Dole au début de la suerre. 

(2) Délib. du 31 janvier 1645. 

(3} Archives de Lons, IL, 2, 9 (placet de 1651). 

(4) Contre-enquêéte de 1659 (Mém. Soc. d’'Emul, du Jura, 1866, 
p. 533. 

(5) cd., p. 534 : « Après la prinse dud Saint-Laurent, la faci- 
lité [du transport des grains] fust si grande et le commerce si 
facile que l'on eust après, tant dans le lieu de Lonslesaunier 
que circonuoisins, les denrées a tres bon prix ». 

(6) Le mayeur est le sieur Grivel ; les échevins, les sieurs 
Loys, Jean Domet et Denys Humbert. | 

(7) Voir Vieux Lons, de 1908, p. 70. 


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— 248 — 


son rétablissement officiel, sans doute inscrites sur 
des feuilles volantes, ne nous ont pas été conservées (1). 
En tout cas, juin 1637-janvier 1645, c'est exactement : 
la période dont j'ai voulu vous parler. | 
.. Désormais, l’ordre va revenir dans la maison bien 
administrée par le nouveau Conseil, Ils ne sont là que 
neuf, presque tous parents ou alliés : un maire, trois 
échevins et cinq conseillers. Trois portent le même nom, 
jadis fréquent à Lons et aujourd’hui disparu. (2) Ce 
sont des Domet ; et vous pourriez lire encore leurs 
armes sur un support de colonne, en l’église des Corde- 
liers, bas-côté droit, chapelle de Jeanne d’Arc. Ainsi 
neuf conseillers, parents ou alliés, trois portantle même 
nom : on dirait le conseil municipal d'une de nos plus 
petites communes jurassiennes, Mérona, Marangea, 
Plénisette. Mais, en dix séances seulement, entre le 
26 janvier et le 31 décembre 1645, ils font de bonne 
besogne. Dès leur première réunion, ils assignent ceux 
qui ont eu en mains les deniers de la ville, pour en ren- 
dre compte par devant le Conseil assisté de « deux 
personnages du peuple » ; ils décident de poursuivre la 
récupération des choses volées, et de faire un édit de 
police soumettant à lautorisation du maire et du Con- 
seil la licence de tenir auberge et de vendre du vin. 

On renouvelle les vieilles ordonnances de police 
urbaine. On décide de faire la visite des pignons «avec 
interdiction de bastir avant ladite visite ». (3) 

On fait recouvrir Saint-Désiré. Mais l'incendie a 
fondu les cloches de la paroisse et de la tour de l’Hor- 
loge, et l'on n’a plus rien pour appeler les fidèles à la 
prière, convoquer les conseillers, et « sonner les affaires 

(1) Le deuxième registre des délibérations municipales com- 
 mence avec l’année 1645. 


(2) Cf. Vieux Lons, 1911, p. 108-109. 
(3) Délib. du 26 janvier 1645, 


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— 249 — 


de la ville ». Aussi fait-on de multiples démarches. On 


achète d’abord une cloche, de soixante livres, à M. de 
Chissey. Puis on entre en pourparlers avec les habi-. 
tants de Pannessières et de St-Laurent pour savoir 
s’ils consentiraient à vendre, ou du moins à prêter leur 
cloche à la ville. Enfin, on traite avec Claude Andressot, 
le lieutenant de La Cuson à Montaigu, et on lui en 
achète une de 600 livres (D’où pouvait-elle bien lui 
venir ?) On la baptise : le maire est parrain ; et on la 
place sur la porte de l’Horloge (ce n’est pas la cloche 
« du Pont » : celle-ci a été mise en place et baptisée 
en 1810). 

Et le bon travail municipal se poursuit en 1646 et 


1647. On rappelle les bourgeois et habitants qui ne 


sont pas encore revenus, et on sollicite du Parlement, 


contre les récalcitrants, des peines sévères (1). Les 


propriétaires jetaient à la rue leurs plâtras ; défense de 
continuer, sous peine d’amende (2). En 1647, grand 
nettoyage. Sur l’ordre du Parlement, tous les villages 
voisins, de Pannessières à Ruffey, de Domblans à 
Digna, envoient à Lons des chariots attelés et des 
ouvriers avec « pioches, fossoirs, paniers et vivres 
« nécessaires, pour s’ayder à faire le décombre y 
« arrivé par incendie et ruine ». (3) 

Sans attendre que tous les vieux habitants soient 
revenus, de petits Lédoniens entrent dans la vie... Le 


(1) Délibérations je 31 décembre 1645, 5 mars et 8 avril 
1646. 

(2) Délib. du 16 janvier 1646 : « Sera faict edict Horn ordon- 
nance a ceux qui ont encombrez les rues de jectun [/eton, ce 
qu’on jette] de leurs maisons, de lauoir a traire [d'avoir à le 
tirer] hors de la ville et en lieux ou il ne puisse prejudicier au 
publique, dans six semaines ». On fut obligé de renouveler plu- 
sieurs fois l’édit, avec menace de faire faire le travail aux frais 
des récalcitrants. 

8) Po du 15 janvier 1647, — Arch, de Lons, II, 2, 7. 


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— 250 — 


plus ancien de nos registres de paroisse (vous savez 
que les registres de l’état civil n'existaient pas encore, 
et que là où vous trouvez aujourd'hui la signature du 
maire ou de l’adjoint qu'il a délégué à l’état civil, vous 
rencontrez la signature du prêtre qui avait baptisé, 
marié ou enterré) ; le plus ancien donc de nos registres 
de paroisse (ou de catholicité) commence avec l’année 
1644 : l'incendie de 1637 a consumé tous les autres. 
Eh bien ! sept années après la ruine de Lons, en 1644, 
‘je vois deux baptêmes : c'est bien peu, n'est-ce pas ? 
mais le papa et la maman portent des noms qu'on ren- 
contre à tout moment dans le Lons du xvrre siècle ; et 
1] me plait vraiment beaucoup que le premier petit Lédo- 
nien baptisé à Saint-Désiré après cette longue période 
de tristesse et d’abandon soit un petit Boy, Jean, fils 
de Jean et de Anne Coutaud (1), et le second un petit 
Louis (Loys), Philippe, fils de honorable Etienne et de 
honnête dame Jeanne Richier (2). Aucun mariage en 
1644 ; en 1645 : Guillaume Clément épouse Claudine 
Genot (3). Ils se marient le 4 avril : le 10 juin {ne faites 
pas le calcul!) 1l leur naît un fils. Neuf autres naissances 


(1) Jean Boy était fils de Pierre, docteur ès-droits, qu'on voit 
déposer en 1650, à 54 ans, et qui était donc né vers 1596 (Arch. 
commun. de Lons. chap. IV, cote 2). La famille Couthaud,était 
avec la famille Boy, de vieille bourgeoïsie lédonienne. Les Cou- 
thaud, par l'acquisition des seigneuries de Rotalier et de Ram- 
bey, étaient devenus Couthaud de Rambey. Jean-François Cou- 
thaud de Rambey, docteur en médecine, fut conseiller de ville 
en 1699. | : 

(2) Baptisé le 13 novembre 1644. Un de ses frères, Bernard, 
né en 1646, fut familier de Saint-Désiré. En 1713, il était 
« ancien » de la familiarité (Arch. dép. du Jura, Fam. de St-D., 
14-B). | 

(3) Guillaume, appelé partout aïlleurs Etienne, était fils de 
honorable Michel et de honnête Guyonne Massieu (Fam. de 
St-D., 7-B.) Son frère Désiré, époux de Claudine Clermont, de 
Salins, fut père de Claude-Désiré, qui fut familier de St-Désiré. 


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— 251 — 


en 1645 (sept garçons et deux filles) : et ce sont bien des 
noms de chez nous : Humbert, Ardiet, Caseau, Dau- 
vergne, Deleschaux(1). Deux naissent dans des familles 
de la plus vieille bourgeoisie lédonienne : Louis Boy est 
fils de Pierre, docteur en droit, maire de la ville en 1649 
et 1656 ; et Claude Jannin est fils de Jean Baptiste, lieu- 
tenant de juge au siège de Montmorot (2). Je veux 
nommer encore Pierre Poyra, fils du premier chirur- 
gien de l'hôpital de Lons. Le petit Claude Jannin eut, 
le 19 décembre, un parrain de choix : « Claude Prost, 
dit de Lacuson, capitaine et gouverneur du château et 
place de Saint-Laurent ». 

Mais, bien que tout paraisse reprendre sa place dans 
la cité, le Conseil à la Maison de ville et l'enfant au 
foyer, ce n’est pas encore la paix complète dans le 
bien-être. Il-faut, malgré la trêve, payer contribution 
aux garnisons françaises de Bletterans et de Cour- 
Jaoux (3) ; faute de quoi, l'ennemi vient enlever des 
otages. C'est ainsi qu’en 1643, il prend et emmène à 
Courlaoux le seul prêtre qu’il y eût alors à Lons, mes- 
. sire Christophe de Branges (4). En 1644, il fait encore 


(1) Je note aussi un petit Guiilaume Louis de Chissey, baptisé 
le 28 noût 1645. Il était fils de noble Claude de Chissey, et de 
dame Louise Petite. 

Ces Deleschaux sont encore une vieille famille lédonienne. Je 
trouve deux « honorables Deleschaux », Laurent et Humbert, 
enterrés, au milieu du xvue s., dans le cloître de Saint-Désiré. 
Le premier avait épousé Jeanne Humbert, le second Hélène 
Gaseau. (Arch. dép. du Jura, Fam. de St-Désiré, 26-D.). 

(2) Ce titre ne s’employait plus que par l'effet d'une vieille 
habitude, car il y avait bien des années déjà que Montmorot 
avait cédé à Lons le siège de la principale juridiction du 
bailliage d’Aval. 

(3) Remontrances des habitants de Perrigny au Parlement 
(1643). (Annuaire du Jura, 1878, p. 55 en bas et 56). 

(4) Arch, de Lons, II. 2,5. Requête du milieu de 1643. 


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— 252 — 


quatre prisonniers (1).. D'autre part, on a de lourdes 
dettes de guerre, et il faut solliciter du Roi d'Espagne 
et du Parlement de Dole ce que nous avons appris à 
nommer un moratorium : on l’obtient du Roi pour cinq 
ans, contre l'avis du Parlement qui, en raison du 


: précédent et « de la nouveauté qui pourroit alterer 


tout le general » (2), ne voulait accorder que deux ans. 


En 1646 (3), autre misère : le feu prend aux baraque- 


ments ; et voilà ces malheureux encore sans abri et 


sans meubles !... Mais on ne s’abandonne pas : on a. 


décidément la foi au cœur : on aime un horizon, un sol, 
des souvenirs. 


En 1659, la paix des Pyrénées trouve la petite ville 
rétablie et en route pour une destinée enfin plus heu- 


reuse. La conquête de 1674 y ramènera définitivement 


l'aisance et le bien-être. Des quartiers se bâtiront (tout 
le pâté de maisons entre la rue Lafayette et la rue 
Tamisier). On reconstruira l'hôpital du Faubourg, en 
attendant le bel édifice de la place Perraud (ouvert en 


1745). On bâtira l’Hôtel-de-Ville et trois couvents: Béné- : 


dictins (la Préfecture) ; Cordeliers (l’ancien Séminaire) ; 
Tiercelines (l’école communale de la rue deVallière). On 


(1) Lettre de La Cuson à M. de Bréry (1644) (Mém. de la Soc. 
d'Emul. du Jura, 1866, p. 490). De même, dans une lettre de la 
même date à M. de Bomette (et non pas M. de Bonnette, comme 
il est dit dans la copie, si défectueuse, de tous ces actes), La 
Cuson dit : « Je ne saurois quitter, a raison des frequentes 
courses des garnisons voisines, qui sont presque tous les jours 
a nos portes ». (id., p. 491). 

(2) Archives de Lons, IT, 2, 5. 

(3) L'incendie doit être antérieur au 9 avril 1646. Car ce e jour 
là, prudent comme on l’est généralement après coup, le Conseil 
de ville prend la décision suivante : « Sera interdict aux four- 
niers de donner aux habitants de la braise sans la bien arr ouser 
d'eau, et d'en donner aucune quand le vent courra », 


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— 25 — | 


élargira, en démolissant le moulin qui la barraït, la rué 
du Moulin-d’en-Haut, qui deviendra la rue Neuve (voyez 
l’égale hauteur des façades de cette rue, aujourd’hui 
rue Lecourbe, sur tout le côté droit, depuis la Place 
jusqu’à l'entrée de l'impasse Saint-Antoine) ; on la pro- 
longera ensuite jusqu’au pont, le Pont-Neuf, où com- 
mençait le territoire de Montmorot. Puis, l’ancien sentier 
à travers les prés devenant, avec l'ouverture des Sa- 
lines, au milieu du xvrri° siècle, un chemin important, 
la ville partira à la conquête pacifique de Montmorot, 
en en faisant reculer le territoire, successivement, du 
Pont-Neuf à l'entrée de la rue de Vallière, puis à 
l'entrée de la rue Sale, puis jusqu’au pied de Montciel ; 
et nous aurons ainsi notre rue,— 774 ruè — des Salines. 
On abattra les vieilles murailles, on comblera les fossés. 
On élèvera au-dessus des arcades, — lesquelles, aupara- 
vant, existaient au-devant des maisons, comme des por- 
tiques —, ces façades dont quelques-unes ne manquent 
pas de caractère ; et on donnera à la plus ancienne de 
nos rues cet aspect pittoresque qui, sans doute, plaît à 
vos veux. Et la pauvre bourgade, si cruellement éprou- 
vée, deviendra, petit à petit, la jolie ville proprette, 
_agréable, accueillante, qu'elle est aujourd’hui, — la ville 
qu'Henri de -Campion aimerait à revoir des pentes 
de Montciel, la ville dans les arbres, où, sûrement, 
vous aimiez déjà vivre, où, peut-être, vos regards se 
poseront avec plus de tendresse, et où votre cœur 
s’attachera davantage, maintenant que vous savez ce 
qu'ont été pour elle les huit années de sa grande 
misère. 
Emile Monor. 


25 octobre 1924-8 janvier 1925. 


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LISTE 


Membres de la Société d'Émulation du Jura 
POUR 19%. 


Membres du bureau. 
MM. 


. Le PRÉFET du Jura, Président d'honneur. 

_ Président annuel: abbé PEerRoD, aumônier du Lycée, 
conservateur des Antiquités et Objets d’art du Jura, 
9, rue du Puits-Salé. 1897. 

Vice-Président : Philippe GuicnarD, homme de lettres, 
7, place de la Liberté. 1866. 

Secrétaire-archiviste et Trésorier : Honoré CARREZ, 
directeur d'école honoraire, route de Macornay. 1902. 


Membres résidant à Lons-le-Saunier. 
MM. 


ANTOINE, Edmond, agent d'assurances, 2, place Bichat. 
1920. | 

BaïLze (le colonel), Alfred, 34, rue Lecourbe. 1896. 

BAILLe, Pierre, 34, rue. Lecourbe. 1892, 

BARON, notaire, 6, avenue de la Gare. 1920. 

BERTRAND, route de Conliège. 1897. 

Bey, Edmond, directeur de la Compagnie d'assurances 
« Le Jura », 33, avenue de la Gare. 1912. 

BizLAUDEL, Trésorier-payeur général du Jura, 1926. 


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— 256 — 
MM. 


Boussey (Mme), 13, rue de Vallière. 1920. 

BREDIN, proviseur du Lycée Rouget-de-Lisle. 1926. 

BRESSE, Jacques, avocat, 18, rue Sebile. 1993. 

Brucuon, Emile, 21, rue Regard. 1921. 

Burix, industriel, Champ de foire des chevaux. 1921. 

Cor caissier de la Banque de France, en retraite, 
1, place Perraud. 1925. 

Cunerin, avoué, 18, rue Rouget-de-Lisle., 1920. 

CHALAIN (de), nandant en retraite, 8, rue Sebile. 
1920. 

DaviLLé, archiviste départemental. 1923. 

Desgresr, Pierre, 12, rue du Puits-Salé. 1918. 

DeEcztME, Lucien, imprimeur, rue du Commerce. 1883. 

DirecTEur (le) de l’Agence des Mines de Blanzy. 1918. 

Dopaxe, professeur au Lycée, route de Macornay. 1918. 

Dunem, Gustave, archiviste paléographe, 16, rue des 
Salines. 1923. 

FuuEeY, Edouard, Grande rue de Montmorot. 1922. 

GENEVAUX, Louis, négociant, 57, rue Jean-Jaurès. 1922. 

GEnoun, greflier du Tribunal civil, 8, rue des Cordeliers. 
1912. 

GENoup, Robert, 8, rue des Cordeliers. 1917. 

GirarDOT, Louis-Abel, professeur honoraire du Lycée, 
conservateur du Musée, 28, rue des Salines. 1876. 

Girop, Victor, viticulteur, route de Villeneuve. 1920. 

Goy (Mme), 33, avenue de la Gare. 1920. 

GRILLON, professeur en retraite, aux Rochettes. 1921. 

JAcquET, Louis, commandant d’arüllerie en retraite. 
15, avenue de la Gare, 1925 

JACQUET, Paul, directeur d'assurances, 3, rue du Four. 
1911. 

Join (Mlle), 12, place Perraud. 1996. 

JouveT, André, docteur en médecine, 1, place de la 
Chevalerie. 1921. 


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LACHICHE, Paul, professeur au Lycée, 6, rue Perrin. 
1908. 

Lamy, notaire honoraire, A, rue Lafayette. 1921, 
LEBRUN, Jules, avocat, maire de Lons-le- Saunier, 20, 

| rue Rouget-de-Lisle, 1908. 

Lépeuit, professeur au Lycée, 22, rue Lafayette. 1920. 

Lescxaux (de), administrateur en chef des Golonies, en 
retraite, 21, rue Sebile. 1921, 

LETOREY, Alfred, licencié en droit, 1, place Pasteur. 1912. 

Lisois, Pierre, 13, place Bichat, 1924. | 

LomBaRD, Léon, professeur au Lycée, bibliothécaire 
de la ville, route de Macornay. 1903. 

Mapers, ancien directeur d’école, 22, rue . Ecoles, 
1920. 

MairRe, Paul, notaire, rue Brichard. 1918. 

Mercier, Charles, négociant, route de Conliège. 1918. 

MIcnet, Eugène, licencié en droit, 6 bis, place Perraud, 
1908. 

Mixriscuer, conservateur des forêts, route de Macor- 
nay. 1922. 

Moxor, Emile professeur de Première au Lycée, adjoint 
au maire, ancien président de la Société d’Émulation, 
10, place Perraud. 1888. 

Moreau, ingénieur en chef des Ponts et Fins 
- 81, rue Rouget-de-Lisle. 1920. 

PATHÉ, Henri, licencié en droit, 8, rue Lafayette. 1924. 

Prosr, Henri, banquier, 14, rue Rouget-de-Lisle. 1899. 

Prost, Maurice, banquier, 14, rue Rouget-de-Lisle. 
891. 

Rortanp, libraire, 7, s. de la Liberté. 1921. 

Rogin, sous-intendant militaire en FrRe: 11, place: 

- de la Paix. 1918. 

Rousseau, commandant en retraite, 2, rue Lafayette. 


1925. 


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= 258 — 


| Tomas, docteur en médecine, 19, rue St-Désiré, 1926. 


VagxiorT, Charles, docteur en médecine, route de Môn- 


taigu. 1909. 
Viannay, Louis, rue du Château-d’'Eau. 1913. 
VoGELIN, médecin principal de 1° classe en retraite, 
7, place de la Paix. 1919. 
62. 


Membres résidant dans le département. 


ALIGNY (le baron d’), conseiller général, au château, de . 


Montmirey-la-Ville. 1911. 
Am10T (l'abbé), curé de Toulouse. 1923. 
ARBEZ-GiNDRE (M*),institutrice, à Syam, 1911. 
BABET, instituteur à Champvans-les-Dole, 1926. 
_BErTHOD, député, vice-président du Conseil général, 
91, rue de l’Abbé-Groult, Paris (15°), et Sat 
gnole. 1923. 
Besson, Henri, industriel à Dole. 1920. 
Borrzey, Emile, à Arbois. 1915. 
BoNNOTTE, Edmond, à Saint-Lothain. 1885. 
BOURGUIGNON, ancien greffier de la justice de paix, à 
_ Moirans. 1903. 
BouvererT, Jean, avocat, rue Jeantet, à Dole. 1920. 
BouveT, Ernest, conseiller général à St-Laurent-du- 
Jura. 1922. 
Brocuer (Mme Alfred), 2 bis, rue Dusillet, à Dole. 1919. 
Carnor (le colonel Sadi), au château de Syam. 1921. 
Brune, Charles, directeur des Services vétérinaires à 
| Chartres, à la Préfecture. 1921. , | 
CHOMEREAU DE SAINT-ANDRÉ (de), commandant hono- 
raire, à Verges. 1920. | 
Cuauvin, Eugène, maire de Montain. 1913, 
CuevroT, docteur en médecine, à Bletterans. 1896, 


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= 159 = 
M. 

CLerc, agent d'assurances, à Grande-Rivière. 1922. 

ComPAGNON, Jules, docteur en médecine, à ne . 
le-Château. 1899. 

Crur (Mile), institutrice, 1 bis, Grande- Rue, à Dole. 

1920. 

Cousança, Ernest, à Saint-Amour. 1900. 

Eparccy, Maurice, à Miéry. 1912. 

FAvRE, (le chanoine Eugène), directeur de la Maîtrise 
à Saint-Claude. 1908. | | 

Feuvrier, Julien, professeur honoraire de l’Université, 
archiviste de la ville et conservateur du Musée archéo- 
logique de Dole, 8, rue des Romains, à Dole-la- 
Bedugue. 1888. 

FicLon, Paul, industriel à St-Laurent-du-Jura. 1922. 

Gacneur, Désiré, avoué, 34, rue d’Arênes, à Dole. 
1908. | 

GaïzzarD, Albert, instituteur à Saint-Laurent-la- 
Roche. 1912. 

GAILLARD, Alphonse, 4, rue de la Poyat, à Saint- 
Claude. 1912. 

GARDIEN, professeur de musique, à Dole. 1917. 

Giro», commandant au 7° spahis, à Orange (Vaucluse), 

. et Villers-Farlay. 1918. 

Gonor, Léon, docteur en médecine, 19, rue du Parle- 
ment, à Dole. 1919. 

GranD, Georges, capitaine d'infanterie, à Arbois. 1913. 

Grévy, Léon, à Mont-sous-Vaudrey. 1926. 

GROSJEAN, Henri, à Clairvaux. 1900. 

Grospierre (l’abhbé), vicaire, 9, rue Carondelet, à Dole. 
1919. 

Guyon, Romain, instituteur à Pond Nares. 1908. 

Hévier, François, industriel à Arbois. 1902. 

JAGQUET, ancien professeur au Lycée de Saint-Omer, 
2, place Emile-Zola, Salins. 1925. | 


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— 260 — 

MM. | 

. JEANTET, Félix, à Saint-Lupicin. 1917. 

Jousseranpor, Louis, ancien bibliothécaire à la Sor- 
bonne, à Macornay. 1914. 

Jovienor, notaire, 10, rue du Collège, à Dole. 1920. 

LarGER, L., docteur en médecine, 8, rue du Collège, à 
Dole. 1904. 

Lesay, Albert, percepteur,5, rue d’Arènes, à Dole.1913. 

Lionez,Marie-Jules, au château du Bois-Vernois. 1924. 

Maraux (l'abbé André, professeur au Séminaire de 
Vaux (Jura). 1904. 

MaARCHANDON DE LA FAYE, propriétaire à Château- 
Chalon. 1919. 

MAILLET, instituteur à Chaux-des-Crotenay. 1920. 

Mazpas, Victor, industriel, et Mme Mazpas, à Dole, 

__ 12, avenue de la Bedugue. 1920. | 

MEYer (le colônel Nicolas). à Villers-Farlay. 1924. 

Mevnier (le chanoine Charles), 4, LA Jean-Macé, 
à St-Claude. 1920. 

Miopow, Louis, conservateur du Musée de Champa= 
gnole. 1908. 

Moxxter, Léon, publiciste, 9, rue Gollut, à Dole. 1944. 

Monnier, André, conseiller général, à Baudin. 1920. 

MonTricHaRD (le comte de), au château de Monnet, par 
Champagnole, ou au château de la Bouloye, par 
Besançon. 1914. 

.Pazzuy, Jean, bibliothécaire municipal, rue des Arènes, 
à Dole. 1912. 

PerneT, Louis, industriel, 2, rue Chanbénos. à Salins. 
1924. 

Pinauzr, Louis, capitaine en retraite, 27, rue d'Orge- 
mont, à Salins. 1904. 

Pinourer , Maurice, préparateur de géologie à la Faculté 
des Sciences d’Alger, 1, rue Burdeau, et à Salins. 
1902. LS | 


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— 261 — 
MM. 


PoTarp, Omer, instituteur à Charcier. 1913. 

REVERGHON, J., employé de banque, 7, rue des Pro- 
menades, à Morez. 1917. 

RiGouLerT, Henri, instituteur à Perrigny. 1913. 

RoBerT, ancien magistrat, à Domblans. 1880. 

RoBEerT, Paul, la Chevance d'Or, à Arlay. 1921. 

RomanD-Monnier, Louis, docteur en médecine, à 
Champagnole. 1908. 

Rosier (M"° Marguerite-Henry). 1911 et M. Henry 
Rosier, industriel, 9, rue des Romains, à Dole. 1920. 

SAUVIN, Maurice, industriel, à Pont-de Poitte, 1913. 

SPINGA, M., Ingénieur des Arts et Manufactures, 38- 
40, boulevard Wilson, à Dole. 1921. 

THorax, Ferdinand, propriétaire, à Saint-Lupicin. 1911. 

TourRNIER, régisseur, au château d’Arlay. 1922. 

VenraRD, À., professeur au Collège, 11, avenue de la 
Gare, à Dole: 1910. | | 

VERNIER, Auguste, directeur d'école honoraire, à Poids- 
de-Fiole. 1891. oo 

VuicreRMET, François, rue Jules Ferry, à Poligny. 1891. 

VuizLor, 79, avenue de Gray, à Dole. 1912. 


75. 


Membres correspondants. 
MM. | 


AzAN, Paul, colonel, commandant le 6° régt de Tirail- 
leurs algériens. 1902. 

BÉraRD, Victor, sénateur du Jura, 75, rue Denfert- 
Rochereau, à Paris. 1890. 

Besson (Mgr), évêque de Lausanne et Genève, à Fri- 
bourg (Suisse). 1910. 

BLONDEAU, Procureur de la République, 20, rue 
Nexirme, à Metz, 1899, | 


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— 262 - 
MM. 


Bourpon, docteur en médecine, à Maffliers, par Mon- 
soul (Seine-et-Oise). 1908. | 

Bouvier, Louis-Eugène, membre de l'Institut, profes- 
seur au Muséum, -7, rue d’Archères, à Maisons- 
Lafitte, Seine-et-Oise. 1906. 

BrucxeT, Max, archiviste du département du Nord, 
rue du Pont-Neuf, à Lille. 1914. 

Brun, Xavier, professeur au Lycée, 5, rue Sainte-Ca- 
therine, à Lyon. 1904. | 
CHaLLAN de BELvaL, docteur en médecine, 3, boule- 
vard Rodocanachi, Marseille. 1874. | 

Cuapoy, Edmond, avocat, à Marboz (Ain). 1910. 

CHAVANNES (Frédéric de), 10, avenue de l'Opéra, à 
Paris (1°). 1919. 

Cevaux, Henri, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, 38, 

rue de Patras, à Tunis. 1890. 

CLÉMENT (l'abbé Octave), chanoine de Notre-Dame de 
Paris, Ecole Fénelon, 23, rue du Général Foy, 
Paris (8°). 1890. | | 

CHivré (le vicomte Urbain de), à Mornay, par Nurieux 
(Ain). 1908. 

Cour, conseiller à la Cour d’ appel, à Besançon. 1897. 

CourToT, Jean, 14, Parc de Montretout, à St-Cloud 
(Seine-et-Oise). 1919. | 

CourToT, Pierre, 14, Parc de Montretout, à St-Cloud: 

(Seine-et-Oise). 1919. 

Gouriz (de l'Eure), Léon, ancien Président de la Société 
préhistorique de France, aux Andelys (Eure). 1915. 

Davin (Mme), professeur à l'Ecole normale d'institutrices 
de Vesoul. 1911. 

Descxer, Marc, publiciste 51, rue Denfert-Rochereau, 
à Paris (5:). 1914. 

FARDET, administrateur colonial, en congé à Saint- 
Laurent (Jura). 1912. 


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— 263 — 
MM. 

FEeBvre, Lucien, professeur à la Faculté des lettres de 
Strasbourg, ‘allée de la Robertsau. 1913. 

GaurTiEr, Emile, ingénieur, 67, boulevard de Cha- 
ronne, à Paris (11°). 1912. 

GaZzIER, Georges, conservateur de la Bibliothèque mu- 

. nicipale, 11, rue Morand, à Besançon. 1913. 

GERMAIN, Léon, président du Tribunal civil du Puy. 1908. 

GIRARD, secrétaire général de la Cie des Chemins de 
fer du Nord, Place des Vosges, Paris, (3°). 1922. 

.Gurcæarp, Frantz, médecin-chef de l’hôpital Mauchamp, 
-à Marrakech (Maroc) 1917. 

GUILLAUMOT, Georges, conseiller d'Etat, 11, rue de 
Navarre, à Paris, et château de la Verjonnière par 
Verjon (Ain). 1918. 

_ GUYENOT, mécanicien-chef de la marine, 7, boulevard 
Sainte-Colombe, Saint-Barnabé, à Marseille. 1911. 

Hu, Edmond. vice-président de la Société préhistorique 

- de France, 60, rue dela Pompe, à Paris (16°). 1910. 

JAGQUES, Joseph, imprimeur, rue Claude-Pouillet, à 

_ Besançon. 1908. | 

LABLOTIER, archéologue, , Grande-Rue, à Delle, 
Territoire de Belfort. Le 

LEMoIsNE, Paul, attaché au cabinet des Estampes de la 
Bibliothèque nationale, 4, rue de Richelieu, à Paris 
(4°). 1906. 

LonGiN, Emile, ancien magistrat, à Montagney (Hte- 
Saône), et 10, rue Monge, Drjon. 1897. 

LyauTey (le maréchal), de l’Académie française, ancien 
résident’ général de France au Maroc, 5, rue Bona- 
parte, Paris (6°). 1913. | 

Maire, Victor, président de la Société d’ Emulation de 
Gray. 1909. 

MARGERIE (Emmanuel de), ancien président de la Société 
géologique de France, à Paris. 1923. | 


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| — 264 — 
MM. 


Moureau, Joseph, professeur au jyoée de. M 
1910, 

Nourey, receveur des finances, 5, rue de Navarre, à 
Paris (5°). 1913. 

PiceGRu, Georges, chef de service'à la Banqué de 
France, 9, rue des Abbesses, à Paris (18°). 1920. 


PErReNorT, Théophile, professeur au Lycée, villa Fiori, 


chemin de Saint-François à San Mar puente ban- 
lieue de Marseille. 1909. 

PertrrecerC, Paul, géologue, 6, rue du Lycée, à Vesoul. 
1917. 


PonsoT, Georges, inspecteur de l'Enregistrement, 1 rue | 


du Grand-Puits, Vesoul (Haute-Saône). 

ProTteT, percepteur, à Nolay (Cüte-d'Or). 1919. 

Rice, Attale, professeur de géologie à la Faculté des 
Sciences de Lyon. 1919. 

Rocue, Julien, Paris et Conliège. 1926. 


RozziEer, Louis, docteur ès- sciences, professeur au | 


Polytechnicum de. Zurich. 1909, : 


Roux, Roger, conseiller à la Cour d'appel de Besançon. 


1910. 

Roy, Félix, architecte, 16, rue Cassini, à Paris (14°). 
1323. 

ScuarpT, Hans, professeur au Polytechnicum d Zu- 
rich. 1888. 

Srourr, Louis, docteur ès-lettres, professeur à l’Uni- 
versité de Dijon, 11, rue Chevrier, à Dijon, eu rue des 
. Fossés, à Arbois. 1918. 

Tournier, René, architecte, 9, rue À. FOOOR Paris 
(14°). 1924. | 

VIRÉ, Armand, ancien président de la Société niélièe 
torique de France, 8, rue Lagarde, à Paris (5°). 
1896, 


F 


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— 265 — 


Voauë (le marquis de), au château d’Arlay. 1924. 
. WarTevilze (le baron de), 11, rue Stanislas, Paris (6°), 
et au château du Pin (Jura). 1923. 


55, 


Membres résidant à Lons-le-Saunier. ........ 62 


— — dans le département du Jura. 75 
— correspondants ...... Re  — 55 
Total... . ........ .... +. 192 


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LISTE 


DES 


Sociétés Savantes et des Revues correspondantes. 


Depuis 
1819. 


Académie des sciences, belles-lettres et arts de 
Besançon. 

Société d'agriculture, sciences, arts et belles- 

. lettres de l'Aube, à Troyes. 

Société d'agriculture de la Marne, à Châlons-sur- 
Marne. 


. Académie de Dijon. 


. Académie de Mâcon. 

Société d’Emulation de l'Ain, à Bourg. 

Société d’agriculture,scienceset arts dela Haute- 
Saône (Vesoul). 


. Académie d’Arras. 


Société d'Emulation d’Abbeville. 

Académie de Metz. | 

Comité des Sociétés savantes au Ministère de 
l’Instruction publique. 


_ Commission de météorologie de la Haute-Saône, 


à Vesoul. 
Société d'Emulation de Cambrai. 
Société d’Emulation du Doubs, à Besançon. 
Société d'Emulation des Vosges, à Epinal. 
.. Société d’histoire et d'archéologie de CRUE 
Saône, 


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1910. 


41911. 


— 267 — 


. Académie des sciences, belles-lettres et arts de 
Savoie, à Chambéry. 


. Société archéologique de Soissons. 


Société d’'Emulation de Montbéliard. 
Société littéraire et archéologique de Lyon. 


. Académie Stanislas, Nancy. 


Société belfortaine d'Emulation (Belfort). 
Société d’histoire et d'archéologie de Genève. 


. Académie des sciences et belles-lettres de Lyon. 


Musée Guimet, à Paris. 
Société des sciences historiques et naturelles de 
l'Yonne, à Auxerre. 


. Société nationale des antiquaires de France, à 


Paris. 
Société philomatique de Paris. 


. Archivesdela France Monastique,RevueMabillon 


(Abbaye de Ligugé à Chevotogne, par Leignan, 
Belgique). 

Bibliothèque muhicipale de Besançon. 

Société Grayloise d'Emulation, à Gray. 


. Bibliothèque municipale de Dole. 


Bibliothèque municipale de Salins (Jura). 

Société éduenne, à Autun. 

Société historique, archéologique, scientifique et 
littéraire « Le Bugey », à Belley. 

Société neuchâteloise de géographie, : à Neuchâtel 

Suisse). 

Société philomatique vosgienne, à Saint-Dié. 

Société des sciences de Semur (Côte-d'Or). 

Revue bibliographique « Polybiblion », 5, rue 
Saint-Simon, boulevard Saint-Germain, Paris. 

Société d’histoire naturelle et de palethnologie de 
la Haute-Marne, à Chaumont. 


1912. Société des Beaux-Arts, de la Haute-Saône. à 


Vesoul. 


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* — 268 — 


1913. Société Gorini, à à Belley. _ | 
_— . Société d’archéologie de Beaune ; (Cte-d'On). 
— Académie florimontane. d’Annecÿ. 

— Académie d'agriculture, Paris. 

— Société des études historiques, Paris: 


— : Société d’histoire’du canton de Fribourg (Suisse). L 


1925. Société archéologique de Sens. 


— Société, des Sciences, Agriculture et. Aris de. 


." Lille. | : 
— Société archéologique de r Orléanais, à Oiléaris: 
1926. Société d'archéologie Lorraine, à Nancy. 


51. 


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TABLE DES MATIÈRES. 


Procès-verbaux des séances..................... 
X. Brun.— Histoire de Nantey, de Verde et d'Ecuiria 


E. on — Une statistique inédite de la Franche- 
Comté (1636). Deuxième partie....... users 


M. PErRoD. — Etienne Patouillet, chanoine de Saint- 
Maurice de Salins, doyen de Dole, abbé d’Acey, 


diplomate et orateur (1634-1696). ............. . 
G. BLoNpeau. — Essai de transfert du Parlement de 
Dole à Besançon au XV* siècle.............. de 
E. Monor. — Les huit années de la grande misère à 
Lons-le-Saunier (1637-1644)......... rs. 7 
Liste des Membres de la Société................. s: 


Liste des Sociétés: savantes et des Revues corres- 
pondantes....., A 


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111 


147 


183 


205 
255 


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